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Adoption 264 voix contre 14.

Nous n'insisterons pas sur l'engagement pris par M. de Salles de voter la réforme électorale et la réforme parlementaire renfermées dans de « sages limites; » avec ce mot restrictif, il n'est pas une proposition de réforme électorale, ou de réforme parlementaire, que M. de Salles ne puisse rejeter. Nous nous bornerons à faire remarquer que l'utilité, la nécessité de ces réformes est admise par un des membres les plus fervents de la majorité.

Quant au fameux ordre du jour motivé, proposé par M. de Morny, il n'était pas exact de dire que la Chambre n'eût pas d'autre alternative que de l'adopter. Elle pouvait voter l'ordre du jour pur et simple; rien ne forçait la majorité de se déclarer satisfaite.

Cette dernière raison donnée par M. de Salles à ses électeurs pour se justifier ne vaut donc pas mieux que la première, donnée pour expliquer comment, par sollicitude pour la situation du Trésor, il a voté contre la réduction de la taxe des lettres et pour la réduction de l'impôt du sel.

Si l'exemple que nous venons de citer ne suffit pas à désabuser le Journal des Débats, nous tenons en réserve plus d'un autre fait de nature à lui prouver que, s'il représente plus fidèlement que la Presse la majorité dans la Chambre, la Presse représente plus fidèlement que lui la majorité dans le pays.

Devant ses électeurs, quel langage le général de Salles a-t-il tenu? Comment s'est-il exprimé?

Comme le Journal des Débats, qui a combattu la réduction de la taxe des lettres, la réduction de la taxe du sel, la réforme électorale, la réforme parlementaire? - Non.

Comme la Presse, qui a appuyé ces quatre mesures? Oui.

Qu'est-ce que cela prouve?

Cela prouve que si le Journal des Débats est le drapeau sous lequel on se place après l'élection, la Presse est celui sous lequel on se range avant.

Avis pour les prochaines élections générales, à moins que la Presse, ce que nous craignons, ne soit à cette époque laissée loin en arrière par le mouvement de l'opinion qui se prononce chaque jour plus fortement.

La pente de l'optimisme est si rapide!

1846.

ROBERT PEEL.

Je voudrais pouvoir rendre ce pays heureux, et qu'éloigné de la cour, sans appui, sans crédit, l'herba crût jusque dans mes cours. "

COLBERT. 1666.

"Le soulagement des hommes qui souffrent est lo devoir de tous et l'affaire de tous. "

TURGOT. 1775.

"Je n'ai pas d'autre intérêt à la réussite de ce plan que de penser qu'il peut conduire au maintien des sentiments de concorde entre les différentes classes de la Bociété, et qu'il doit donner de nouvelles garanties à la paix intérieure, en augmentant le bien-être et en améliorant la condition de la plus grande partie du peuple." ROBERT PELL. 1846.

1.

27 janvier 1846.

Traitre!... Appelez ainsi ce ministre vraiment conservateur qui vient de faire entendre à la tribune britannique ces mémorables paroles dont la sincérité fait la noblesse : « Je ne désire pas être ministre d'Angleterre, mais aussi >> longtemps que je le serai je prétends l'être librement et » sans relever servilement de qui que ce soit... Si le pou» voir a quelque valeur, c'est à cause des occasions qu'il offre de rendre des services publics. Voilà ce qui constitue Dla véritable valeur du pouvoir ! »

Dites « que c'est une union de mauvais aloi que celle » qui repose sur la nécessité; » — dites « que depuis qua>> tre ans qu'ils ont remis sir Robert Peel au pouvoir, les to

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»ries marchent de déception en déception; » - dites « que » Robert Peel ne cherche pas d'autre relation entre lui et » son parti que celle de la crainte; qu'il dédaigne et raille. » à plaisir ces instincts sympathiques qui sont un fonde» ment d'alliance plus puissant que la force; » dites qu'il met une sorte d'affectation à faire parade de son pou» voir et à traîner après lui sa majorité récalcitrante à la » façon des triomphateurs antiques; » dites enfin «< que » le fiel s'amasse dans les cœurs ulcérés, et que les tories, » bafoués et comparés publiquement à des chiens savants » qui exécutent leurs évolutions sous le fouet du maître, attendent impatiemment le jour où ils pourront se» couer leurs chaînes (1); >> raillez-le, racontez qu'il a volé « les habits des whigs pendant que ceux-ci étaient au » bain; comparez-le à « ce grand amiral du sultan Mah» moud qui, mis à la tête d'une flotte pour aller combattre » celle du vice-roi d'Egypte, passa du côté de ce dernier, » et des deux flottes ennemies n'en fit plus qu'une seule >> ralliée sous le même pavillon; » entassez enfin accusations sur accusations, railleries sur railleries, insultes sur insultes, vous ne ferez qu'élever l'homme d'État, vraiment digne de ce nom, que vous tentez vainement d'abaisser! Là où vous ne voyez qu'un traître à son parti, l'affaiblissant, l'avilissant, «livrant à ses ennemis héréditaires chacun de ses » intérêts, chacune de ses traditions (2), » nous voyons, nous, le sauveur de son parti, en comprenant les intérêts mieux que lui-même, éloignant par d'utiles et d'opportunes réformes de terribles et d'inévitables révolutions! Que n'avons-nous, en France, à la tête du parti conservateur un tel homme! Que M. Guizot, doué de cette double supériorité qu'il possède, à un si haut degré, d'orateur et d'historien, n'a-t-il donc été tenté d'être cet homme! Quelle belle page Faute ur de l'Histoire de la civilisation pouvait lui-même occuper dans l'histoire! Quel grand et noble rôle il pouvait

(1) Journal des Débats. 26 janvier 1846.

(2) Journal des Débats.

jouer! Pourquoi n'a-t-il pas voulu, pourquoi n'a-t-il pas su le remplir? Faut-il le dire? C'est qu'en lui le caractère n'est pas à la hauteur du talent, c'est alors qu'on pousse jusqu'à l'excès l'usage de tout convertir en maximes, idées. fausses, idées justes, idées spécieuses, idées du lendemain contredisant celles de la veille, on finit par n'avoir plus aucune conviction : or, les convictions sont à l'homme d'État ce qu'est le combustible aux machines à feu, la force qui les met en mouvement. Point de convictions, point de force; point de force, point de mouvement, point d'initiative! Ainsi s'explique l'immobilité de la politique à laquelle M. Guizot a attaché son nom; ainsi s'explique comment le ministre perd en entrant dans le cabinet toute la force que l'orateur gagne en montant à la tribune. A peine en est-il descendu qu'il ressemble à la locomotive, incapable, dès qu'elle est refroidie, de se mouvoir par elle-même, si parfaite, si admirable, si puissante qu'elle soit. Dans M. Guizot, il n'y a qu'un homme : — l'homme de tribune éminent; dans sir ́ Robert Peel, il y a deux hommes, également supérieurs : l'homme de tribune et l'homme d'État. Pour M. Guizot, la majorité dans le Parlement est le but; il ne voit pas au-delà! Pour sir Robert Peel, la majorité dans le Parlement n'est que le moyen; ses regards s'étendent sur le pays tout entier, et ne craignent pas d'interroger la postérité. M. Guizot est chef du parti conservateur au même titre que M. Barrot est chef de la gauche dynastique, à la condition, l'un et l'autre, de recevoir la loi de leurs amis, non de la leur imposer; d'obéir, non de commander. Il en est autrement de sir Robert Peel. Il n'obéit pas, il commande; il ne prend pas le mot d'ordre, il le donne. Écoutez dans quels termes il s'est exprimé avant de descendre de la tribune: «Je n'estime pas le pou» voir parce qu'il donne le privilége de conférer des faveurs » et d'exercer un grand patronage... Gouverner est une tâ» che aussi ardue que délicate; il faut assurer l'action >> harmonique et combinée de la monarchie, de l'aristocra» tie et d'une Chambre des communes réformée; tel est le >> but que nous nous sommes proposé, but essentiellement et

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