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assemblent les nuages; ils produisent les météores, et transportent, au-dessus de la surface aride des continens terrestres, les vapeurs humides des plages maritimes; ils déterminent les orages, répandent et distribuent les pluies fécondes et les rosées bienfaisantes; ils troublent les mouvemens de la mer; ils agitent la surface mobile des eaux, arrêtent ou précipitent leurs courans, les font rebrousser, soulèvent les flots, excitent les tempêtes; la mer irritée s'élève vers le ciel, et vient en mugissant, se briser contre les digues inébranlables, qu'avec tous ses efforts, elle peut ni détruire ni surmonter.

« La terre, élevée au-dessus du niveau de la mer, est à l'abri de ses irruptions: sa surface émaillée de fleurs, parée d'une verdure toujours renouvelée, peuplée de mille et mille espèces d'animaux différens, est un lieu de repos, un séjour de délices, où l'homme placé pour seconder la nature, préside à tous les êtres. Seul, entre tous, capable de connaître et digne d'admirer, Dieu l'a fait spectateur de l'univers, et témoin de ses merveilles : l'étincelle divine dont il est animé, le rend participant aux mystères divins; c'est par cette lumière qu'il pense et réfléchit; c'est par elle qu'il voit et lit dans le livre du monde, comme dans un exemplaire de la Divinité.

La nature est le trône extérieur de la magnificence divine: l'homme qui la contemple, qui l'étudie s'élève par degrés au trône extérieur de la toute-puissance. Fait pour adorer le Créateur, il commande à toutes les créatures; vassal du ciel, roi de la terre, il l'ennoblit, la peuple et l'enrichit; il établit entre les êtres vivans l'ordre, la subordination, l'harmonie; il em

bellit la nature même, il la cultive, l'étend et la polit; en élague le chardon et la ronce, y multiplie le raisin et la rose.

(Buffon,)

Dans la vue générale de la nature, nous ne sommes en contradiction avec M. de Buffon que sous le rapport de l'attraction, à laquelle il attribue les effets qui proviennent, selon nous, du mouvement de rotation, cause de la pesanteur; mais ce célèbre écrivain reconnaissait avec Voltaire et J. J. Rousseau, la divinité suprême et l'immortalité de l'âme de l'homme.

PENSÉES DE PASCAL

SUR LA RELIGION MAHOMÉTANE.

«La religion mahométane a pour fondement l'Alcoran et Mahomet; mais ce prophète, qui devait être (1) la dernière attente du monde, a-t-il été prédit? et quelle marque a-t-il que n'ait aussi tout homme qui voudra se dire prophète? quels miracles dit-il luimême avoir faits? quel mystère a-t-il enseigné selon sa tradition même, quelle morale et quelle félicité ?

>> Mahomet est sans autorité : il faudrait donc que ces raisons fussent bien puissantes, n'ayant que leur propre force.

Si deux hommes disent deux choses qui paraissent basses, mais que les discours de l'un aient un double sens, entendu par ceux qui le suivent, et que les discours de l'autre n'aient qu'un seul sens; si quelqu'un n'étant pas du secret entend discourir les deux en cette sorte, il en fera un même jugement. Mais si ensuite, dans le reste du discours, l'un dit des choses angéliques, et l'autre toujours des choses basses et communes, et même des sottises, il jugera que l'un parlait

(1) Pascal devait ajouter : selon lui.

avec mystère et non pas l'autre ; l'un ayant assez montré qu'il est incapable de telles sottises, et capable d'être mystérieux, et l'autre qu'il est incapable des mystères, et capable de sottises.

» Ce n'est pas par ce qu'il y a d'obscur en Mahomet, et qu'on peut faire passer pour avoir un sens mystérieux, que je veux qu'on en juge; mais par ce qu'il y a de clair, par son paradis et par le reste. C'est en cela qu'il est ridicule. Il n'en est pas de même de l'Ecriture. Je veux qu'il y ait des obscurités; mais il y a des clartés admirables, et des prophéties manifestes accomplies. La partie n'est donc pas égale. Il ne faut pas confondre et égaler les choses qui ne se ressemblent que par l'obscurité, et non par les clartés, qui méritent, quand elles sont divines, qu'on révère les obscurités.

» L'Alcoran dit que saint Matthieu était homme de bien : donc Mahomet était faux prophète, ou en appelant gens de bien des méchans, ou en ne les croyant pas sur ce qu'ils ont dit de Jésus-Christ.

>> Tout homme peut faire ce qu'a fait Mahomet : car il n'a point fait de miracles, il n'a point été prédit : nul homme ne peut faire ce qu'a fait Jésus-Christ.

» Mahomet s'est établi en tuant, Jésus-Christ en faisant tuer les siens; Mahomet en défendant' de lire, Jésus-Christ en ordonnant de lire. Enfin cela est si contraire, que si Mahomet a pris la voie de réussir humainement; Jésus-Christ a pris celle de périr hu-, mainement. Nous devons conclure, que, puisque Mahomet a réussi, le christianisme devait périr, s'il n'eut été soutenu par une force toute divine. »>

(Pascal, chap. 7.)

(Dans le trente-septième entretien, nous avions l'intention de développer davantage les merveilles de la création, nous avons préféré rapporter en notes les idées sublimes du savant auteur du Génie du Christianisme.)

« Il est un Dieu; les herbes de la vallée et les cèdres de la montagne le bénissent; l'insecte bourdonne ses louanges; l'éléphant le salue au lever du jour; l'oiseau le chante dans le feuillage; la foudre fait éclater sa puissance, et l'Océan déclare son immensité. L'homme seul a dit : il n'y a point de Dieu.

» Il n'a donc jamais, celui-là, dans ses infortunes, levé les yeux vers le ciel, ou, dans son bonheur, abaissé ses regards vers la terre? La nature est-elle si loin de lui, qu'il ne l'ait pu contempler, ou la croit-il le simple résultat du hasard ? mais quel hasard a pu contraindre une matière désordonnée et rebelle à s'arranger dans un ordre si parfait?

On pourrait dire que l'homme est la pensée maniestée de Dieu, et que l'univers est son imagination rendue sensible. Ceux qui ont admis la beauté de la nature comme une preuve d'une intelligence supérieure auraient dû faire remarquer une chose qui agrandit prodigieusement la sphère des merveilles, c'est que le mouvement et le repos, les ténèbres et la lumière, les saisons, la marche des astres, qui varient les décorations du monde, ne sont pourtant successifs qu'en apparence, et sont permanens en réalité, la scène qui s'efface pour nous, se colore pour un autre peuple; ce n'est pas le spectacle, ce n'est que le spectateur qui change. Ainsi Dieu a su rendre, dans son ouvrage, la durée absolue et la durée progressive: la première est placée

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