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LXII. ENTRETIEN.

De la possibilité de la Révélation, et des Signes auxquels on la reconnait.

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La révélation est possible. Celui qui a tout fait par un simple acte de sa volonté, un Dieu unique, tout - puissant, peut facilement révéler aux hommes, par les voies qu'il lui plaît, les vérités qu'il veut leur enseigner; car qui pourrait l'en empêcher? Les miracles, sont des faits contraires au cours constant de la nature, c'est-à-dire en contradiction avec quelqu'une des lois physiques; alors ils ne peuvent être opérés que par le créateur de toutes choses: done Dieu n'avait point de meilleur moyen de faire connaître sa volonté au genre humain que la voix des miracles, et c'est celle qu'il a choisie. Il a pu; il peut les opérer ou immédiatement ou par le ministère des créatures. En vain dira-t-on que le miracle implique contradiction, il est facile de répondre à celui qui tient un pareil langage que le cours du

n'est

soleil peut être suspendu, sans que le soleil cesse d'exister, et de conserver ses propriétés essentielles; qu'un homme ressuscité est toujours un homme, et que le commandement particulier qui le rappelle de la mort à la vie pas plus contraire à son essence, que la loi générale qui l'avait fait passer de la vie à la mort. Ces choses étonnantes ne présentent à notre esprit aucune contradiction: ainsi lors. qu'un homme s'annonce l'envoyé de Dieu, et que, l'appelant en témoignage de ce qu'il avance, des miracles s'opèrent pour le prouver, Dieu lui-même intervient en le dégageant de sa promesse; nous n'avons plus qu'à nous soumettre. Lorsque Dieu, dans certaines choses, dérange pour un instant l'ordre qu'il a établi, pour promulguer sa volonté, il n'a pour objet que la réforme du genre-humain, et de le conduire à la vertu; penser autrement d'un être infiniment sage, ce serait blasphémer. Les incrédules diront-ils qu'admettre des miracles, ce serait contester à Dieu son immutabilité? Mais Dieu a voulu de toute éternité la loi générale qu'il a imprimée à la nature, et toujours il a voulu leur suspension à une époque précise. Pour lui, le vouloir et l'action sont la même chose. Dans sa prescience il embrasse toujours tous les temps et tous les

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événemens de même que toutes les dérogations qu'il lui a plu d'apporter à ces lois à une époque prévue, et le décret d'exception a été contemporain de celui de la loi générale. Alors les arrêts de Dieu ne sont pas intervertis par les miracles ils sont exécutés. Il peut, au gré de sa sagesse, diriger les êtres qu'il a créés ou tous ensemble par des lois générales, ou chacun par des lois particulières : ainsi, sans nous arrêter à la possibilité de la révélation, examinons les signes où nous pouvons réellement la reconnaître, sans crainte de nous tromper.

Il y a trois sortes de certitude; la certitude métaphysique; la certitude physique et la certitude morale. L'une et l'autre de ces certitudes exclut tout doute; car s'il reste du doute sur une question, il n'y a point de certitude.

La certitude métaphysique ou intellectuelle consiste dans la pure intelligence des principes et des notions communes, qui sont connues immédiatement et par elles-mêmes, et que Dieu a imprimées dans l'esprit humain : voici quelques exemples :

Une même chose ne peut être et ne peut pas étre en même temps.

Tout effet a une cause.

Ce qui n'existe pas n'a ni action ni affection.

Toutes les conséquences nécessaires des principes doivent étre admises, ou les principes doivent être rejetés.

Il n'est pas permis à un étre sage de se contredire soi-même.

Dieu ne saurait se renoncer, se haïr ni se détruire.

On doit porter un méme jugement de choses égales.

Différens effets ont différentes causes.

Aucun étre ne peut se tirer lui-même du

néant.

Un étre ou existe de toute éternité et n'a point eu de commencement, ou il a été tiré du néant par une cause éternelle.

La certitude métaphysique, en un mot, est cette science certainé, cette évidence que notre esprit ne se trompe point, lorsqu'il conçoit qu'une conséquence découle de tel principe: c'est un jugement.

Dans ce raisonnement: Je pense, donc je suis; il y a deux sortes de certitude. L'une physique et d'existence je pense ; l'autre métaphysique et de conséquence donc je suis.

La certitude physique, cette évidence que nous acquérons par nos sens précède la métaphysique, parce que la sensation ou le sentiment est plus tôt connue que la conséquence.

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L'antécédent doit être avant le conséquent, sinon dans l'ordre du temps au moins dans l'ordre naturel. La conséquence est plutôt pour les autres que pour moi. Dans ce raisonnement on supprime la certitude métaphysique ou la majeure. Ce qui n'est point ne pense pas, puisque ce qui n'est point est sans affection; or je pense: donc je suis. Ainsi tout jugement, toute conséquence ou raisonnement appartien nent à la métaphysique. Toute philosophie morale tient à la métaphysique, puisqu'elle consiste dans des conséquences abstraites, ou dans un grand nombre de principes composés et connus par nos lumières naturelles. On doit porter le même jugement des mathématiques, parce qu'elles emploient des conséquences et des notions communes : il en est de même de la théologie et de la religion naturelle.

Dans la certitude physique, il n'y a point de raisonnement à tirer; les faits parlent : c'est donc cette sorte de certitude que Dieu devait employer pour se faire entendre à tous les hommes. Par les sens, soit intérieurs, soit exté rieurs, nous connaissons les vérités de fait ou l'existence des choses. Or, tout témoignage est également une voie de fait; c'est donc une certitude de fait. La certitude historique est aussi une certitude de témoignage et d'auto

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