DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Concernant le ferment à prêter par les Evêques, Curés & autres Eccléfiaftiques fonctionnaires publics; précédé du Rapport fait par M. VOIDEL, au nom des Comités Ecclefiaftique, des Rapports, d'Aliénation & de Recherches, réunis, fur la ligue d'une partie du Clergé, contre l'Etat & contre la Religion,

A la Séance extraordinaire du 26 Novembre au foir.

IMPRIMÉ PAR ORDRE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE.

MESSIEURS,

ESSIEURS,

La Religion eft la bafe de la moralité de nos actions: effentiellement bienfaifante & jufte, elle offre à l'homme vertueux les plus touchantes confolations

A

dans le malheur; elle oppofe au méchant un frein redoutable & falutaire; c'eft dans le coeur de l'un & dans la concience de l'autre qu'elle place fon tribunal & qu'elle exerce fon empire. Amie de l'ordre & de la fociété, indépendante des hommes, des remps & des lieux, éternelle comme fon divin` Auteur, elle triomphe de toutes les paffions, elle domple tous les préjugés. La fuperftition, le fanatifine peuvent bien l'obfcurcir, la défigurer même; ils ne peu vent pas la changer. J'ai cru, Meffieurs, devoir commencer par cet éclatant & fincère hommage rendu à la Religion de mes pères, un rapport dans lequel je ferai forcé de m'élever contre les crimes de ceux qui l'enfeignent, qui la calomnient par leur conduite, qui la font paroître haïffable aux yeux des hommes fuperficiels ou corrompus qui ne la connoiffent pas & qui ne voient en elle que les égaremens de fes miniftres.

Confidérez-la dans fon berceau, fuivez-la dans fes progrès, confultez la fur-tout dans ce livre (1), qui bien médité, fuffiroit feul à l'instruction & au bonheur des hommes, & dont vous n'avez fait qu'analyfer les maximes religieufes & civiles dans votre Déclaration des droits, dans votre Conftitution, & fur-tout dans votre Décret fur l'organisation civile du Clergé : partour elle recommande la paix, par-tout elle prêche le refpect & la foumiffion pour les loix: voilà ce qui lui appartient.

(1) L'Évangile.

Voici ce que les hommes y ont ajouté :

Les vertus des premiers pafteurs, & fur-tout leur charité éprouvée leur avoit mérité le refpect, l'amour & la confiance des peuples. Ceux-ci, faintement predigues & voulant honorer la Religion dans la perfonne de fes premiers miniftres, dépofèrent leur fortune aux pieds de ces hommes, qui confacroient leur vie à l'instruction & à la pauvreté. Ces premières libéralités, fruit de la ferveur qu'excite une Religion naiffante, furent fans aucun danger; elles retournoient à leur première & véritable deftination, le foulagement des infortunés.

Le temps & les paffions altèrent infenfiblement, & prefque toujours finiffent par corrompre les meilleures inftitutions. Ce qui dans l'origine n'avoit paru qu'un dépôt aux hommes vertueux qui le recevoient, fut confidéré par leurs fucceffeurs comme un don fait à 1'Eglife. L'ignorance & la fuperftition des fiècles fuivans amenèrent d'autres idées, ou plutôt les dénaturèrent toutes. Toutes les lumières furent étouffées, les faines maximes de la Religion foulées aux pieds: on crut relever fon éclat en donnant à fes miniftres des poffeffions temporelles; on multiplia les fondations: on croyoit avoir tout fait, lorfqu'après la vie la plus criminelle on mouroit fous un froc ; une abfolution étoit le prix d'un domaine, & les plus grands crimes fe rachetoient par une amende au profit d'une Eglife. Ces coupables extravagances étoient entretenues par ceux qui en profitoient; par là les peuples furent corrompus, les Prêtres enrichis, & le

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vice entra dans le Sanctuaire à la fuite de l'opu

lence.

A ce premier défordre s'en joignit un autre non moins funefte, & dont les fuites fe font étendues jufqu'à nous, malgré le cri de la raifon & le progrès des lumières.

Les Tribunaux, les Confeils des Princes furent remplis de ces hommes jufques-là fimples & modeftes; l'ambition corrompit leurs moeurs; ils fubftituèrent aux vertus douces & paifibles qui conftituent les devoirs de leur état, l'éclat fuborneur qui environne les Cours. Le titre refpectable de fucceffeurs des Apôtres ne leur fuffit plus ; ils voulurent & ils obtinrent une confiftance politique; ils affectèrent la fuprématie fur les Puiffances de la terre, abufèrent criminellement d'une miffion purement fpirituelle, firent fervir au fuccès de leurs paffions des armes qu'ils ont enfin rendu ridicules: de-là, les excommunications, les interdits, les diffenfions domeftiques, les guerres civiles, les héréfies les fchifmes, toutes les horreurs du fanatifme, tous les fléaux qui pendant tant de fiècles & de tant de manières, ont défolé l'Empire; de-là cette longue rebellion contre les loix, à laquelle votre juste severité doit enfin mettre un terme.

Ouvrez, Meffieurs, les faftes de votre histoire; reportez-vous au dixième fiècle; & dans l'énumération des délits dont j'ai à vous entretenir, vous verrez les mêmes attentats foutenus par les mêmes moyens; la Religion invoquée par fes miniftres pour perpétuer

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les plus honteux abus, & l'agonie convulfive du fanatifme près d'expirer fous les coups de la Religion & de la raifon, i

Une ligue s'eft formée contre l'Etat & contre, la Religion entre quelques Evêques, quelques, Chapitres & quelques Curés. La Religion en eft le prétexte; l'intérêt & l'ambition en font le motif. Montrer au peuple par une refiftance combinée, qu'on peut impunément braver les loix; lui apар prendre à les méprifer, le façonner à la revolte, diffoudre tous les liens du contrat focial; exciter la guerres voilà les moyens; & les faits vont le prouver.

Ce plan fe trouve tracé dans une lettre du cidevant Evêque de Tréguier aux Curés de ce Dio-. cèfe. Après avoir déclaré qu'il regardera perfonnellement comme intrus les Evêques & Cures qui feroient nommés d'après les nouvelles formes, il protefte qu'il ne communiquera pas avec eux in divinis. Il cite enfuite le fragment d'une prétendue lettre du Pontife de Rome à l'Evêque de Saint-Léon; il eft conçu en ces termes : Animum interim in te noftrum rapit doctrina integritas; meritò enim confiderás, nulli effe datum, Sede apoftolicâ non approbante, Epifcopale minifterium vel ad alios fines traducere, vel ad anguftiores limites adigere.

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Elle contient enfin ce paffage remarquable, & qui feul découvre le fecret de la Ligue : «Dans tous les » temps,mais particulièrement dans celui-ci, dit l'Evêque, sil eft néceffaire que nous foyons unius labii, & que