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IX. Lorsque les dispositions formelles annoncées par le clergé et la noblesse, de renoncer à leurs priviléges pécuniaires, auront été réalisées par leurs délibérations, l'intention du roi est de les sanctionner, et qu'il n'existe plus dans le paiement des contributions pécuniaires aucune espèce de priviléges ou de distinctions.

X. Le roi veut que pour consacrer une disposition si importante, le nom de taille soit aboli dans tout le royaume, et qu'on réunisse cet impôt, soit aux vingtièmes, soit à toute autre imposition territoriale, ou qu'il soit enfin remplacé de quelque manière, mais toujours d'après des proportions justes, égales, et sans distinction d'état, de rang et de naissance.

XI. Le roi veut que le droit de franc-fief soit aboli du moment où les revenus et les dépenses fixes de l'État auront été mis dans une exacte balance.

XII. Toutes les propriétés sans exception seront constamment respectées, et sa majesté comprend expressément sous le nom de propriétés, les dimes, cens, rentes, droits et devoirs féodaux et seigneuriaux, et généralement tous les droits et prérogatives utiles ou honorifiques, attachés aux terres et aux fiefs, ou appartenans aux personnes.

XIII. Les deux premiers ordres de l'État continueront à jouir de l'exemption des charges personnelles ; mais le roi approuvera que les États-Généraux s'occupent des moyens de convertir ces sortes de charges en contributions pécuniaires, et qu'alors tous les ordres de l'État y soient assujétis également.

XIV. L'intention de sa majesté est de déterminer d'après l'avis des États-Généraux, quels seront les emplois et les charges qui conserveront à l'avenir le privilége de donner et de transmettre la noblesse. Sa majesté néanmoins, selon le droit inhérent à sa couronne, accordera des lettres de noblesse à ceux de ses sujets qui, par des services rendus au roi et à l'État, se seraient montrés dignes de cette récompense.

XV. Le roi désirant assurer la liberté individuelle de tous les citoyens d'une manière solide et durable, invite les États-Généraux à chercher et à lui proposer les moyens les plus convenables

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de concilier l'abolition des ordres connus sous le nom de lettres de cachet, avec le maintien de la sûreté publique, et avec les précautions nécessaires, soit pour ménager, dans certains cas, l'honneur des familles, soit pour réprimer avec célérité les commencemens de sédition, soit pour garantir l'État des effets d'une intelligence criminelle avec les puissances étrangères.

XVI. Les États-Généraux examineront et feront connaître à sa majesté le moyen le plus convenable de concilier la liberté de la presse avec le respect dû à la religion, aux mœurs et à l'honneur des citoyens.

XVII. Il sera établi, dans les diverses provinces ou généralités du royaume, des Etats provinciaux composés de deux dixièmes de membres du clergé, dont une partie sera nécessairement choisie dans l'ordre épiscopal : de trois dixièmes de membres de la noblesse, et de cinq dixièmes de membres du Tiers-état.

XVIII. Les membres de ces États provinciaux seront librement élus par les ordres respectifs, et une mesure quelconque de propriété sera nécessaire pour être électeur ou éligible.

XIX. Les députés à ces États provinciaux délibéreront en commun sur toutes les affaires, suivant l'usage observé dans les assemblées provinciales que ces États remplaceront.

XX. Une commission intermédiaire choisie par ces Etats, administrera les affaires de la province pendant l'intervalle d'une tenue à l'autre; et ces commissions intermédiaires devenant seules responsables de leur gestion, auront pour délégués des personnes choisies uniquement par elles, ou par les États provinciaux.

XXI. Les États-Généraux proposeront au roi leurs vues pour toutes les autres parties de l'organisation intérieure des États provinciaux, et pour le choix des formes applicables à l'élection des membres de cette assemblée.

XXII. Indépendamment des objets d'administration dont les assemblées provinciales sont chargées, le roi confiera aux États provinciaux l'administration des hôpitaux, des prisons, des dépôts de mendicité, des enfans-trouvés, l'inspection des dépenses des villes, la surveillance sur l'entretien des forêts, sur la garde

et la vente des bois, et sur d'autres objets qui pourraient être administrés plus utilement par les provinces.

XXIII. Les contestations survenues dans les provinces où il existe d'anciens Etats, et les réclamations élevées contre la constitution de ces assemblées, devront fixer l'attention des ÉtatsGénéraux; ils feront connaître à sa majesté les dispositions de justice et de sagesse qu'il est convenable d'adopter pour établir un ordre fixe dans l'administration de ces mêmes provinces.

XXIV. Le roi invite les États-Généraux à s'occuper de la recherche des moyens propres à tirer le parti le plus avantageux des domaines qui sont dans ses mains, et de lui proposer également leurs vues sur ce qu'il peut y avoir de plus convenable à faire relativement aux domaines engagés.

XXV. Les États-Généraux s'occuperont du projet conçu depuis long-temps par sa majesté, de porter les douanes aux frontières du royaume, afin que la plus parfaite liberté règne dans la circulation intérieure des marchandises nationales ou étrangères.

XXVI. Sa majesté désire que les fâcheux effets de l'impôt sur le sel et l'importance de ce revenu soient discutés soigneusement, et que dans toutes les suppositions on propose, au moins, des moyens d'en adoucir la perception.

XXVII. Sa majesté veut aussi qu'on examine attentivement les avantages et les inconvéniens des droits d'aides et autres impôts, mais sans perdre de vue la nécessité absolue d'assurer une exacte balance entre les revenus et les dépenses de l'État.

XXVIII. Selon le vœu que le roi a manifesté par sa déclaration du 23 septembre dernier, sa majesté examinera avec une sérieuse attention les projets qui lui seront présentés relativement à l'administration de la justice, et aux moyens de perfectionner les lois civiles et criminelles.

XXIX. Le roi veut que les lois qu'il aura fait promulguer pendant la tenue et d'après l'avis ou selon le vœu des États-Géné

n'éprouvent pour leur enregistrement et pour leur exécution aucun retardement ni aucun obstacle dans toute l'étendue de son royaume.

XXX. Sa majesté veut que l'usage de la corvée pour la confection et l'entretien des chemins, soit entièrement et pour toujours aboli dans son royaume.

XXXI. Le roi désire que l'abolition du droit de main-morte, dont sa majesté a donné l'exemple dans ses domaines, soit étendue à toute la France, et qu'il lui soit proposé les moyens de pourvoir à l'indemnité qui pourrait être due aux seigneurs en possession de ce droit.

XXXII. Sa majesté fera connaître incessamment aux ÉtatsGénéraux les réglemens dont elle s'occupe pour restreindre les capitaineries, et donner encore dans cette partie, qui tient de plus près à ses jouissances personnelles, un nouveau témoignage de son amour pour ses peuples.

XXXIII. Le roi invite les États-Généraux à considérer le tirage de la milice sous tous ses rapports, et à s'occuper des moyens de concilier ce qui est dù à la défense de l'État, avec les adoucissemens que sa majesté désire pouvoir procurer à ses sujets.

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XXXIV. Le roi veut que toutes les dispositions d'ordre public et de bienfaisance envers ses peuples, que sa majesté aura sanc ionnées par [son autorité pendant la présente tenue des Etats-Généraux, celles entre autres relatives à la liberté personnelle, à l'égalité des contributions, à l'établissement des ÉtatsProvinciaux, ne puissent jamais être changées sans le consentement des trois ordres pris séparément; sa majesté les place à l'avance au rang des propriétés nationales, qu'elle veut mettre, comme toutes les autres propriétés, sous la garde la plus assurée.

XXXV. Sa majesté après avoir appelé les États-Généraux à s'occuper, de concert avec elle, des grands objets d'utilité publique, et de tout ce qui peut contribuer au bonheur de son peuple, déclare de la manière la plus expresse, qu'elle veut conserver en son entier, et sans la moindre atteinte, l'institution de l'armée, ainsi que toute autorité, police et pouvoir sur le militaire, tels que les monarques français en ont constamment joui.

Le roi, avant de se retirer, prononce un troisième discours que nous transcrivons.

Vous venez, Messieurs, d'entendre le résultat de mes dispositions et de mes vues; elles sont conformes au vif désir que j'ai d'opérer le bien public; et si, par une fatalité loin de ma pensée, vous m'abandonniez dans une si belle entreprise, seul, je ferai le bien de mes peuples; seul, je me considérerai comme leur véritable représentant; et connaissant vos cahiers, connaissant l'accord parfait qui cxiste entre le vœu le plus général de la nation et mes intentions bienfaisantes, j'aurai toute la confiance que doit inspirer une si rare harmonie, et je marcherai vers le but auquel je veux atteindre avec tout le courage et la fermeté qu'il doit m'inspirer.

› Réfléchissez, Messieurs, qu'aucuns de vos projets, aucunes. de vos dispositions ne peuvent avoir force de loi sans mon approbation spéciale. Ainsi je suis le garant naturel de vos droits respectifs; et tous les ordres de l'état peuvent se reposer sur mon équitable impartialité.

› Toute défiance de votre part serait une grande injustice. C'est moi, jusqu'à présent, qui fais tout le bonheur de mes peuples; et il est rare peut-être que l'unique ambition d'un souverain soit d'obtenir de ses sujets qu'ils s'entendent enfin pour accepter ses bienfaits.

> Je vous ordonne, messieurs, de vous séparer tout de suite, et de vous rendre demain matin chacun dans les chambres affectées à votre ordre, pour y reprendre vos séances. J'ordonne en conséquence au grand-maître des cérémonies de faire préparer les salles.*>

Après le départ du roi, presque tous les évêques, quelques curés, et une grande partie de la noblesse, se retirèrent par la même porte qui avait été ouverte pour la cour.

Les autres députés restèrent à leur place : étonnés, incertains de ce qu'ils devaient faire, ils se regardaient, attendant un avis qui terminât leur irrésolution.

Mirabeau se leva. ‹ Messieurs, s'écria-t-il, j'avoue que ce que vous venez d'entendre pourrait être le salut de la patrie, si les présens du despotisme n'étaient toujours dangereux. Quelle

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