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sont toujours les mêmes. Quant au préambule de M. de la Borde, je proposerais d'ajouter deux principes incontestables:

1° L'homme n'entre en société que pour acquérir, et non pour perdre;

2° Toute société est le résultat d'une convention.

Ce sont là les deux principes que je voudrais insérer dans le projet.

M. le comte de Virieu. Des idées simples et sublimes, des réflexions touchantes ont entraîne toutes les opinions vers le préambule de la déclaration du sixième bureau. Ce préambule n'andes vérités déjà bien connues.

nonce que

Ce qui me touche davantage encore, c'est l'invocation à l'Étre suprême; l'on n'y dit pas que nous tenons nos droits de la nature: c'est un pacte que la nation fait sous les auspices de la Divinité. Eh! qu'est-ce que la nature? quelle idée présente-telle? C'est un mot vide de sens, qui nous dérobe l'image du Créateur, pour ne considérer que la matière. Voici le préambule que je proposerais :

Les représentans du peuple français, réunis en assemblée nationale;

Considérant que l'ordre social et toute bonne constitution doivent avoir pour base des principes immuables; que l'homme créé avec des facultés et des besoins, et par conséquent avec le droit inaliénable d'exercer les unes et de satisfaire les autres, ne s'est soumis au régime d'une société politique, que pour mettre ses droits sous la protection d'une force commune;

Considérant que les gouvernemens n'existent que pour l'intérêt des gouvernés, et non pour l'intérêt de ceux qui gouvernent, et qu'il est essentiel d'annoncer à tous les membres du corps social leurs droits inalienables et imprescriptibles, afin que les réclamations des citoyens, fondées sur des principes incontestables, puissent en même temps tourner et servir au maintien des lois et au bonheur de tous;

Voulant enfin consacrer, au nom du peuple français, et en présence de l'Étre suprême, les droits imprescriptibles de tout

citoyen, déclarent qu'ils reposent sur les vérités suivantes, etc.

M. le vicomte de Mirabeau, après avoir proposé de mettre à la tête de la constitution l'ouvrage du plus grand des législateurs, le Décalogue, lit un préambule, qui, comme il le dit lui-même, avait le mérite d'être court. Il soutient que ces mots, sûreté, propriété, liberté, renfermaient tous les droits; et que si l'on se livre aux subtilités métaphysiques, on risque de n'être entendu que de très-peu de personnes, et admiré de celles qui ne comprendraient pas.

M. de Volney propose une tout autre forme de préambule: celle de faire part des circonstances qui ont rendu nécessaire une décision des droits.

L'an 1789, la 16o année du règne de Louis XVI, les représentans réunis en corps-législatif;

Considérant que, depuis long-temps et particulièrement depuis quelques années, les contributions des peuples ont été dissipées, les trésors publics épuisés, la sûreté, la liberté et la propriété violées d'une manière indigne;

Considérant que les causes de ces désordres tiennent à l'ignorance du peuple, à l'oubli des devoirs de la part du pouvoir exécutif, ont arrêté les articles suivans....

Plusieurs membres insistent pour qu'on mette dans le préambules ces mots: En présence de l'Etre suprême; d'autres observent que la présence de l'Etre suprême étant partout, il est inutile de l'énoncer.

M. l'évêque de Nîmes soutient avec force la première opinion. C'est une idée triviale, a-t-on dit, que l'homme tient son existence de Dieu. Plût à Dieu qu'elle le fût encore davantage, ét qu'elle ne fût jamais contestée! Mais quand on fait des lois, il est beau de les placer sous l'égide de la Divinité.

MM. Mougins et Pellerin, ramenant cette discussion aux faits historiques, disent que les législateurs de Rome, de la Russie et de l'Amérique ont invoqué l'Être suprême dans les premières pages de leur code.

Après avoir relu les divers préambules proposés, on s'arrête à

celui du projet rédigé par le comité des cinq, sur lequel M. Des meuniers fait quelques corrections d'après les observations faites dans la discussion. Il est adopté en ces termes :

« Les représentans du peuple français, constitués en assemblée nationale, considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernemens, ont résolu d'exposer, dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'homme, afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs; afin que les actes du pouvoir législatif et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la constitution, et au bonheur de

tous:

«En conséquence, l'assemblée nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l'Étre suprême, les droits suivans de l'homme et du citoyen.....

On fait lecture des dix premiers articles.

M. d'André. Le premier article du projet qui vous est soumis parle de désirs et de besoins ; ce n'est pas une déclaration de désirs que nous avons à faire. Le second, je ne l'entends pas, et je doute que mes commettans puissent l'entendre.

Le troisième, le quatrième et le cinquième peuvent se réunir ensemble; et c'est ainsi que je le propose, d'après l'avis de M. de la Fayette.

« Les droits inaliénables et imprescriptibles de l'homme sont : la liberté, la propriété, la sûreté, l'égalité des droits, la conservation de son honneur et de sa vie, la communication de ses pensées et la résistance à l'oppression. D

Quant à cette dernière partie, j'observerai qu'elle est sans

danger; elle est dans notre constitution de Provence que nous abandonnons, parce que nous espérons que vous nous en donnerez une meilleure.

M. Target propose de supprimer les dix premiers articles, et d'y substituer ceux-ci :

Art. Ier. Chaque homme tient de la nature le droit d'user de ses facultés, sous l'obligation de ne pas nuire à l'exercice des facultés d'autrui : l'un est son droit, l'autre est son devoir.

II. La sûreté, la liberté et la propriété : l'un, qui est le droit de jouir; l'autre, qui est le pouvoir exclusif de posséder certaines choses: c'est là ce qui constitue le droit des hommes.

III. Les moyens et les facultés des hommes ne sont pas les mêmes ; et le but de toute société est de maintenir l'égalité au milieu de l'inégalité des moyens.

IV. Lorsque les hommes perdent de leurs droits en se réunissant dans la société civile, ils acquièrent une plus grande assurance de les confirmer.

V. Hors de la société, il n'y a aucune garantie. Dans la société, au contraire, la loi garantit tous les droits.

M. l'évêque de Langres propose de substituer l'article suivant aux deux premiers articles.

« L'auteur de la nature à placé dans tous les hommes le besoin et le désir du bonheur, et les facultés d'y parvenir; et c'est dans le plein et entier exercice de ces facultés que consiste la liberté. M. Mounier présente les articles suivans:

Art. Ier. Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune.

I. Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont : la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression.

III. Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément.

Ces articles sont adoptés.]

SÉANCE DU VENDREDI 21 AOUT, AU MATIN.

[M. le président met à la discussion l'article VII de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

M. le chevalier Alexandre de Lameth, prenant la parole, présente deux articles ayant pour objet de développer d'une manière plus énergique les principes des articles VII, VIII, IX et X du projet du comité.

Voici en quels termes ils sont rédigés :

1o La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ainsi l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a évidemment de bornes que celles qui assurent à tous les autres membres de la société la jouissance des mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi.

:

2o La loi ne peut défendre que les actions évidemment nuisibles à la société tout ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas.

Ces nouveaux articles sont devenus l'objet des débats. Plusieurs amendemens ont été proposés.

M. Rhédon. Jusqu'à présent, les articles ne peuvent être entendus que de l'homme qui n'est pas encore en état de société ; et là où il n'y a pas de société, il ne peut y avoir de loi. C'est quand la loi est faite que la société se forme, et que l'homme est alors placé sous l'empire de la loi. De quoi s'agit-il jusqu'ici dans la déclaration des droits? de la liberté naturelle, des droits que tout homme apporte en naissant. Ce n'est donc pas encore ici le moment de parler de la liberté; il s'agit, non pas de l'homme gêné dans l'exercice de ses droits, mais de l'homme avec la plénitude de ses droits. La liberté porte sur les droits naturels ou sur des conventions. Parlez-vous des premiers? alors vous ne pouvez prononcer que le seul mot de liberté. Parlez-vous de la liberté conventionnelle? alors vous parlez de la liberté civile. On va aux voix sur les articles et les amendemens ; et la rédaction de M. de Lameth est décrétée ainsi qu'il suit :

1o La liberté consiste à faire tout ce qui ne nuit pas à autrui :

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