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manda de lui aider à sauver l'État: combattons ses ennemis et les nôtres; assurons-nous, interceptons leur correspondance, et portons partout des yeux si pénétrans et si actifs, que nous réduisions les restes de la cabale à rester dans une inaction craintive.

M. le chevalier de Boufflers. Ce n'est pas sans une espèce d'étonnement que j'ai entendu jusqu'ici qu'on vous a proposé de sang-froid la violation des lettres; et qu'en voudriez-vous faire, Messieurs? nul tribunal ne pourrait les recevoir; et vous pourriez vous déterminer à les recevoir, à les lire? et vous, pourriezvous vous déterminer à trahir le vœu général de vos commettans, et cette foi publique, dont vous êtes les apôtres, dont vous êtes les garans? De telles mesures sont faites pour les tyrans, et nous appartient-il d'avoir leur frayeur, leur crainte et leur lâcheté?

L'on nous dit que ces lettres ont été saisies par le droit de la guerre; mais où est la guerre? contre qui la faisons cous? sont nos ennemis?

Ne cherchons pas les coupables; félicitons-nous de les avoir éloignés, d'avoir purgé la France de leur présence. Laissons-les s'agiter au loin et lancer des traits qui ne peuvent parvenir jusqu'à nous, ne songeons qu'à la félicité publique, abandonnons le salut de la France au patriotisme, assurons-le par de saintes lois, et ne les violons pas au moment même de les publier.

M. de Castellane. Vous avez promis vengeance aux malheurs du peuple, nous ne connaissons pas les auteurs des crimes; mais nous sommes bien assurés des forfaits.

Je ne pense pas qu'il faille des inquisiteurs, ce serait un remède qui tournerait en mal, mais un comité qui informera publiquement; la publicité convient à nos démarches et à notre caractère.

Quatre personnes sont suffisantes, le nombre en doit être petit.

Rien n'empêche donc de nommer des commissaires, et surtout de les nommer promptement.

M. le comte de Virieu. Il existe trois pouvoirs qui concourent à

l'établissement de la société: le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire. Dès que ces trois pouvoirs sont réunis dans la main d'un seul, le despotisme existe; s'il est dans la main d'un tyran, la patrie peut le combattre; mais s'il est dans la main même de la patrie, alors elle se déchire elle-même, aucune force ne peut la rappeler à l'ordre.

On nous propose d'ériger un tribunal qui prononcera sur le sort des coupables; on nous propose d'établir une espèce d'inquisition secrète pour dévoiler les crimes.

Une république fameuse a eu des inquisiteurs pareils; leur jugement frappait comme l'éclair. Le sang a coulé avec profusion; et les vengeances étaient plutôt le signal qui dirigeait le glaive du bourreau, que l'ordre de la justice.

Je demande si la France doit avoir un pareil régime? si, parmi ses habitans, dont la douceur et l'aménité forment le principal caractère, on doit élever un pareil monument? Si la liberté était bannie de la terre, elle trouverait un asile dans notre patrie.

Comment peut-on demander un établissement aussi révoltant. immoler des hommes qui ne pourront se faire entendre, qui ne pourront se défendre? Voilà de ces principes qui répugnent à Phonneur, à la délicatesse, à l'humanité; nous venons les détruire et non pas les consacrer.

Le premier devoir que m'ont imposé mes commettans, c'est de rétablir la liberté publique ; et je ne suis pas venu pour l'attaquer.

Si vous jugez à propos d'établir une commission, elle doit être publique comme les fonctions des commissaires. D'après mes prémisses il est facile de voir que je rejette toute commission secrète.

Quant au tribunal, si nous pouvions en créer un, il ne serait que provisoire, il ne serait qu'une véritable commission; qu'on ne dise pas qu'elle serait différente de celles que les ministres nomment à leur gré pour perdre leurs ennemis.

Elle serait arbitraire comme elles, révoltante comme elles, et établie d'après les mêmes principes.

Dira-t-on qu'elle ne sera pas dangereuse, parce qu'elle sera nommée par la nation? mais je dis qu'elle en deviendra plus dangereuse. Le despotisme de la multitude est le plus funeste de

tous.

Je vous demande quelles seront les bornes du pouvoir que nous allons exercer? Qui pourra nous juger? Qui pourra nous rappeler à nos principes? Non, il est dangereux de réunir dans nos mains tous les pouvoirs, toute l'autorité. Je ne pense pas enfin qu'on puisse former une commission, un comité de recherches.

M. Chapelier. Il me semble que jusqu'ici l'on n'a pas saisi le véritable point de la motion; l'on s'écarte, l'on parle de tribunal, de la violation du secret des lettres. Ce ne sont pas là les objets qui vous sont proposés. De quoi s'agit-il donc? de former un comité, pour recevoir les informations sur des personnes suspectes, de tous les citoyens qui, répandus dans toutes les provinces, voudront donner des détails. Ces preuves seront remises ensuite à un tribunal compétent.

Quant à l'ouverture des paquets, je m'attache aux principes de la morale et du droit public. La violation d'un secret est un crime, et la sûreté publique ne peut exiger un sacrifice de la vertu cessons donc de témoigner nos craintes pour une motion qui ne peut alarmer notre conscience, qui s'accorde avec nos scrupules et l'intérêt de la patrie. Point de tribunal, point d'interception de lettres; nos registres ne doivent point être souillés par de pareilles décisions.

Les idées de M. Chapelier, exposées avec simplicité, ramènent toutes les opinions.

MM. de Crillon et Reubell retirent leur motion, comme rentrant dans celle de M. Duport.

On demande à aller aux voix sur la motion de M. Duport. Une très-grande majorité l'adopte, sauf quelques changemens.

En conséquence, il est arrêté que le comité d'informations sera composé de douze membres pris indifféremment sur toute l'assemblée sans distinction d'ordres; que le choix en sera fait

dans la forme observée pour les secrétaires, et que les membres seront renouvelés ou réélus tous les mois.

On élève la question de savoir si ce comité sera permanent.

Il est décidé que le comité changera tous les mois.]

-Les séances des 29,30 et 31 juillet furent occupées par l'élection des membres du comité arrêté dans la réunion précédente, et par quelques discussions sur le réglement intérieur de l'assemblée. Une discussion qui s'était établie à Paris, entre les électeurs le district, donna quelque intérêt à la séance du 30.

et

M. Necker s'était rendu à Paris, moins pour remercier la ville, que pour obtenir la grâce de M. de Bezenval, qui, arrêté dans sa fuite, était amené à Paris, et pour lequel on craignait le sort de Foulon et de Berthier. Le ministre avait en vain écrit à ceux qui s'étaient emparés de cet homme : il n'avait rien obtenu. Il fut plus heureux auprès des électeurs de Paris: il obtint d'eux une déclaration d'amnistie, et se retira avec cette promesse à Versailles. Mais les districts de Paris réclamèrent: ils nièrent aux électeurs, comme à tout autre individu, le droit de faire grâce pour les crimes de lèse-nation. Ces derniers expliquèrent qu'ils n'avaient voulu que bannir ce système de justice violente qui avait été appliqué les jours précédens. Ce débat vint retentir à l'assemblée nationale qui y mit fin en ordonnant le renvoi de Bezenval pardevant le Châtelet.

Cependant, le 30 juillet, les électeurs cessèrent leurs fonctions municipales, et les remirent à une assemblée de cent vingt membres, composée de deux députés envoyés par chacun des soixante districts. Cette dernière réunion avait été formée sur l'appel des électeurs eux-mêmes, afin d'organiser la municipalité parisienne. Ils se déclarèrent Représentans de la commune de Paris le 29, et se saisirent du pouvoir qui leur fut cédé le 30. Ils acceptèrent d'ailleurs tous les arrêtés pris par leurs prédé

cesseurs.

C'est donc ici l'occasion de citer l'un de ces derniers arrêtés qui marque le plus nettement l'esprit de réaction qui commençait à animer la haute bourgeoisie. Le 24, le comité provisoire, sur la

représentation qu'il se vendait publiquement par les colporteurs etautres, dans les rues de Paris, des imprimés calomnieux propres à produire une fermentation dangereuse.... arrêta...que tous les colporteurs ou distributeurs de pareils écrits, sans nom d'imprimeur, seront conduits en prison par les patrouilles, et que les imprimeurs qui donneront cours à de pareils imprimés, sans pouvoir d'auteur ayant une existence connue, en seront rendus garans et responsables. Et sera le présent arrêté imprimé, affiché et envoyé à tous les imprimeurs.

SÉANCE DU SAMEDI 1er AOUT.

[On commence la discussion sur la constitution par cette question: Mettra-t-on ou ne mettra-t-on pas une déclaration des droits de l'homme et du citoyen à la tête de la constitution?

56 orateurs se font inscrire.

M. Durand de Maillane. Je suis chargé par mon bailliage de réclamer une déclaration des droits de l'homme, qui serve de base à la constitution, et de guide pour tous les travaux de l'assemblée. Cette déclaration, qui devrait être affichée dans les villes, dans les tribunaux, dans les églises même, serait la première porte par laquelle on devrait entrer dans l'édifice de la constitution nationale. Un peuple qui a perdu ses droits, et qui les réclame, doit connaître les principes sur lesquels ils sont fondés, et les publier. Ce sont des vérités premières absolument nécessaires pour établir une constitution; c'est de là, comme d'une source, que doivent découler les lois positives. Quelques personnes semblent redouter la publication de ces principes. Le peuple sera plus soumis aux lois lorsqu'il connaîtra leur origine et leurs principes.

M. de Créniere. Je viens vous présenter ce que j'ai médité dans le calme de la retraite et d'une existence obscure. Je n'ai eu pour guide que ma raison, pour mobile que l'amour de l'humanité. Les Français demandent et veulent une constitution libre. J'ai juré à mes commettans de la demander pour eux; mais avant de faire une constitution, déterminons le sens qu'il faut donner à ce mot. La constitution d'un peuple n'est pas, selon moi, une loi

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