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puis notifièrent aux maires et syndics de faire lire au prône de la messe de paroisse du lendemain et de faire afficher au devant de la porte principale de l'église, les lettres données par le roi, le 7 février, pour la convocation et la tenue des Etats généraux. (1)

Par ce moyen, les électeurs du tiers-état apprirent qu'ils devaient, dans la huitaine, comparaître à leur << auditoire »>, afin de concourir à la rédaction des cahiers de doléances et de nommer des députés pour prendre part à l'assemblée bailliagère.

Dix-neuf communautés accomplirent cette double tâche en une seule séance; les autres y consacrèrent deux réunions. La première fut employée à l'élection des députés, à la recherche des griefs à exposer, des besoins à faire connaître, des vœux à adresser et au choix de ceux qui devaient exposer par écrit les uns et les autres ; dans la seconde, les comparants écoutèrent la lecture et apposèrent leur signature au bas des cahiers de doléances.

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Les cahiers. A l'exception de cinq (2) d'entre eux absolument dénués d'intérêt, les cahiers du bailliage de Mirecourt, dont tous les originaux sont déposés aux archives départementales des Vosges, se complètent l'un l'autre et font retrouver, avec l'état d'âme de la génération qui a commencé la Révolution, les défauts des diverses administrations, l'inégalité dans la condition des personnes, les entraves mises au commerce, la décadence de l'agriculture.

Sans doute, ils n'ont pas tous la même importance ni la même valeur. Tandis que quatre (3) n'ont que des articles. très secs sur un petit nombre de questions, six (4), au con

(1) Archives départementales. Série L. Assemblée des trois Etats.

(2) Baudricourt, Chauffecourt, Estrennes, Girovillers, Pont-sur-Madon. (3) Ambacourt, Bazoilles. Domvallier, Rozerotte.

(4) Boulaincourt, Domjulien, Frenelle-la-Grande, Juvaincourt, Lignéville, They sous Montfort.

traire, renferment des détails minutieux et même excessifs. Le style de procédure révèle les auteurs de quelques-uns de ces derniers cahiers ; du reste, à Domjulien et à Lignéville, leurs fonctions d'avocats au Parlement motivèrent leur élection comme députés. Les habitants de Domèvre-sousMontfort, de Saint-Prancher et de Repel, son annexe, de Thiraucourt et de Viviers chargèrent leur curé de la rédaction des doléances.

Mais, en général, ce soin fut confié au maire ou au greffier de l'assemblée. La tâche dut être lourde à quelques-uns, « vu le très court délai accordé pour présenter les doléances» (1). Si la forme est parfois incorrecte, les accents sont sincères, la naïveté charmante, les détails intéressants. Notamment, les communautés de Bettoncourt, Juvaincourt, Oëlleville, La Neuveville-sous-Montfort, Ramecourt et Remicourt exposent leur situation particulière avec une franchise quelque peu empreinte de rudesse, ou s'élèvent contre tels abus avec une indignation mêlée d'acrimonie.

Il s'en faut, néanmoins, que la plupart des cahiers soient des œuvres bien originales; celui de Poussay, ceux de Mazirot et de Chauffecourt, écrits de la même main, reproduisent un certain nombre d'articles du cahier de Mirecourt. Sept communautés s'inspirèreut du travail de leur voisins; Blémerey fit de nombreux emprunts à Chef-Haut; Baudricourt et Ménil-en-Xaintois à Dombasle; Bazoilles et Ménil à Domèvre-sous-Montfort; Ramecourt à Domvallier; Totainville à Biécourt; Vroville à Villers. Le même greffier prêta le secours de sa plume à Mattaincourt et à Remicourt et rédigea pour l'un et l'autre un préambule absolument semblable. Quant aux habitants de Girovillers, ils se bornèrent à indiquer qu'ils « formaient les mêmes vœux et adoptaient les mêmes représentations que ceux de Domjulien dont les

(1) Vroville.

produits, les charges et les besoins étaient les mêmes. et dont ils n'étaient différenciés que par un rôle d'impositions à part et séparés ».

La plupart des communautés adoptèrent de confiance leur cahier de doléances tel qu'il leur fut présenté ; quelques-unes, cependant, se livrèrent à une discussion sérieuse qui aboutit à la suppression d'un article à Vroville et à diverses additions à Bettoncourt, Boulaincourt, La Neuveville-sous-Montfort, Puzieux, Remoncourt, Saint-Prancher et Viviers.

Quoi qu'il en soit, que les plaintes aient fait l'objet d'une adresse au roi, comme à Gemmelaincourt, Haréville, Hymont, Pont-sur-Madon, à messieurs de l'Assemblée supérieure, comme à Frenelle-la-Petite, ou qu'elles aient généralement revêtu une forme impersonnelle, tous les cahiers de doléances furent terminés en temps opportun et purent être apportés à l'assemblée bailliagère du 16 mars 1789.

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Assemblée bailliagère. Elle s'ouvrit à huit heures du matin dans la salle de l'auditoire du bailliage de Mirecourt, sous la présidence du bailli lui-même, le comte de Clairon d'Haussonville. Les membres du clergé, au nombre de 41, prirent place à sa droite; ceux de la noblesse, tant fieffée que non fieffée, formant un total de 22, se mirent à sa gauche, et les 107 représentants du Tiers-Etat en face de lui.

Après lecture des procès-verbaux de convocation, après vérification des pouvoirs, et réserves faites au sujet des procurations données par les coseigneurs du comté de Marainville, tous les délégués prêtèrent le serment de procéder fidèlement à la rédaction des cahiers généraux, ainsi qu'à la nomination des députés, puis on donna acte de leur comparution aux membres présents des trois ordres et on prononça défection contre les absents (1),

Au cours de l'appel des personnes, chapitres, corps et

(1) Archives départementales. Série L, Assemblée des trois Etats.

communautés », deux protestations s'élevèrent. « FrançoisGabriel de Vernet, chanoine et prévôt de l'insigne Chapitre de Poussay, député au dit Chapitre », prétendit que l'article 11 du règlement du 24 janvier blessait les droits de ses commettants en ce qu'il portait «< que les chapitres et communautés de filles ne pourraient être représentés que par un seul député ».

A son tour, Jean-Baptiste-Paul de Baillivry, chevalier, au nom de la noblesse non possédant fief, s'éleva contre les articles 16 et 39 stipulant que les nobles non propriétaires seraient tenus de se présenter en personne à l'assemblée, en vertu des publications et affiches des lettres de convocation, alors que les autres nobles (articles 9 et 12) devaient être assignés au principal manoir de leur fief et pouvaient se faire représenter par un procureur fondé. « Ces propositions, ajoutait le chevalier de Baillivry, si elles subsistaient, établiraient des distinctions dans l'ordre de la noblesse et pourraient donner à présumer que la noblesse non possédant fief n'est qu'en sous-ordre de la noblesse possédant fief ». (1)

Acte fut donné de ces deux observations, puis le baillî sépara l'assemblée des trois ordres. Tandis que le tiers restait dans la salle de l'auditoire sous la présidence du lieutenantgénéral, la noblesse suivit dans la chambre du conseil le comte d'Haussonville, son président de droit, et le clergé se retira dans la salle du couvent des frères cordeliers, sous la présidence du curé d'Oelleville, à qui l'ordre hiérarchique la déférait.

Le tiers venait à peine d'exprimer le désir de travailler conjointement avec la noblesse et le clergé à la rédaction d'un cahier commun, que « Messieurs Perrin, curé de Girecourt, et Martin, curé de Thiraucourt, pour l'ordre du clergé, et Messieurs Duhoux père et chevalier de Baillivry, pour celui de la noblesse », entrèrent dans la salle de l'auditoire et annoncèrent que « leurs ordres avaient délibéré de procéder

(1) Archives départementales. Série L. Assemblée des trois Etats,

séparément à la rédaction de leur cahier respectif... (1) afin d'éviter les lenteurs qu'entraînerait un trop grand nombre de commissaires réunis ». (2)

Ils déclarèrent ensuite que chacun des ordres qu'ils représentaient désirait concilier ses intérêts et ses prétentions avec le bien commun des deux autres ordres et, en conséquence, leur communiquer son cahier » (2).

« Pour maintenir l'union et la concorde », le tiers députa à la noblesse Bénit, lieutenant général, et Grandjean, lieutenant particulier, et. au clergé, Chantaire, conseiller, et Robin, procureur du roi, qui les assurèrent des mêmes sentiments et leur promirent semblable communication.

A son tour, et dans un but analogue, la noblesse délégua au clergé Duparge d'Ambacourt, et Duhoux fils, elle reçut l'abbé de Vernet, chanoine de Poussay, et Chevresson, curé de Mirecourt.

Ces formalités remplies, le tiers nomma par voie de scrutin neuf commissaires chargés de la réduction des cahiers de communautés en un seul Bénit, Grandjean, Chantaire, Robin, Estivant, Rellot, La Brosse, Chrétien et Humbert (3).

La noblesse arrêta « les objets principaux sur lesquels elle entendait faire ses plaintes et remontrances » (4) et désigna pour s'occuper de la rédaction de son cahier, le marquis de Bassompierre, le comte de Fresnel, Duhoux père, Melon de la Grèze père, le chevalier de Baillivry et Duparge d'Ambacourt.

Pour le clergé, son procès-verbal d'élection ne se trouvant pas aux archives départementales, il n'est pas possible de donner les noms de ceux qui furent chargés d'exposer ses doléances.

(1) Archives départementales. Nomination des députés du Tiers-Etat à l'assemblée d'arrondissement.

(2) Archives départementales. Sérle L. Assemblée de la noblesse. (3) Archives départementales. Procès-verbal de nomination des commissaires pour la réduction des cahiers du Tiers Etat.

(4) Archives départementales, Assemblée de la noblesse.

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