Page images
PDF
EPUB

motions agitées dans la séance du matin. A huit heures ils se sont réunis en assemblée générale.

Quelques membres rendent compte de l'opinion de leurs bureaux respectifs.

M. Long. Cédons, Messieurs, cédons à l'ordre naturel des choses, en réclamant un tribunal composé de magistrats et de jurés. Il existe des crimes, il faut les punir; faites annoncer cette résolution, et vous verrez renaître le calme; alors vous inviterez le peuple à rentrer dans l'ordre, et votre proclamation ne será plus que l'expression même de ses voeux, et le retour d'une confiance qu'il n'avait perdue que parce que les lois ont été muettes. M. Pétion propose l'établissement des jurés.

La discussion allait s'engager de nouveau. Plusieurs membres demandent à aller aux voix, tant sur la motion de M. de Lally que sur les amendemens,

L'assemblée, consultée par assis et levé, adopte la motion avec l'amendement, qui porte que l'assemblée déclarera qu'elle va s'occuper de la recherche des agens de l'autorité, coupables du crime de lèse-majesté, et d'établir un comité pour recevoir les dénonciations contre les auteurs des malheurs publics, sauf une nouvelle rédaction qui sera faite avant que la séance soit levée.

A cet effet, le comité de rédaction sort pour s'occuper de son travail. A une heure après minuit, la nouvelle rédaction de la proclamation est présentée et lue à l'assemblée. On y fait quelques légers changemens, sur les observations de quelques membres, et elle est enfin approuvée et arrêtée en la manière sui

vante :

«L'assemblée nationale, considérant que, depuis le premier instant où elle s'est formée, elle n'a pris aucune résolution qui n'ait dû lui obtenir la confiance des peuples;

Qu'elle a déjà établi les premières bases sur lesquelles doivent reposer la liberté et la félicité publiques;

Que le roi vient d'acquérir plus de droits que jamais à la confiance de ses fidèles sujets;;

Que non-seulement il les a invités lui-même à réclamer leur li

berté et leurs droits, mais que, sur le vœu de l'assemblée, il a encore écarté tous les sujets de méfiance qui pouvaient porter l'alarmé dans les esprits;

Qu'il a éloigné de sa capitale les troupes dont l'aspect oui l'approche y avaient répandu l'effroi ;

Qu'il a éloigné de sa personne les conseillers qui étaient un objet d'inquiétude pour la nation;

Qu'il a rappelé ceux dont elle désirait le retour;

Qu'il est venu dans l'assemblée nationale, avec l'abandon d'un père au milieu de ses enfans, lui demander de l'aider à sauver l'État;

Que, conduit par les mêmes sentimens, il est allé dans sa capitale še confondre avec son peuple, et dissiper par sa présence toutes les craintes qu'on avait pu concevoir;

[ocr errors]

Qué, dans ce concert parfait entre le chef et les représentans dé la nation, après la réunion consommée de tous les ordres, l'assemblée s'occupe et ne cessera de s'occuper du grand objet de la constitution;

Que toute méfiance qui viendrait actuellement altérer une si précieuse harmonie, ralentirait les travaux de l'assemblée, serait un obstacle aux intentions du roi, et porterait en même temps une funeste atteinte à l'intérêt général de la nation, et aux intérêts particuliers de tous ceux qui la composent;

Qu'enfin, il n'est pas de citoyen qui ne doive frémir à la seule idée de troubles, dont les suites si déplorables seraient la dispersion des familles, l'interruption du commerce; pour les pauvres, la privation de secours; pour les ouvriers, la cessation de travail ; pour tous, le renversement de l'ordre social:

Invite tous les Français à la paix, au maintien de l'ordre et de la tranquillité publique, à la confiance qu'ils doivent à leur roi et à leurs représentans, et à ce respect pour les lois, sans lequel il n'est pas de véritable liberté ;

Déclare, quant aux dépositaires du pouvoir qui auraient causé ou causeraient par leurs crimes les malheurs du peuple, qu'ils doivent être accusés, convaincus et punis, mais qu'ils ne doivent

l'être que par la loi, et qu'elle doit les tenir sous sa sauvegarde, jusqu'à ce qu'elle ait prononcé sur leur sort; que la poursuite des crimes de lèse-nation appartient aux représentans de la nation; que l'assemblée, dans la constitution dont elle s'occupe sans relâche, indiquéra le tribunal devant lequel sera traduite toute personne accusée de ces sortes de crimes, pour être jugée suivant la loi, et après une instruction publique;

Et sera la présente déclaration imprimée et envoyée par tous les députés à tous leurs commettans respectifs.>

La séance est levée.]

ASSEMBLÉE NATIONALE.

SÉANCES DU SAMEDI 25 JUILLET.

L'Assemblée reçoit un paquet de lettres qui lui était adressé par M. Bailly. Il avait été saisi par le district des Peti:s-Augustins. L'une était adressée à M. le comte d'Artois : on disait qu'elle contenait des pièces relatives à la conspiration de la cour. On se disputa pour savoir si l'on devait les ouvrir; et cependant on ne prit aucune décision.

[M. le président fait faire lecture d'une lettre écrite à l'Assemblée par la municipalité de Vesoul, en date du 22 juillet. Elle est ainsi conçue :

Nosseigneurs, la ville de Vesoul ne veut point affliger l'Assemblée nationale par le récit de tous les désordres portés à l'excès dans son bailliage; les châteaux brûlés, démolis, pillés au moins; toutes les archives enfoncées, les registres et les terriers enlevés, les dépôts violés, les plus horribles menaces et des violences extrêmes.

› La ville de Vesoul se borne à conjurer l'Assemblée nationale de rendre un décret qui puisse ramener la tranquillité publique parmi les gens de la campagne, qui semblent douter de la vérité des derniers imprimés qui ont été envoyés aux commandans des provinces.

Un arrêté de l'Assemblée nationale calmera la partie saine du peuple et des campagnes; mais comme il s'est formé en même temps des bandes de gens sans aveu, il serait essentiel encore que

l'Assemblée nationale, par le même arrêté, autorisât d'employer

la force pour les contenir.

Telle est la demande respectueuse et pressante de la ville de Vesoul, représentée par les membres du comité qu'elle a nommés pour pourvoir à la sûreté publique.

Signé, le comte de SCHOMBERT DE SALADIN; JACQUES DE Fleury, maire.

[ocr errors]

M. Pinelle, député de Franche-Comté. Je demande la parole pour faire part à l'Assemblée d'une adresse contenant le récit d'un événement affreuxqui est arrivé au château de Quincey. - Je voudrais pouvoir dérober à vos yeux le tableau effrayant de la catastrophe sanglante arrivée dans ce château; je frissonne d'horreur: j'ai à vous parler d'un forfait enfanté par la noirceur même; mais pour vous instruire des détails, je crois devoir vous lire le procès-verbal de la maréchaussée du lieu.

Nous, brigadier de maréchausséc, etc. certifions, etc. que nous nous sommes transportés à Quincey; que nous avons trouvé, auprès d'un homme mourant, M. le curé, qui nous a dit que M. de Memmay, seigneur de Quincey, avait fait annoncer à Vesoul, et aux troupes qui y sont en garnison, qu'à l'occasion de l'événement heureux auquel toute la nation prenait part, il traiterait tous ceux qui voudraient se rendre à son château, et leur donnerait une fête; mais que M. de Memmay s'était retiré, et avait dit que sa présence pourrait diminuer la gaîté de la fête, et avait prétexté pour ce, qu'il était protestant, noble et parlementaire. L'invitation de M. le parlementaire avait attiré une foule de personnes, tant citoyens que soldats, qu'on avait conduits à quelque distance du château; que pendant qu'on se livrait à la joie et à la gaîté, on avait mis le feu à une mêche qui allait aboutir à une mine creusée dans l'endroit où le peuple était à se divertir; qu'au bruit de l'explosion, ils s'étaient transportés au château, qu'ils avaient vu des hommes flottans dans leur sang, des cadavres épars et des membres palpitans ».

› Le procès-verbal est signé par le brigadier et par le lieutenant-général.

T. II.

11

Cette barbarie, exercée contre le droit des gens, ourdie par l'hypocrisie et la noirceur la plus abominable, a mis tout le pays en combustion. On s'est armé de toutes pièces, on s'est jeté sur les châteaux voisins; le peuple, qui ne connaît plus de frein lorsqu'il croit qu'on a mérité sa fureur, s'est porté et se porte encore aux derniers excès, a brûlé, saccagé les chartriers des seigneurs, les a contraints de renoncer à leurs droits, a détruit et démoli différens châteaux, incendié une abbaye de l'ordre de Cîtaux. Madame la baronne d'Andeleau n'a dû son salut qu'à une espèce de miracle.

Le corps municipal, présidé par M. le marquis de Jombert, a pris toutes les mesures que pouvait dicter la sagesse pour arrê ter les suites funestes d'une telle fermentation. Mais les moyens sont insuffisans dans une province comme la nôtre, où chaque village peut fournir huit à dix hommes, au moins, qui ont servi, et qui savent conséquemment manier les armes.]

SÉANCE DU LUNDI 27 JUILLET.

[M. le président dit qu'il s'est retiré hier devers le roi, pour lui exprimer le vœu de l'assemblée sur le crime affreux commis auprès de Vesoul; que sa majesté lui a répondu qu'elle partageait l'indignation générale, et qu'elle donnerait ordre à ses ambassadeurs dans les cours étrangères, d'empêcher qu'aucun asile fût accordé aux auteurs d'un si grand délit.

Ensuite M. le président annonce que M. de Montmorin lui a fait parvenir une lettre écrite par M. Necker. On fait lecture de cette lettre que nous transcrivons :

«Messieurs, sensiblement ému par de longues agitations, et considérant déjà de près le moment où il est temps de songer à la retraite du monde et des affaires, je me préparais à ne plus suivre que de mes voeux ardens le destin de la France et le bonheur d'une nation à laquelle je suis attaché par tant de liens, lorsque j'ai reçu la lettre dont vous m'avez honoré. Il est hors de mon pouvoir, il est au-dessus de mes faibles moyens de répondre dignement à cette marque si précieuse de votre estime et de votre

« PreviousContinue »