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dotation de chaque cure, non compris le logement et les jardins en dépendant.

Une des causes de la vente des biens nationaux est une cause fiscale, et la pénurie financière de l'Ancien Régime avait mis, en 1788, la Royauté dans l'impossibilité absolue de continuer à gouverner. La Révolution se trouva aux prises avec des difficultés d'autant plus graves que l'impôt ne rentrait pas, conséquence forcée du désarroi général de l'administration et de la stagnation des affaires, qui accompagnent nécessairement toute grande crise politique.

Aussi eut-on recours au papier-monnaie qu'on lia au sort des biens nationaux, et le décret du 21 décembre 1789 créa, sur la caisse de l'Extraordinaire, des assignats, de 1.000 livres chacun, qui étaient admis de préférence dans l'achat des biens, et qui devaient être éteints dans un délai de 5 ans. Ce n'était donc pas une monnaie, c'était simplement une assignation sur les domaines nationaux; on l'offrait aux créanciers de l'Etat en échange de leurs anciens titres.

Mais, on s'en servit comme d'une véritable monnaie qu'on crut pouvoir déverser impunément sur le marché; plus on en imprimait, plus les assignats se dépréciaient. Après s'être maintenus à peu près à leur valeur normale jusqu'au milieu de 1791, ils baissèrent lentement pour tomber à presque rien en 1796. A ce moment, 100 livres en assignats valaient dix sous en numéraire. Le 18 prairial an IV (6 juin 1796), la Bourse de Paris accusa comme cours du louis d'or de 24 livres 17.350 francs en assignats. Ce fut le plus bas cours atteint; quinze jours plus tard, en effet, le louis d'or ne valait plus que 8.250 francs en assignats.

Lorsqu'on brisa publiquement la planche aux assignats, il en avait été créé pour 45 milliards 581 millions de francs.

Le prix de tous les objets nécessaires à la vie avait tout naturellement suivi une progression inverse de la valeur de l'assignat. Le boisseau de farine, qui coûtait, en 1790, 2 livres, coûtait, en 1795, 225 livres, le boisseau de charbon 10

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livres au lieu de 7 sols, la livre de sucre 62 livres au lieu de 18 sols, un chou 8 livres, une paire de souliers 200 livres, un chapeau 500 livres, une aune de drap 300 livres, une livre de beurre 30 livres, et tout à l'avenant.

Pendant ce temps, la vente des biens nationaux avait continué sans interruption, et s'était effectuée d'une manière qui avait dépassé toutes les espérances.

Le commencement de la vente des biens nationaux est fixé par le décret du 17 mars 1790, qui ordonnait que 400 millions de biens seraient incessamment vendus et aliénés à la municipalité de Paris et aux municipalités du royaume, et que les municipalités seraient tenues de mettre les dits biens en vente, dès le moment où il se présenterait un acquéreur qui porterait les dits biens au prix fixé par l'estimation des experts.

Les ventes vont donc avoir lieu, et on peut les diviser en .deux périodes, ventes par les districts, et ventes par le département. (1)

A.

Ventes par les Districts

Le décret du 14 mai 1790 régit le mode des ventes et, afin d'augmenter le nombre des propriétaires parmi les habitants des campagnes, il prescrit de partager les biens ruraux en petits lots. Dans son article 3, il range les biens à vendre en quatre classes.

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1re classe. Les biens ruraux, consistant en terres labourables, prés, vignes, pâtis, marais salants, et les bois, bâtiments et autres objets attachés aux fermes ou métairies et qui servent à leur exploitation.

(1) La loi du 4 mars 1790 avait divisé la France en 83 départements. Chaque département était partagé en districts, cantons et communes. Le département des Vosges comprenait 9 districts: Bruyères, Darney, Epinal, Lamarche, Mirecourt, Neufchateau, Rambervillers, Remiremont, SaintDié; un dixième district, Senones, fut ajoute, le 2 mars 1793, par le décret réunissant la principauté de Salm à la République et la rattachant au département des Vosges.

2o classe.

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Les rentes et prestations en nature de toute espèce, et les droits casuels auxquels sont sujets les biens grevés de ces rentes ou prestations.

3e classe. Les rentes et prestations en argent, et les droits casuels dont sont chargés les biens sur lesquels ces rentes et prestations sont dues.

4e classe. Toutes les autres espèces de biens, à l'exception des bois non compris dans la première classe sur lesquels il sera statué par une loi particulière. (Voir infra: législation spéciale aux forêts).

La première classe de ces biens nous intéresse seule. Leur prix d'estimation s'obtient en multipliant par 22 le revenu net fixé d'après les baux à ferme existants, passés ou reconnus par devant notaires et certifiés véritables par le serment des fermiers devant le directoire du district. A défaut de bail, l'estimation est faite d'après un rapport d'experts.

Les biens sont vendus aux enchères, francs de toutes rentes, redevances ou prestations foncières, comme aussi de tous les droits de mutation, et généralement de tous les droits seigneuriaux ou fonciers déclarés rachetables, la Nation demeurant chargée de leur rachat.

Les municipalités qui veulent acquérir doivent adresser leurs demandes au comité établi par l'Assemblée Nationale pour l'aliénation des domaines nationaux. Les demandes sont faites en vertu d'une délibération du conseil général de la commune.

Les particuliers peuvent racheter des municipalités les domaines nationaux ou les acquérir directement en faisant leurs offres au comité, qui les renvoie aux administrateurs de départements. Suivant les termes mêmes du décret, les municipalités revendront à des particuliers et compteront de clerc à maître avec la Nation du produit de ces reventes. Les enchères seront reçues publiquement et l'adjudication aura lieu au plus offrant et dernier enchérisseur. Il y aura 15 jours d'intervalle entre la première et la seconde publica

tion, et il sera procédé, un mois après la seconde, à l'adjudication définitive.

Les paiements sont divisés en termes, soit le premier, de 12% du prix d'achat, comptant, et le surplus en 12 annuités égales, payables en 12 ans, d'année en année, et dans lesquelles sera compris l'intérêt du capital à 5 %. Les acquéreurs n'entreront en possession réelle qu'après avoir effectué leur premier paiement.

A défaut de paiement du premier acompte ou d'une annuité échue, à la suite d'une sommation faite dans le mois au débiteur, à la diligence du procureur de la commune, il est procédé sans délai à une adjudication nouvelle, à la folle enchère.

Les décrets des 25 juin et 9 juillet eurent pour objet la vente en détail des biens nationaux.

La loi du 3 novembre 1790, abrogea les délais fixés par la loi du 14 mai; et le décret du 14 mai 1790 a réglé le mode de paiement jusqu'au 12 nivôse an II (1er janvier 1794).

La régie de tous les domaines nationaux fut donnée aux préposés de l'enregistrement par la loi du 19 août-12 septembre 1791. Furent exceptés de cette régie (circulaire aux directeurs de l'enregistrement du 28 octobre 1791), en vertu de la loi du 26 juin 1791, relative à la liste civile, les biens dont la jouissance avait été réservée au roi ; ces biens étaient: le château des Tuileries, le Louvre et les bâtiments renfermés dans son enceinte projetée, qui étaient employés au service du roi à l'époque du 1er juin; les domaines de Versailles, Marly, Meudon, Saint-Germain-en-Laye et SaintCloud, Rambouillet, Compiègne et Fontainebleau ; les bâtiments et fonds de terres dépendant de la manufacture de porcelaine de Sèvres, les bâtiments et dépendances de la manufacture de la Savonnerie et de celle des Gobelins; et enfin le château de Pau avec son parc.

Furent également exceptés les bois, les bâtiments nationaux qui avaient été affectés au logement des évêques, des

curés et des desservants des annexes ou succursales, les ports, arsenaux, casernes et leurs dépendances, les palais des ci-devant justices ordinaires et les hôtels de ville.

Les biens des émigrés, séquestrés par la loi du 12 février 1792, mis en vente par celle du 3 juin 1793, furent payables en dix termes égaux, le premier dans le mois de l'adjudication, les neuf autres d'année en année, y compris les intérêts à 5 0/0.

Le décret du 29 germinal-8 prairial an III (18 avril-27 mai 1795) institua un mode de vente assez curieux; la Convention décida d'aliéner par voie de loterie les maisons, bâtiments et meubles nationaux provenant des émigrés. Le fonds de cette première loterie fut fixé à 50 millions se répartissant en un million de billets de 50 livres. Quarante mille lots y étaient attribués, dont 50 étaient des maisons situées à Paris, 150 des meubles, et 39.800 des bons au porteur admissibles au paiement des domaines nationaux à vendre.

Ces 50 maisons étaient estimées 23.656.000 livres; il y figurait, entre autres, l'hôtel de Bretonvilliers, dans l'île Saint-Louis, estimé 2.476.000 livres, et l'hôtel de Sens, rue 'de Grenelle, estimé 1 million. Parmi les 150 lots en meubles et objets précieux, on trouve les objets les plus hétéroclites, de nombreuses commodes, dont plusieurs estimées 40.000 livres, des lits, des trictracs, des services de table, des nappes, un certain nombre de paires de draps de toile de Frise, estimées de 3.600 à 1.600 livres, etc. Cette loterie fut tirée les 2 fructidor et jours suivants de la même année.

Une seconde loterie eut lieu peu de temps après ; le fonds en fut fixé à cent millions; il y eut un million de billets de cent francs, et 50.000 lots, dont cent en maisons situées à Paris, et 350 en meubles. Parmi les lots les plus importants figuraient une maison, place des Victoires, estimée 3.400.000 livres, et une autre, rue de Lille, estimée 900.000 livres, et provenant d'un émigré ayant des biens dans les Vosges, le

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