Le département des Vosges, comme il a été déjà dit plus haut, avait été primitivement divisé en neuf districts. Le district d'Epinal comprenait trente-huit municipalités ; il renfermait les communes qui forment actuellement les cantons d'Epinal et de Xertigny, et sept communes du canton de Châtel. Ce n'était donc pas, à beaucoup près, l'étendue de l'arrondissement actuel. Sa surface était de 57.303 hectares et sa population, en 1793, de 27.873 habitants. C'est à l'étude des biens nationaux dans ce district que je me suis attaché tout particulièrement. (1) Pour les documents et les détails statistiques, voir: Léon Schwab, La Vente des Biens nationaux dans le district d'Epinal. Epinal 1911, in 8. Au moment de disperser les biens remis à la Nation, on n'avait qu'une idée très vague de leur importance; on croyait savoir, on disait communément que les classes privilégiées étaient très riches, mais, en fait, on n'avait que des évaluations très approximatives ou mêmes fantaisistes. Si la noblesse possédait encore une partie importante de la terre, ses richesses étaient néanmoins presque toutes taries, elle était ruinée, elle était criblée de dettes et ses immeubles étaient couverts d'hypothèques. Aussi peut-on dire qu'à ce point de vue la Révolution lui a probablement rendu service; la nationalisatiou de ses biens a été pour elle une sorte de liquidation judiciaire, peut être un peu brutale, mais en tous cas indispensable. Quant au clergé, il détenait des biens fort importants, en général libres de toutes charges. Sa richesse totale ne peut faire, à mon avis, l'objet d'une estimation, car elle se composait, pour partie, d'une foule de droits. les banalités et les dîmes par exemple, qu'il est assez difficile d'évaluer. C'est une questions à laquelle les contemporains et, après eux, l'histoire ont fait les réponses les plus contradictoires. Ces biens constituaient-ils un cinquième des biens fonds du royaume, soit environ 7 milliards, comme le veut M. d'Avenel, ou ne valaient-ils que 4 milliards 200 millions selon l'évaluation de Cambon en 1793, ou 3 milliards d'après Lavoisier, ou 2 milliards d'après Condorcet ? Il est encore impossible de le dire; toutefois, on peut porter aux environs de 3 milliards la valeur des biens de première origine, c'està-dire des biens du clergé. En fait, l'estimation des biens nationaux, tant vendus qu'à vendre, fut toujours une opération fort ardue, rendue d'autant plus difficile que les différents états, aussi nombreux que variés, dressés par les divers rouages administratifs qui eurent à s'en occuper, n'offrent entre eux que de rares et confus points de concordance. C'est déjà ce que constataient les contemporains. D'après le compte de l'administration centrale du directoire du département, présenté au Conseil général, dans sa séance du 13 décembre 1792 (1), les biens de première origine étaient évalués à plus de 18 millions. Le district d'Epinal entrait dans cette somme pour 1.521.858 livres, d'après un état des biens vendus et à vendre au 1er octobre 1792, établi par le directoire du district (2). J'ai relevé, d'après les brefs de vente, l'estimation de tous les biens nationaux adjugés dans le district d'Epinal depuis l'origine, le 7 janvier 1791, jusqu'à la clôture des ventes, le 21 avril 1827. Le chiffre est sensiblement égal à celui annoncé par le directoire du district. J'ai trouvé en effet qu'il avait été mis en vente des biens estimés, en totalité, à 1.574.950 livres, soit 1.199.672 livres de biens de 1re origine, et 375.278 livres de biens de 2e origine. (Voir le tableau page 106). C'est Epinal qui tient la tête avec une estimation de biens de 455.154 livres; puis vient Chaumousey, avec 237.659 livres. Deux communes seulement du district n'eurent pas de biens susceptibles d'être vendus, Dounoux et Saint-Laurent; la première n'avait de biens nationaux d'aucune sorte, la seconde ne contenait qu'une partie de la forêt du ban d'Uxegney, déclarée inaliénable. Dans le chiffre global de 18 millions de livres, auquel on portait l'estimation totale des biens de première origine du département des Vosges, on n'avait pas compris les forêts, que des décrets de l'Assemblée Nationale avaient exceptées de la vente, comme utiles à la Nation. On en estimait la contenance à 248.375 arpents, grande mesure forestière de 51 ares 07, dont 50.000 arpents environ provenaient du clergé et des émigrés. Le tout était évalué à 21.650.644 livres. Quant à l'étendue des biens nationalisés dans le district d'Epinal, d'après les calculs que j'ai effectués, je l'estime à (1) Arch. dép. L 20. |