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distribuer une cotisation convenue, destinée à subvenir aux besoins de ceux d'entre eux qui se trouveraient sans ouvrage.

Mille objets d'intérêt local détournaient la commune et les districts des questions d'intérêt général. Les deux principaux étaient relatifs aux subsistances et à l'organisation de la municipalité. L'un et l'autre méritent quelque attention de notre part. Nous nous occuperons d'abord de la question municipale ; elle est intéressante à plusieurs titres dans cette histoire parlementaire.

L'assemblée des représentans de la commune nommée en même temps, pour administrer la ville et pour rédiger un plan de municipalité, vivait dans le provisoire. Elle avait arrêté, le 24 août, un réglement pour l'organisation de l'assemblée des représentans de la commune, jusqu'à l'établissement définitif de la constitution municipale. Il n'offre que des dispositions relatives à l'ordre intérieur des délibérations, au nombre et à l'élection des comités. Il ne s'occupait nullement de déterminer les attributions du conseil de la ville; aussi celui-ci, ainsi que nous l'avons vu et que nous le verrons encore, se les donnait toutes, même celles de politique générale. L'insuffisance de ce réglement était parfaitement sentie. De semaine en semaine, l'assemblée des représentans appelée à s'occuper de matières plus nombreuses, était obligée, pour répondre à ces nécessités nouvelles, d'augmenter le nombre de ses membres, et de faire appel aux districts. Elle leur avait successivement demandé d'élire 60 représentans de plus et 60 suppléans, et 'ces additions se trouvaient encore insuffisantes; ces besoins sans cesse renaissans étaient, et on en avait parfaitement conscience, l'effet du défaut d'ordre auquel on ne savait suppléer qu'en multipliant les commissions. Un plan de municipalité, rédigé par une commission, fut donc imprimé et distribué. Ce projet établissait un conseil-général de trois cents personnes, un petit conseil de soixante, et un bureau administratif de vingt-un. L'assemblée arrêta, le 28 août, qu'elle s'en occuperait sans désemparer, et que le plan de municipalité serait précédé d'un préambule qui contiendrait la déclaration des droits de la commune. › Mais elle fut détournée de cette occupation par

la violence des événemens extérieurs, et le 30 août elle décréta <que les districts sont invités à accepter provisoirement le projet de plan de municipalité à eux envoyé par l'assemblée, dans la partie qui concerne l'organisation de l'assemblée générale des représentans de la commune, au conseil et du bureau de ville.Ils sont invités en conséquence à nommer, dans la huitaine, cinq députés, à l'effet, par l'assemblée de ces trois cents députés, de nommer immédiatement le conseil de ville et ses officiers, et d'organiser les divers départemens.-Les districts sont pareillement invités à adopter provisoirement la partie du plan de municipalité qui les concerne, etc., en conséquence, à nommer aussitôt leurs comités et officiers de district....-Que les membres de l'assemblée future des trois cents qui resteront après l'élection des officiers du conseil des soixante, s'occuperont de l'examen du plan, le modifieront d'après les observations des districts; et après l'avoir arrêté, le présenteront aux districts pour avoir leur sanction.-Cette approbation obtenue, ainsi que celle du pouvoir législatif, le plan sera alors mis en exécution définitive. - Les districts sont avertis que, quelque plan qu'ils adoptent, la municipalité doit, il est vrai, concentrer le pouvoir en peu de mains, mais que ce pouvoir doit être toujours surveillé par un conseil assez nombreux pour prévenir toute oligarchie, etc. »

Toutes ces choses furent exécutées, c'est-à-dire qu'une assemblée de trois cents membres remplaça celle des cent quatre-vingts ou deux cent quarante; que les districts discutèrent des plans de municipalité. Bailly leur envoya le sien.

Suivant Bailly (Mémoire, t. 3, p. 69), l'assemblée avait eu tort de ne pas remettre la discussion tout entière aux districts, et de se charger seulement de recueillir les voix. Si elle eût eu seule le pouvoir de lui donner force de loi, sans doute, il aurait fallu que tout entière elle en fît l'examen : mais cette force de loi, même provisoire, ne pouvait être donnée que par les seuls districts........; elle devait sentir quelles longueurs allait entraîner la discussion d'un long projet, discussion sans cesse mêlée aux affaires instantes de l'administration.

Brissot (I) avait fait un préambule au plan de municipalité, qu'il donne dans un de ses journaux, et qui dévoile bien des choses. Il établissait : 1° « que les habitans d'une même cité ont le droit de se constituer par eux-mêmes en municipalité, c'est-à-dire, d'établir une administration et unc police pour tout ce qui peut être commun entre eux comme habitans de la cité; 2o que les cités d'une même province ont pareillement le droit inaliénable d'établir une administration provinciale pour tout ce qui peut être commun entre toutes ces cités; 3° que les assemblées municipales et provinciales doivent être, quant à leur objet et à leur pouvoir, bien distinctes et séparées de l'assemblée nationale, qui ne doit embrasser que les objets communs à la généralité du royaume; — que néanmoins les principes sur lesquels doivent être appuyés ces administrations municipales et provinciales, ainsi que leurs réglemens, doivent être entièrement conformes aux principes de la constitution nationale; que cette conformité est le lien fédéral qui unit toutes les parties d'un vaste empire. » (Patriote français, n° 16.)

Les passages soulignés, continue Bailly, le sont dans l'original. Maintenant, je demande pourquoi ils le sont, surtout le mot fédéral; je demande s'il ne résulte pas de ce plan un grand état populaire, partagé entre trente ou plus de républiques,

partagées elles-mêmes en quarante-quatre mille petites républiques, et toutes unies par un lien fédéral. ›

Il était cependant instant, dit ailleurs Bailly, de mettre un terme à l'anarchie extrême qui résultait de ce que chaque district agissait comme une commune séparée. Il en cite une multitude d'exemples, les mêmes que nous avons notés nous-mêmes. En effet, le désordre était à ce point qu'il fallut un arrêté spécial des représentans pour empêcher que les sections allassent se fournir directement de munitions à la poudrière. Un district, le 5 août, avait pris un arrêté pour demander qu'on mît un terme à cet état de choses, envisageant avec effroi, dit le préambule, les funestes

(1) Brissot était l'un des représentans de la commune, et membre de la commission du projet dè municipalité.

conséquences des idées qui, si elles n'étaient pas détruites, diviseraient la capitale en soixante républiques indépendantes. Mais pour cela il ne fallait pas recourir à des projets qui, en multipliant hors de mesure le nombre des officiers, multipliaient les discussions et amoindrissaient l'activité nécessaire à l'administration des affaires. Parmi les plans qui furent présentés, l'un d'eux, celui de M. de la Métherie, proposait un grand conseil de douze cents membres, et un petit composé de cent soixante-onze.

Ces affaires réglementaires furent partout interrompues, et presque complétement mises de côté à l'hôtel-de-ville, par celle des subsistances. Il n'y avait pas une seule séance de la commune, où il n'en fût question, et où il ne fût pris quelque arrêté. Il ne se passait pas un jour où il n'y eût quelque trouble à la Halle. Il avait été nécessaire d'y établir un corps-de-garde; le piquet fut augmenté successivement : le 10 il était de 600 hommes. La porte des boulangers était tantôt libre, tantôt assiégée. On se plaignait amèrement du comité des subsistances; on disait que la ville était volée par ses agens inférieurs. En effet, quelques jours plus tard; un sieur Gallet, l'un d'eux, fut arrêté comme prévenu du fait de détournement de farines et de spéculation sur les grains. Nous avons sous les yeux une brochure dont le titre suffit pour indiquer le contenu; elle porte sur la couverture ces mots : L'intrigue du comité des subsistances dévoilée; la condamnation du sieur Gallet, et les amours criminelles de ses juges avec son épouse. Aussi l'assemblée des représentans ordonna que le comité des subsistances apportât sous ses yeux son journal d'achat. Elle fut obligée d'insister et enfin on lui répondit qu'on n'avait pas tenu de journal, mais qu'on avait des pièces et qu'on allait les mettre en ordre. Pendant que le retentissement de ces débats jetait l'inquiétude dans le peuple, le maire était obligé d'appeler auprès de lui les présidens des soixante districts, pour leur prouver que si l'on courait risque de manquer de pain, ce ne serait que pour un jour, et qu'on avait du riz pour le remplacer,

L'assemblée émit sur cette affaire, dans les premiers jours de septembre, trois arrêtés qui méritent d'être cités. L'un, du

2 septembre, ordonnait qu'il serait demandé à l'assemblée nationale d'ordonner: 1° que chaque fermier fût tenu de porter, chaque semaine, au marché, deux setiers de grain par charrue; 2o que, dans les marchés, après le temps accordé de préférence aux habitans du pays, il soit accordé, aussi de préférence à tous les autres, une heure aux boulangers et marchands de Paris. L'autre avait pour but de sommer M. Necker de faire connaître les achats qu'il avait faits à l'étranger pour Paris, et les mesures prises pour en assurer l'arrivée. Le troisième nommait des commissaires, et déterminait les arrondissemens où ils devaient se transporter, afin de faire battre et moudre, sans interruption, des grains pour la capitale. En effet, on savait que la récolte était magnifique, et on expliquait le manque de farines par la lenteur du battage des grains. Cependant, à Versailles, l'approvisionnement ne souffrait point: il n'y avait pas la moindre apparence de disette.

Il nous serait impossible de rapporter en détail les mouvemens dont les grains étaient l'occasion: démarches des districts; démarches des boulangers; assemblées; consultations; lecture de projets. On alla jusqu'à décider que les fermiers, qui se distingueraient par leur zèle, seraient mentionnés sur les registres de la commune, etc.

Au travers de ces sérieuses occupations, on doit noter, pour l'histoire, quelques faits qui peignent l'époque.

Les officiers de la garde nationale prêtèrent le serment suivant : Nous jurons et promettons d'être fidèles à la nation, au roi, à la loi, et à la commune de Paris.

Les communes des environs de Paris, suivant le plan de municipalité de Brissot, voulurent se fédérer entre elles. Il y eut une assemblée où leurs députés se réunirent, dans le but d'arrê ter les bases de cette union. Ils avaient déjà nommé leur maire commun et leur commandant militaire. Les représentans de Paris cassèrent tout ce qui avait été fait, mirent le projet à néaut, et allèrent jusqu'à défendre aux journaux de parler de ce fait : ils furent obéis.

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