témoignage du droit de posséder, elle doit équivaloir à la jouissance de la chose. La possession qu'on a eue de certains fonds, comme d'un moulin, d'un étang, peut après leur destruction, se conserver par leurs ruines. On peut, à leur aide, continueretacheverla prescription commencée auparavant. Les vestiges témoignentce qui a existé; et, à moins d'actes d'opposition, ils assurent, tant qu'ils subsistent, le droit de rétablir les choses dans leur ancien état. D'Argentré, sur l'art. 266 de la Coutume de Bretagne, no 10, a écrit ces mots, qu'on a répétés comme une sentence : Hæc enim signa cùm sint temporis successivi et permanentis, signatum retinent in possessione juris. On reviendra sur cet objet, lorsqu'on traitera des causes qui interrompent la prescription. 42. La loi 17, ff. de acq. vel amitt. poss., décide qu'une personne dépossédée par voie de fait, doit être regardée comme si elle avait la possession, tant qu'elle a la faculté de la recouvrer par le moyen de l'interdit. D'Argentré (à l'endroit précité) a développé et expliqué le principe de cette loi, et tracé une règle bonne aujourd'hui, aussi bien que pour le temps où il écrivait. Il enseigne que le possesseur qui est privé de la jouissance de son fonds par l'usurpation, conserve une possession civile pendant l'année de l'action possessoire et durant la poursuite de cette action, s'il s'il l'a formée en temps utile; et que, par l'effet de cette possession civile, la prescription peut s'achever dans l'intervalle, en faveur du demandeur, malgré la détention réelle de son adversaire, si, en définitive, la réintégrande lui est ac cordée. On doit aller plus loin et décider que la répression, certaine, de l'usurpation, par quelque voie et dans quelque temps qu'on l'obtienne, efface l'interruption que l'usurpateur avait produite. Cessante causa cessat effectus. L'usurpateur n'a qu'une possession précaire, qui se rapporte pour l'utilité au propriétaire qu'il est obligé de reconnaître. On trouvera le développement de cette proposition, infrà, chap. 5. 43. Il y a beaucoup d'autres manières de posséder, en droit, des fonds qu'on ne possède pas réellement par l'occupa tion, ou par la culture et la perception de leurs fruits. En défendant comme détenteur d'un fonds à une demande en bornage, à une recherche hypothécaire, à la prétention d'une servitude, ou en demandant la servitude pour son exploitation; en hypothéquant le fonds; en poursuivant les auteurs des vols ou des dégradations qui y sont commis, et, en un mot, par tous les actes judiciaires ou extrajudiciaires même, qui déclarent la possession en droit, ou à une possession civile qui est publique, et avec laquelle il est possible de continuer et d'accomplir la prescription. 44. L'art. 2229 ne se borne pas à demander une possession continue et non interrompue; il la veut encore paisible. Les lois romaines n'ont pas déterminé ce caractère. La loi 10, C. de acq. vel ret. poss., dit seulement que la possession est légitime lorsqu'elle est confirmée par le silence ou l'absence de tout adversaire. Pothier (de la prescription, no 38) fait rentrer la possession paisible dans la possession qui n'est point interrompue : ce n'est pourtant pas la même chose. Suivant les art. 2243, 2244 et 2247, la possession n'est interrompue que par une possession contraire de plus d'un an, ou par une demande admise en justice. Le possesseur qui n'a essuyé ni l'une ni l'autre de ces interruptions, serait-il nécessairement un possesseur paisible? Il peut avoir éprouvé des contradictions de faits souvent renouvelées, qui, sans l'avoir privé de jouissance pendant une année entière, et sans avoir amené de contestation en justice, ont cependant rendu sa possession très agitée et très peu sûre. Si chaque année sa jouissance a été disputée par des personnes qui le taxaient d'usurpateur, si elles lui ont enlevé des fruits sans qu'il ait osé porter de plainte, s'il n'a pu se maintenir en possession que par la force ou par l'adresse, pourrait-on le regarder comme un possesseur paisible? Aurait-il une possession propre à justifier la présomption de la propriété en sa faveur? II ne satisfait pas à une condition importante de la loi; il n'a pas joui paisiblement; il n'a pas droit à sa protection. Vide infrà, no 67. 45. La possession doit être publique, pour qu'elle puisse être connue de ceux qui ont intérêt à la contester, et qu'on soit fondé à leur imputer de ne l'avoir pas contredite. Il n'est pas nécessaire que les personnes intéressées soient particulièrement informées de la possession qui a lieu à leur préjudice; il suffit qu'elle ne soit pas cachée, et qu'en veillant ou faisant veiller à leurs droits, elles aient pu être instruites de son existence. Si, étant publique, elles l'ont ignorée, c'est un malheur que la loi ne pouvait empêcher. On se jetterait dans des embarras inextricables, s'il fallait rechercher, dans cette matière, la connaissance ou l'ignorance des individus. La loi dernière, au code de præscrip. long. temp., à très justement dit: Nulla scientia vel ignorantia expectanda, ne altera dubitationis inextricabilis oriatur occasio. Quand on lit, dans d'autres lois et dans des auteurs, que la possession clandestine est celle qui se prend de la cho chose d'autrui à l'insu du maître, et qu'elle fait obstacle à la prescription; que la possession, pour prescrire, doit être au vu et su de tous, il faut entendre que la prise de possession n'est à l'insu du maître que lorsqu'elle a été cachée au public; que s'il a pu la connaître avec le public, il n'est pas censé l'avoir ignorée; que la possession est réputée connue de chacun, quand elle est, suivant l'expression employée par les rédacteurs de la Coutume d'Orléans (article 170), au vu et su de tous ceux qui l'ont voulu voir et savoir. 46. La publicité de la possession est dans la manière de l'exercer, et se prouve avec le fait même de l'exercice. Lorsque la possession n'est point occulte, celui qui s'en plaint n'est pas reçu à établir qu'il l'a ignorée, parce que l'ignorance n'est à considérer qu'autant qu'elle a été causée par l'artifice du possesseur qui a su dérober sa possession à la connaissance du public. Mais si la possession a cette clandestinité, l'ignorance de celui qui réclame la propriété est présumée de droit; la possession du défendeur lui est inutile, à moins qu'il ne puisse prouver clairement qu'elle a été particulièrement connue de son adversaire. La Coutume d'Orléans portait, art. 253: Fouillement en terre, grattement..... n'attribue par quelque laps de temps, droit TRAITÉ DES PRESC. de possession à celui qui aura fait ladite entreprise. Pothier rapportant cet article (de la prescription, no 37), décide que si quelqu'una, pour agrandir ses caves, creusé sous la maison de son voisin, sans que celui-ci s'en soit aperçu, et s'il a ensuite vendu la maison telle qu'elle se compose, quoique l'acquéreur ait possédé de bonne foi la cave usurpée, il n'aura pas pu la prescrire, parce que sa possession n'a pas été publique. Le parlement de Paris a rendu, suivant ces principes, un arrêt remarquable. En 1713, le sieur Huet, propriétaire d'un terrain situé dans la plaine de Creteil, près de Paris, y fit faire, par le moyen de différens puits, des fouilles de pierre propre à bâtir, et il les poussa jusque sous le terrain attenant du sieur Mercier. En 1754, Mercier entreprit également de faire fouiller son héritage; mais, s'étant aperçu de l'anticipation, il assigna les héritiers Huet en condamnation de dommages-intérêts. Ceux-ci opposèrent la prescription. Mercier répondit qu'elle n'était pas acquise, parce que l'anticipation avait toujours été clandestine. Je ne pouvais pas en être instruit, leur disait-il, parce que vous aviez pris des mesures, en bouchant vos puits, pour m'en dérober la connaissance; et, d'ailleurs, pouvais-je soupçonner que vous creusiez sourdement l'intérieur de mon terrain pendant at que en laissiez la superficie dans ma pleine possession. Le 16 juin 1755, le parlement débouta les héritiers Huet de leur exception, et ordonna qu'ils plaideraient au fond. vous Dans cette espèce, la clandestinité n'était pas douteuse, elle était bien de nature à empêcher la prescription. Mais si l'on dérobe aisément une exploitation souterraine, il serait bien difficile d'avoir, à la surface de la terre, une exploitation qui échappât long-temps aux regards du public. Il ne peut guère en exister de cette nature, que par des empiétations successives, opérées lentement et d'une manière imperceptible à chaque fois. On trouve une sorte de clandestinité dans la possession qui n'est qu'une suite d'usurpations graduelles, si bien ménagées que le public ne saurait les observer et que le propriétaire du fonds diminué par cette pratique, peut ne les reconnaître que fort tard. Celui qui, en labourant son champ, 2 vise toujours à élargir son sillon dans le champ voisin, sans être aperçu, sans laisser de traces remarquables, peut faire d'assez grands progrès dans sa marche insensible. Comment les justifiera-t-il? prouvera-t-il cette possession certaine et non furtive, constante et bien déterminée, nécessaire pour servir de fondement à la prescription? Il ne pourra pas faire une preuve concluante; et il ne sera pas même admis à la tenter, si les moindres circonstances réunies au titre de son voisin, et au sien encore mieux, accusent déjà ses sourdes empiétations. Mais malgré les titres, si l'usurpation reprochée comprenait un espace de terrain considérable, et s'il y avait actuellement des signes visibles de délimitation qui pussent servir à marquer l'objet fixe d'une possession trentenaire opposée en défense, la preuve devrait être ordonnée; et après les enquêtes, sans perdre de vue les titres, et la possession ancienne qui peut s'y rapporter, la justice prononcerait suivant la nature et la durée de la possession contraire. V. Dunod, p. 98, et un arrét rendu par la Cour royale de Paris, le 28 février 1821. D. t. 22, p. 363; S. t. 22, 1re, p. 116. Cout. Den. 1822 Suppl., p. 72. 47. En cessant d'être clandestine, en devenant publique, la possession ne devient-elle pas utile pour la prescription? Si l'on ne consultait que les lois romaines pour la solution de cette question, on y trouverait d'assez grandes difficultés. La loi 6, in princip., ff. de acq. vel amitt. poss., citée par tous nos auteurs, appelle elandestine la possession commencée furtivement, à l'insu de celui dont on craignait l'opposition. Puis elle déclare que eelui qui d'abord possédait publiquement, et qui ensuite a caché sa jouissance, est dans la même condition que s'il possédait publiquement, car c'est à l'origine de la possession qu'il faut s'attacher, pour savoir si elle est vicieuse. Africanus, dans la loi 40, § 2 eod., applique ainsi la règle: Titius m'a vendu votre esclave et il me l'a livré; j'ai appris ensuite qu'il vous appartenait, et j'ai commencé à le cacher; mais je ne dois pas, pour cela, être regardé comme un possesseur clandestin. Au contraire, si, sachant que cet esclave vous appartient, je l'ai acheté d'une personne qui n'avait pas le droit de me le vendre, et qu'alors j'aie commencé à le posséder clandestinement, quoique je vous fasse connaître postérieurement ma possession, je ne cesse pas de posséder clandestinement. Ces décisions ont plus de subtilité que de raison, et elles ne s'accordent guère, d'ailleurs, avec d'autres dispositions de la loi 3, §8, du § 2 de la loi 6 elle-même, et de la loi 7 eod., suivant lesquelles la possession qui commence par être clandestine ou furtive, devient publique; et, violente un moment, finit par être paisible et utile. Ulpien, dans le § 2 de la loi 6, dit, d'après Labeon que si, pendant l'absence du propriétaire qui est allé à des foires ou à des marchés, ad nundinas, ne laissant personne chez lui, quelqu'un s'empare de son fonds, il en conserve pourtant la possession, et que si, à son retour, il est repoussé par celui qui l'occupe, cet usurpateur possède alors plutôt par violence que clandestinement. Paul, dans la loi 7, ajoute que si le propriétaire ne cherche plus à rentrer dans son fonds, par la crainte d'une plus grande violence, il en perd la possession. Ce jurisconsulte avait déjà dit, au § 8 de la loi 3: Si l'on annonce au possesseur d'une maison qu'elle est occupée par des voleurs, et que, frappé d'épouvante, il ne veuille pas y revenir, il perd sa possession. Cette décision de Paul ne s'accorde pas non plus avec la loi dernière, C. vi bon. rapt., le § 8 des Instit. de usucap., et plusieurs paragraphes de la loi 4, ff. de usurp. et usucap., qui disposent que les choses volées ou prises par force ne peuvent être prescrites que lorsqu'elles sont rentrées au pouvoir de ceux qui en étaient propriétaires. Mais on rencontre fréquemment de ces contradictions dans les réponses des jurisconsultes romains: elles ont exercé la patience des interprètes. Nous ne chercherons pas à concilier celles que nous venons de remarquer; il suffit de faire observer que notre code civil ne condamne pas directement la clandestinité, comme l'ont fait les lois romaines; qu'il se borne à exiger la publicité de la possession, pendant le temps nécessaire à la prescription, et qu'ainsi l'on n'a pas autre chose à considérer. L'article 2233 réprouve expressément la violence dans la possession, et toutefois, quand elle a 48. La publicité doit accompagner la possession pour la rendre efficace: telle est la loi qui nous régit. Il en résulte que, lorsque la clandestinité succède à la jouissance publique, il n'y a plus de possession utile. Ainsi, les décisions d'Africain, ni la première sentence d'Ulpien, ci-dessus rapportées, ne conviennent, en aucun sens, à notre droit. Par la même raison l'on ne peut pas adopter l'argument que Dunod tire de la loi 6 précitée, en suivant Jason et Menochius, et qui consiste à dire que celui qui a joui, en vertu d'un titre, ne peut être regardé comme un possesseur clandestin, son titre le faisant supposer de bonne foi dans le commencement, ce qui suffit pous prescrire. Si le titre, à son seul aspect, fait présumer la bonne foi, la clandestinité reconnue détruit cette présomption. Nous avons vu plus haut que déjà, avant le code civil, Pothier enseignait que la bonne foi certaine d'un acquéreur, ne pouvait pas légitimer une possession naturellement occulte. A plus forte raison une clandestinité artificielle qui dénote, au moins, un défaut de confiance dans le droit acheté, ne doit-elle pas produire cet effet? 49. Dans la possession des droits incorporels, la publicité n'est pas aussi grande que dans la jouissance des choses corporelles qui se trouvent apparentes; il en est quelquefois, à peu près, comme d'une possession souterraine. Les faits ne sont pas ordinairement à la vue du public; ils se passent entre un petit nombre de personnes, et souvent entre deux seulement; et ils peuvent très bien échapper à ceux qui ont intérêt à les connaître. Cependant ils ne sont jamais présumés clandestins; il faut que celui qui attaque la possession prouve sa clandestinité, et la preuve peut être difficile à faire. Quand, pendant trente ans, par exemple, on a perçu une rente, quoiqu'on n'ait eu qu'un seul débiteur, et qu'on ne lui ait donné que des quittances sous seing privé, l'on a peu à redouter de la revendication d'un tiers. Comment justifierait-il son inaction si long-temps prolongée? Il le ferait certainement en établissant que le défendeur lui a soustrait les titres de la rente, et qu'il s'est toujours efforcé de lui cacher la perception qu'il en a faite; il le ferait aussi par d'autres moyens équivalens; mais la difficulté est dans la possibilité de la preuve. Au reste, pour les droits incorporels, comme pour les choses corporelles, tout dépend des circonstances, qui varient à l'infini, et dont l'appréciation appartient aux tribunaux. 50. Pour prescrire, il faut encore posséder d'une manière non équivoque, et à titre de propriétaire. La possession est équivoque lorsqu'elle laisse dans le doute de savoir si on l'a exercée pour soi, comme maître, ou pour autrui, comme administrateur, en qualité de mari, père, tuteur, mandataire, ou comme usufruitier, engagiste, dépositaire, fermier. << On est toujours présumé posséder pour soi, et à titre de propriétaire, s'il n'est prouvé qu'on a commencé à posséder pour un autre. » Cette règle de l'article 2230 n'est pas dans les lois romaines relatives à la possession et à la prescription; mais elle découle des principes généraux du droit. D'Argentré, sur l'article 265 de la coutume de Bretagne, chap. 5, l'avait déduite par argument des lois au Digeste 9, de probat., 4, de solut., et 28 de mand. 51. Le principe consigné dans la loi 3, $19, ff. de acq. vel amitt, poss., que personne ne peut se changer la cause de sa possession, est le type de la disposition de l'article 2231. «Quand on a commencé à posséder pour autrui, on est toujours présumé posséder au même titre, s'il n'y a preuve du contraire. » D'Argentré avait préparé cette décision, et Dunod avait adopté son opinion, ainsi que sur l'article précédent. Les auteurs ont donné des indications sur la manière d'éclaircir les doutes que fait naître la possession. Il est utile de noter celles qui peuvent s'accommoder à la législation actuelle. 52. Celui qui a plusieurs titres est censé posséder plutôt en vertu de ceux dont la validité n'est pas susceptible de contradiction, que d'après ceux dans lesquels on peut trouver des défauts et des nullités. Abstraction fait de toute nullité, il peut, surtout quand il est défendeur, rapporter sa possession à celui de șes titres qu'il lui convient de préférer, pourvu qu'en le faisant il ne choque pas les règles de la vraisemblance. 53. A défaut de titres, la qualité qu'on a prise dans les actes d'administration, peut faire juger si l'on a possédé pour soi ou pour autrui. Dans l'absence de ce moyen, il faut chercher d'où provient la chose possédée; si elle est venue au possesseur à cause de sa qualité de mari, de père ou de tuteur, il aura possédé pour sa femme, pour son fils ou pour son pupille. 54. Celui qui, en vertu d'un pouvoir spécial, achète pour moi un fonds, le possède pour moi, dès le moment de l'acquisition, quoiqu'il ne m'en ait pas donné avis. S'il a acheté, sans pouvoir, dans la vue de m'obliger, sa possession ne me profite qu'autant que j'approuve l'acquisition. L. 1, C. de acq. poss., L. 42, § 1, ff. eod. Si le mandataire, au lieu de remplir ma commission, a acquis en son nom, il est présumé posséder pour lui et non pas pour moi. L. 1, § 20, ff. eod. 55. A ces indications proposées par d'Argentré, Dunod et Pothier, on peut en ajouter une tirée de l'article 841 du code civil. Un mari, un père ou un tuteur a réclamé et obtenu la subrogation légale due à sa femme, ou à son fils, ou à son pupille. Il ne possède pas pour lui; sa possession tourne au profit de la personne au nom de laquelle il a agi. Mais si, sans demande en justice où il aurait fallu décliner sa qualité, il a acquis par contrat la subrogation en son nom propre, il en sera pour la possession, comme de la procuration qui n'a pas été remplie, avec cette différence que, ne pouvant retenir le bénéfice de la cession qu'autant que la personne pour qui elle devait être faite ne voudra pas en profiter, le possesseur sera exposé, après la cessation de sa puissance, à l'action de cette personne, pour le contraindre à lui en faire la remise; et en faisant cette remise, il transmettra avec la chose la possession qu'il en a eue. 56. Les actes de pure faculté, que le code déclare inutiles pour la prescription, ne peuvent être que ceux qui se rapportent à la liberté de l'homme dans ses actions, dans la disposition de ses biens, et dans son concours à la jouissance des choses communes à tous, de celles qui sont destinées à l'usage du public, et de celles qui sont communes à des collections d'individus formant corps ou communauté. On démontrera, infrà, chap. 3, que ces droits et ces choses sont imprescriptibles; mais on doit placer en ce lieu quelques observations. 57. L'habitude des actions qui tiennent à la libre volonté des individus, ne donne de possession ni pour eux, ni contre eux. Qu'un compagnon ait constamment loué son service au même maître, pendant le temps de la plus longue prescription, il n'aura pas acquis le droit d'obliger le maître à l'employer toujours, et celui-ci n'aura pas davantage le droit de contraindre le compagnon à ne travailler que pour lui. Que, pendant un laps de temps qui excède toute prescription, on ait fait moudre au même moulin, et cuire au même four, on n'a pas acquis de droit contre le meunier et le boulanger, pour les forcer à cette pratique, et on n'a pas perdu le droit d'aller moudre et cuire ailleurs. Quand je n'aurais jamais eu de bâtiment sur mon héritage, mes voisins ne pourraient pas m'empêcher d'en con struire. L'eau qui naît à la surface de mon fonds, et celle qui est contenue dans ses profondeurs, m'appartiennent comme le fonds. Je peux en user avec les mêmes droits et sous les mêmes conditions. Je peux retenir ma source ou changer son cours au préjudice du propriétaire inférieur, qui en a toujours reçu l'eau par le seul effet d'un écoulement naturel. Je peux creuser un puits chez moi, quoiqu'il puisse faire tarir celui de mon voisin qui existe de temps immémorial. 58. Le vain pâturage qui s'exerce, en |