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au bailliage de Neufchâteau, porta à Versailles les pouvoirs et les cahiers du tiers-état.

La noblesse fut représentée par Joseph Maurice, comte de Toustain de Viray (bailliage de Darney) et François-LouisThiébaut de Ménonville (bailliage de Saint-Dié), et le clergé par Joseph-Nicolas Galand, curé de Charmes, et CharlesLouis Godefroy, curé de Nonville (baillage de Darney) (1).

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Incertitude dans l'administration.

L'incohérence, l'indécision, l'obscurité dans l'organisation et la compétence des pouvoirs étaient pour la France un danger sérieux. La noblesse du bailliage de Mirecourt le reconnaît et le déplore: « Les maux qui affligent le royaume n'ont d'autre cause que l'insuffisance des moyens pour assurer l'ordre dans toutes les parties de l'administration et en maintenir la stabilité... Les systêmes arbitraires et instantanés tourmentent tous les individus par le mal réel qu'ils opèrent, par les inquiétudes que jettent dans les familles et dans les divers états les vicissitudes du gouvernement qui ne présente de certain dans ses principes que la perpétuité de l'inconstance des vues qui les dirige ». (2)

Après avoir signalé le mal, elle indique le remède : « Des lois formées par le résultat des vœux de l'assemblée nationale sont seules capables de tarir la source des abus et de préserver l'Etat ».

C'est pourquoi « elle représente à Sa Majesté que le retour périodique des Etats généraux doit être assuré ». (3)

(1) Archives départementales. Assemblée générale et réunion d'arron dissement de Mirecourt.

(2) Travail présenté pour servir d'instructions et venir à l'appui des cahiers de la noblesse.

(3) Cahier des remontrances du corps de la noblesse.

Les Etals généraux. Le roi avait promis << de prendre à intervalles réguliers ce moyen sage et seul efficace pour rétablir l'ordre » (1). Peut-être est-ce la raison pour laquelle il n'en est fait mention que dans cinq cahiers de communautés (2) et dans le cahier de réduction du tiers qui demande en outre, avec Chauffecourt, Mazirot et Viviers, que les Etats généraux soient triennaux, cependant que Marainville étend à cinq années le retour de leur convocation.

Déjà le tiers-état a obtenu une représentation égale en nombre à celle de la noblesse et du clergé réunis (3). Il désire plus encore: il veut que « dans les Etats généraux, pour toutes sortes de délibérations et dans tous les cas, l'on opine par tête et non par ordre, que les voix du tiers y soient recueillies de la même manière et en la même forme que celles des deux premiers ordres ». (4)

Tel n'est pas l'avis de la noblesse, qui considère « le droit de voter par ordre comme la forme la seule constitutionnelle, la seule capable de maintenir les distinctions attachées à la noblesse, de prévenir les inconvénients de la chaleur des discussions, ainsi que les divisions fâcheuses qui pourraient en être la suite » (5). Néanmoins, elle admet « la liberté d'opiner par tête pour les objets qui seront communs à tous les ordres » (6).

Mais il est un point sur lequel les nobles et le peuple sont parfaitement d'accord: c'est la nécessité de « rendre les ministres comptables à la nation de leur administration » (7)

(1) Travail pour la noblesse.

(2) Chauffecourt, Marainville, Mazirot, Rouvres, Viviers.

(3) Résultat du Conseil d'Etat du roi du 27 décembre 1783. Archives parlementaires. Tome 1, pages 498 et 611.

(4) Cahier du Tiers, communautés de Mazirot, Poussay, Remoncourt, Vittel.

(5) Travail pour la noblesse.

(6) Travail pour la noblesse.

(7) Cahier des remontrances du corps de la noblesse,

dans la crainte du « désordre que pourraient entraîner leur conduite ou leur incapacité » (1) ; c'est l'opportunité de les << rendre responsables de la gestion de leur charge (2), de publier un compte rendu destiné à éclairer la nation sur la manière dont ils auront rempli leur mandat » (3).

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Situation de Lorraine.

<< Notre province est sans manufacture et presque sans commerce; ses vins, d'une qualité inférieure, se consomment dans son sein. Nous avons huit cents lieues (4) de routes à entretenir. La nature du climat, les gelées, les pluies rendent toutes nos récoltes très incertaines. La culture des terres est extrêmement pénible, ne se fait qu'à de très grands frais, exige souvent pour les ameublir de dix à douze chevaux. Une grande partie de notre province est en domaines fonciers dans la main du roi, qui en retire plus de deux millions. Il faut encore faire distraction des propriétés ecclésiastiques, dont une grande partie est possédée par des étrangers tels que des princes allemands et M. l'évêque de Metz. Les productions de la Lorraine sont très médiocres, tant par l'inconstance des saisons que par l'infertilité de la plupart des terres. La modicité de leurs produits, comparée surtout aux frais d'exploitation, cause la ruine des laboureurs. L'effet est tellement sensible que leur nombre, qui, au

(1) Travail pour la noblesse.

(2) Boulaincourt, Chef Haut, Viviers-les-Offroicourt.

(3) Cahier du Tiers.

(4) Et non pas six cents lieues, comme on lit dans les Archives parle mentaires Tome 4, page 5, col. 1, ligne 60.

commencement du siècle, était de 16.000, se trouve réduit à moins de 10.000 et diminue annuellement. Quand les récoltes viennent à manquer, nous sommes sans moyens réparateurs pour y suppléer. Enfin, d'après un calcul fait de la totalité des sommes versées au trésor royal, il a été prouvé qu'elles égalaient le produit de nos fonds (1). »

La situation malheureuse dans laquelle se trouvait la Lorraine aurait pu s'améliorer si « l'administration particulière de la province eût été reliée à l'administration générale » (2) par une institution supprimée ou tombée en désuétude et « dont l'expérience avait déjà fait éprouver l'utilité » (3).

Les Etats provinciaux. - C'est pourquoi la noblesse et le clergé s'unissent au tiers-état pour solliciter le rétablissement des Etat provinciaux. Quelques cahiers demandent que <«<le tiers ait autant de représentants que les deux premiers ordres réunis ; que les voix, dans toutes les délibérations, y soient également prises et comptées par tête et non par ordre, et que les impôts, librement consentis par les Etats généraux, soient répartis par ceux de la province » (4).

Le cahier de la ville de Mirecourt et celui de réduction du tiers proposent de réunir annuellement ces assemblées, et alternativement, dans les principales villes de la Lorraine.

Enfin, le clergé « espère obtenir des bontés de Sa Majesté que les Etats auront l'entière administration de la province et seront autorisés à faire les règlements nécessaires à la dite administration » (5).

Un vœu analogue est formulé par les communautés de Vittel et de Viviers-les-Offroicourt.

(1) Travail pour la noblesse.

(2) Idem.

(3) Cahier du clergé.

(4) Cahier du Tiers, cahiers de Mirecourt, Chauffecourt, Estrennes, Mazirot, Poussay, Remoncourt.

(5) Cahier du clergé.

Ce désir se justifiait, car « la Lorraine se trouvait surchargée de 35 baillages dont 4 présidiaux, de 45 sièges de municipalité et de police, 15 maîtrises des eaux et forêts, 11 prévôtés royales » (1); aussi convenait-il de « réduire le tout en juridictions ordinaires dont le nombre modéré sera réglé sur l'étendue et la population de la province » (2), ou d'assurer « l'exécution de l'édit du 8 mai 1788 portant création de grands bailliages avec telles modifications que le souverain jugera nécessaires » (3).

(A suivre)

E. MARTIN

(1) Cahiers du Tiers et de Mirecourt. (2) Idem.

(3) Estrennes, Ramecourt, Rouvres en Xaintois.

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