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duc d'Havré, comte de Fontenoy. Parmi les meubles figurent de nombreux lots de vins fins.

Il n'existe pas la moindre trace de loteries de biens nationaux organisées dans le département des Vosges.

Le décret du 12 prairial an III (31 mai 1795) fixa un nouveau mode de vente. Chaque citoyen pourra se faire adjuger sans enchères, par le directoire du district où il est situé, tel bien national qu'il désirera, si, à ce moment, la vente n'est pas encore commencée, en se soumettant par écrit, sur un registre à ce destiné, à payer en assignats le denier soixantequinze du revenu annuel de 1790, pris sur les 6 ans alors existants, c'est-à-dire 75 fois ce même revenu. L'adjudication sera faite le même jour que la soumission ou au plus tard dans les 3 jours, à la charge de solder le prix de la vente en quatre paiements, dont le sixième au moment de l'adjudication et le reste dans les 3 mois. Les assignats provenant de ces ventes devaient être annulés et brûlés.

Ce décret était beaucoup trop avantageux pour les acquéreurs. Au cours des assignats à ce moment, c'était un placement à plus de 40 %. Avec 100 livres en louis on se procurait sur la place 31.000 livres en assignats, à l'aide desquels on devenait propriétaire d'une terre qui, avant la Révolution, rapportait, bon an mal an, 413 livres en écus.

Aussi, ce fut une véritable ruée de gens désireux d'accaparer les biens offerts. A Remiremont (1) il y a 117 soumissionnaires pour la ferme de Rhumont, 126 pour la chaume de la Jumenterie, 149 et 161 pour celle du RougeGazon et du Neuf-Bois, 208 pour la ferme de Fallière, 346 pour un pré et un jardin à Remiremont. Même empressement dans les autres districts, mais c'est dans celui de Bruyères qu'on trouve les chiffres les plus fantastiques : 360 soumissionnaires pour un champ à Bruyères, 589 pour les

(1) Arch. dép. 3 Q 19.

terres à Cheniménil et enfin 811 pour une ferme à Mortagne! Les 811 noms sont bien inscrits, les uns à la suite des autres, sur le registre ouvert au district pour arrêter l'ordre de priorité des soumissions pour acquisitions de domaines en exécution de la loi précitée (1).

Ce décret n'eut d'ailleurs qu'une existence éphémère, puisque l'exécution en fut suspendue huit jours plus tard, par le décret du 19 prairial, et un décret du 27 décida que les adjudications faites en vertu de la loi du 12 ne vaudraient que comme soumissions; tout soumissionnaire pourrait poursuivre l'adjudication à la chaleur des enchères, en prenant pour première enchère le montant de sa soumission.

B. — Ventes par le Département

Les districts ayant été supprimés par la Constitution du 5 fructidor an III, et l'administration du district d'Epinal ayant cessé ses fonctions le 23 brumaire an IV, les ventes sont désormais faites par l'administration du département.

La loi du 28 ventôse an IV (18 mars 1795) avait créé pour 2 milliards 400 millions de mandals territoriaux et supprimé l'enchère pour les biens nationaux, les mandats emportaient avec eux hypothèque, privilège et délégation spéciale sur tous les domaines nationaux situés dans toute l'étendue de la République ; de manière que tout porteur de mandats pouvait se présenter à l'administration du département de la situation du domaine national qu'il voulait acquérir, et le contrat de vente lui en était passé sur les prix de l'estimation qui en avait été faite, à condition d'en payer le prix en mandats, la moitié dans la première décade, et l'autre moitié dans les 3 mois.

(1) Arch. dép. 3 Q 10.

<< Afin que cette hypothèque ne parût pas une chimère aux << yeux de la défiance, lit-on dans le compte rendu par l'ad<<<<ministration centrale du département des Vosges depuis le << 5 brumaire an IV jusqu'au 1er floréal an V, le législateur << voulut que le porteur des mandats pût les réaliser à son « gré, en désignant le domaine qu'il pouvait acquérir, sans « qu'il pût être écarté par la concurrence de ceux qui vien<< draient après lui, et sur la simple estimation qui en serait << faite par experts. »

Les citoyens se présentèrent en foule pour acquérir; du 1er prairial an III au 1er floréal an V, il y eut 1.880 soumissions dans le département des Vosges, dont 777 furent rejetées pour différents motifs. Le nombre des contrats passés fut de 1.023, pour un prix total de 3.306.654 francs.

La rapide dépréciation des mandats fit rendre la loi du 13 thermidor an IV, qui était une espèce de rescision générale de tous les contrats passés et qui exigeait que le dernier quart du prix des biens fût payé en numéraire. « Cette loi, dans le << département des Vosges, dit encore le compte rendu déjà <«< cité de l'administration centrale, où les estimations avaient « été forcées et proportionnées à l'avilissement des mandats, << fut meurtrière pour un grand nombre de citoyens. Plu<«<sieurs soumissionnaires furent dans l'impossibilité absolue << de payer et encoururent la déchéance... Il ne reste dû, en << numéraire, sur le supplément du prix nommé dernier << quart, que 376.444 livres. >>

L'administration centrale du département s'était d'ailleurs occupée longuement de cette question. En outre de la délibération qu'elle avait prise le 25 thermidor, elle adressait, à propos de cette loi, au corps législatif une pétition extrêmement intéressante. C'est un résumé saisissant et vivant de la situation qu'avait créée la dispersion des biens nationaux. Les administrateurs, par toutes les raisons imaginables,

s'efforcent de faire revenir les législateurs sur leurs décisions. (1)

Des lois subséquentes rétablissent les enchères; la loi du 26 vendémiaire an VII (17 octobre 1798) substitua définitivement le paiement en numéraire métallique au paiement en papier-monnaie.

Enfin le dernier texte législatif concernant les biens nationaux est la charte constitutionnelle du 14 août 1830, qui dit dans son article 8:

<«< Toutes les propriétés sont inviolables, sans aucune << exception de celles qu'on appelle nationales, la loi ne met<<< tant aucune différeuce entre elles. » C'était la consolidation définitive de l'œuvre révolutionnaire de la dispersion de la propriété.

Un certain nombre de biens furent exceptés des ventes; ils avaient été jugés utiles à être conservés pour l'usage collectif de la Nation. De ce nombre furent les forêts; toutes celles dont la mesure excédait cent arpents (l'arpent de France valait 51 ares 7 m.) ne furent pas mises en vente, en conformité de la loi du 23 août 1790.

Cette exception avait d'ailleurs été réclamée par tous les corps élus, et lorsque, quelques mois plus tard, la question de l'aliénation des forêts fut de nouveau agitée, le conseil général de la commune d'Epinal, sur les réquisitions de son procureur-syndic, protestait énergiquement contre un pareil projet, qu'il qualifiait de fléau, dans sa séance du 22 avril 1792 (2). Le conseil général du département s'était aussi associé à cette protestation.

C'est que les forêts avaient une grande importance pour le département des Vosges; d'après les évaluations (Compte rendu au Ier floréal an V) il renfermait dans son territoire 248.375 arpents de bois, grande mesure forestière, savoir:

(1) Cf. Léon Schwab, op. cit.. p. XIV sq., où cette pétition est reproduite in extenso.

(2) Arch. municip. d'Epinal, 1 D 4, fo 28.

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d'où, pour la République, une propriété de 119.975 arpents. Cette propriété avait été évaluée, et la question des forêts avait été discutée à la séance du conseil général du département, le 13 décembre 1792: « L'évaluation des forêts natio«nales se porte, suivant les états estimatifs fournis par les << districts, à 21.650.644 livres ; mais cette évaluation, quelque << faible qu'elle paraisse, serait encore à réduire s'il s'agissait « de la vente. Ces forêts sont grevées presque partout de << droits d'usage et de marronnage, en vertu desquels les <«<< bois de chauffage et de bâtiments se délivrent depuis un << temps immémorial aux citoyens du département. Le direc<< toire du département se serait opposé à la vente des forêts << nationales, dans l'intérêt général de la nation et du dépar«tement. Il s'élève avec force contre les déprédations com<«< mises dans les forêts et le peu d'énergie que les officiers << des maîtrises ont mis à les empêcher. Il estime qu'il est << temps que la Convention Nationale donne un code forestier «<et prescrive un mode d'administration. » (Compte rendu de l'administration centrale du directoire du département des Vosges.) (1)

On respecta toute cette richesse des générations futures que représentent les forêts, et la loi du 6 floréal an IV, qui concerne la vente des bois nationaux, ne l'autorisa que lorsqu'ils n'excèdent pas 300 arpents de France (15.000 ares) et qu'ils sont éloignés des forêts de plus de 1.000 toises (2 kilomètres).

Une législation de faveur fut également appliquée aux maisons canoniales, et elle est surtout intéressante pour les

(1) Arch. départ. L.

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