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La dime. En principe, la dîme était considérée comme «< une juste prérogative du clergé qui nous éclaire et nous dirige » (1). Mais que de « variétés dans sa quotité et dans sa perception du village à autre. Un endroit paie sa dîme à dix, un autre à onze, douze, quinze, dix-huit, vingt, vingtquatre et trente» (2), qu'il s'agisse d'un prélèvement en nature sur le blé, l'orge, l'avoine et le seigle (3), sur les pois, les fèves et les lentilles, sur la laine et le chanvre (4), sur les pommes, les poires et autres fruits, sur les légumes (5), sur les agneaux et cochons de lait (6), ou d'une redevance en espèces à l'occasion de « la naissance des veaux et des poulains des deux genres » (7). Pour éviter « l'embarras, la confusion, l'obscurité qui ne peuvent aboutir qu'à des procès ruineux » (8), il n'y a qu'un moyen : « fixer, dans toute la province, la dîme à un taux uniforme » (9), notamment en ce qui concerne celle du raisin.

Dans huit localités (10) « le curé perçoit l'onzième tendelin, tandis que dans les villeges voisins, il ne prélève que le vingt-quatrième ». C'est une anomalie « déraisonnable et décourageante, car les cultivateurs ainsi opprimés ne sont pas de pire condition que les autres sujets » (11) ; c'est aussi <<< un droit onéreux et même ruineux, eu égard aux travaux

(1) Estrennes.

(2) Marainville.

(3) Oëlleville.

(4) Gircourt-les-Viéville.

(5) They-sous-Montfort.

(6) Gircourt.

(7) Oelleville. Dans cette localité, on payait cinq liards pour un mále de chaque espèce et un sou pour les jumeaux.

(8) Estrennes.

(9) Domjulien, Marainville, Mirecourt.

(10) Bazoilles. Domèvre, Estrennes, Gircourt, La Neuveville, Oelleville, Poussay, Remoncourt.

(11) Poussay.

pénibles, aux dépenses excessives qu'exige la culture de la vigne ». (1)

On ne saurait donc refuser « aux remontrants de ne donner la dîme qu'à la vingt-quatrième charge ou de la convertir en un abonnement facultatif fixé à cinq livres cinq deniers par arpent de vigne ». (2)

Le bouverol. Tout en « acquittant des dîmes si fortes qu'au bout de cinq ans et demi elles égalent la valeur des récoltes d'une année » (3) et évaluées à Gircourt à une somme de cinq mille livres, les « cultivateurs de chaque paroisse sont obligés de labourer le bouverot du curé (4), moyennant un déjeuner qu'il leur doit et une messe qu'il leur chante chaque mois ». (5)

<«< Rétribution insuffisante, surtout dans les années malheureuses où les rares, cultivateurs en état de donner des façons au bouverot, supportent une lourde charge dont ils réclament l'exonération ». (6)

Les décimaleurs. Marainville, Offroicourt et Pont-surMadon demandent d'appliquer la même mesure à la dîme, « à moins de lui rendre sa première destination : le soulagement des pauvres, l'entretien de l'église et du presbytère, la subsistance des curés ».

En effet, les communautés de Gemmelaincourt, Oëlleville, Offroicourt, Pont-sur-Madon et Totainville font remarquer

que

les décimateurs méconnaissent l'obligation de secourir les pauvres et « s'attribuent le pain de ces infortunés ».

A Gemmelaincourt et à Totainville, il y a des terrains dont l'affectation spéciale est l'assistance « aux indigents de

(1) Bazoilles, Domèvre, Estrennes, Gircourt, La Neuveville.

(2) Ambacourt. Domèvre. Estrennes, Oëlleville, Poussay, Tiers. (3) Haréville.

(4) They sous-Montfort.

(5) Gircourt-les Viéville.

(G) Totainville.

la paroisse ; mais ces derniers n'en profitent nullement ; le revenu est emporté par les décimateurs ».

La Neuveville et Rozerotte doivent entretenir leur église et la maison curiale; They-sous-Montfort doit supporter les frais de réparation de la tour; Haréville, prendre à sa charge la réfection de l'église et d'une chapelle.

Le Tiers s'associe pleinement aux plaintes de ces communautés et, avec elles, incrimine les gros décimateurs.

Car c'est surtout aux communautés religieuses, en raison des fortes dîmes qu'elles lèvent, qu'il appartient de faire exécuter ces travaux, de même que ce sont elles qui doivent assurer à la plupart des curés la portion congrue.

Dans son cahier « le clergé demande l'augmentation des portions congrues et des pensions des vicaires résidants, payées en totalité par tous les décimateurs, proportionnellement à l'importance de leurs dîmes ». Quatre paroisses (2) tiennent le même langage.

On ne voulait nullement amoindrir l'autorité ecclésiastique, puisqu'on revendiquait pour les évêques le droit << d'accorder, chacun dans leur diocèse, les bulles, dispenses et provisions qui en font l'objet, afin d'empêcher tout transport d'argent en cour de Rome » (3). On ne songeait guère plus à disputer aux ordres monastiques les privilèges dont ils jouissaient, mais on n'avait garde de taire les abus qu'ils commettaient.

Exactions. Les Prémontrés, disent les habitants de Parey-sous-Montfort, étaient, à la vérité, il y a quelque temps, des soutiens pour la communauté; mais maintenant, au lieu d'être des supports, ils ne s'acquittent point de ce à

(1) Rozerotte avait été obligé en 1779, de faire un emprunt de 8.000 livres pour agrandir son église et båtir une maison vicariale.

(2) Domvalier, Pont snr-Madon, Ramecourt, Rouvres en Xaintois. (3) Mirecourt, Tiers.

quoi ils sont obligés, vu qu'il y a une fondation ancienne dont ils possèdent les biens et ils n'accomplissent point ce à quoi ils sont tenus envers nous ».

« Les chanoines réguliers de Chaumousey ont, sur le ban de La Neuveville, cinq jours sept ommées en friches qu'ils s'obstinent à ne point cultiver, ce qui, dans les temps de sécheresse, occasionne un brûle qui fait sécher les feuilles et les fruits des vignes, et le dommage s'étend toujours plus loin ».

Les mêmes chanoines réguliers « possèdent sur le finage de Gircourt un gagnage, avec une autre rente de trois resaux un bichet de blé payée de tout temps divisément à chaque Saint-Martin d'hiver par chacun des censitaires au prorata des héritages par eux possédés et affectés à la dite rente, qu'ils ont voulu, il y a quelques années, exiger des censitaires. Sur le refus de ces derniers, ils ont intenté par devant le bailliage de Mirecourt un procès qui coûte déjà plus de 4.000 livres aux censitaires, et la plupart en sont ruinés. Voilà les charités que les chanoines réguliers leur ont faites dans les temps de calamités qu'ils viennent de traverser; ils se disposent à faire de nouvelles poursuites pour le même objet, dans le courant du mois de mai prochain ». (1)

« Les remontrants se croient fondés à s'élever contre la qualité de hauts justiciers que les chanoines réguliers voudraient s'arroger sur leurs sujets à Gircourt. Si leur entreprise pouvait leur réussir, ils ne manqueraient pas d'y établir un troupeau à part de bêtes rouges et une bergerie, d'exiger une double portion affouagère et une de regains pour leurs fermiers ». (2)

Les communautés religieuses.

Un tel despotisme ne

(1) Gircourt les Viéville.

(2) Gircourt les Viéville.

pouvait disposer le peuple en faveur « des religieux mendiants; leurs quêtes constituent un impôt indirect qui se répète très souvent et pèse sur la classe la moins aisée ». (1)

Il existait d'ailleurs trop de « petites maisons religieuses; il importait de les réunir (2) et de leur imposer l'obligation d'enseigner les humanités, la philosophie, la théologïe, d'annoncer la parole de Dieu dans leurs diocèses pour, par ce moyen, travailler d'un côté à la restauration des mœurs et de l'autre, en les occupant, les distraire de cette espèce d'inaction qui ne peut être qu'une occasion de dangers et de désagréments ». (3)

(A suivre)

E. MARTIN.

(1) Marainville. (2) Ramecourt.

(3 Rouvres en Xaintois.

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