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tère serait de 35 voix, en admettant que cette proportion ne soit pas modifiée par le concours des 104 absents.

Dans les circonstances où nous sommes, qui peuvent être décisives pour l'avenir, il importe que toutes les situations se dessinent, que toutes les convictions se manifestent, que toutes les dissidences s'ajournent, que toutes les nuances s'effacent, qu'il n'y ait plus que deux couleurs et deux drapeaux :

Optimisme!
Opposition!

1847.

LE DERNIER JOUR DE L'AN 1847.

31 décembre 1847.

Ce sera demain le premier jour de l'an. Que M. Sauzet reçoive ici l'expression de tous nos voeux! Nous lui souhaitons une Chambre tranquille, qui ne mette pas à l'épreuve «ses qualités, qui, si l'on en croit le Journal des Débats, le rendent peu propre à dominer l'orage! » L'opposition, nous l'espérons, n'aura pas l'indélicatesse d'abuser de cet aveu vraiment perfide du Journal des Débats : « Quand la tem» pête éclate, personne n'en est plus surpris et plus ému » que lui (M. Sauzet). »

M. Sapey est le président d'âge de la Chambre; il n'appartient pas aux rangs de l'opposition; à ce double titre, le discours qu'il a prononcé avant de descendre du fauteuil de la présidence, et les avertissements de sa vieille expérience méritent qu'on s'y arrête.

On ne saurait parler à la fois avec plus de fermeté et de sagesse, et résumer en moins de mots l'opinion du pays sur le pouvoir et sur les partis.

Oui, c'est bien là l'opinion du pays qui veut sincèrement le maintien de ses institutions, mais qui, par cela même, en veut aussi le constant développement.

« Dans l'état où sont les esprits en France, la marche du » gouvernement représentatif ne pourrait s'arrêter sans » danger... C'est en vain que vous chercheriez sa durée dans » l'immobilité, vous ne l'y trouveriez pas. »

Ces paroles du doyen de la Chambre, de son président d'âge, seront-elles plus écoutées que ne l'ont été les nôtres ? Nous entendons 195 voix qui nous répondent : Non.

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1847.

ABD-EL-KADER.

I.

1 janvier 1848.

Que répétions-nous depuis six ans en toute occasion? Nous disions que c'était à dessein qu'on avait grandi Abdel-Kader, afin de motiver devant les Chambres des demandes de crédit véritablement folles, et devant l'armée des avancements véritablement scandaleux; que l'émir ne disposait que d'une poignée d'hommes à la poursuite desquels il suffirait de mettre un escadron vigoureusement monté, au lieu de faire marcher lourdement de lourdes colonnes d'infanterie; que rien ne serait plus facile, enfin, le jour où on le voudrait sincèrement, que de s'emparer d'Abd-elKader, que de le forcer à mettre bas les armes. Cette opinion était celle que nous avions entendu professer cent fois à M. le général Bugeaud, avant qu'il eût été appelé à remplacer le maréchal Vallée au gouvernement général de l'Algérie. Les faits viennent de prouver que cette opinion était juste, car il a suffi d'une démonstration un peu vigoureuse des troupes d'Abd-er-Rahman, de cet empereur que cependant on avait toujours dépeint comme si faible, manquant d'autorité et privé de ressources, pour faire en quelques mois ce que nous, la France, la grande nation, le peuple héroïque, n'avions pas fait en plusieurs années.

Placé dans cette alternative extrême, ou de livrer sa tête aux mains de l'empereur de Maroc, où de se jeter dans nos bras, qui s'étaient déjà si généreusement ouverts à BouMaza, Abd-el-Kader n'a pas hésité; il s'est rendu à S. A. R.

M. le duc d'Aumale, au camp de Nemours. Nous apprenons qu'embarqué le 25 décembre, à Oran, sur la frégate à vapeur l'Asmodée, il est arrivé à Toulon sous la conduite de M. le lieutenant-colonel de Beaufort, officier d'ordonnance de S. A. R. M. le duc d'Aumale.

Si peu glorieuse qu'eût été cette prise tardive, encore n'est-elle pas due à nos armes ! C'est un fait accablant pour le cabinet, car tout prétexte va lui être enlevé pour entretenir à Alger une armée de cent mille hommes, et ajourner plus longtemps la question de la colonisation sérieuse et sincère.

Abd-el-Kader prisonnier, une récolte suffisante, nulle émeute, aucun trouble, une majorité compacte, considérable... décidément, l'année commence mal pour le cabinet, dont l'existence est gravement menacée par son impuissance, que chaque jour rend ainsi plus manifeste.

Les cabinets forts vivent par les œuvres qu'ils accomplissent, les cabinets faibles ne subsistent que par les prétextes qu'ils imaginent.

II.

3 janvier 1848.

Nous n'avons rien à rétracter de ce que nous avons écrit à la hâte en apprenant l'arrivée d'Abd-el-Kader à Toulon. Après avoir lu les rapports officiels, plus fermement encore qu'avant d'en avoir pris connaissance, nous refusons hautement d'accorder à ce dénoûment, qui a traîné en longueur pendant tant d'années, l'importance d'un événement. Nous sommes, nous l'avouons, moins modestes que le Journal des Débats quand il s'agit de la puissance et de la gloire de notre pays, et nous ne triomphons pas humblement de si peu. Où donc est la gloire pour la France d'avoir été tenue en échec pendant si longtemps par le fils de Sid-el-Hadj-Mahiddin, par un jeune marabout de vingt-quatre ans, sans expérience de la guerre et sans armée, qui a eu tout à créer, tout à improviser, régiments

et discipline, matériel et ressources, lorsque rien ne nous manquait, ni l'expérience, ni l'argent, ni les armes, ni les soldats, ni les officiers? Où donc est la gloire pour la France de n'avoir réussi, après avoir versé tant de sang et dépensé un milliard, qu'à faire mettre en doute par l'Europe, non pas l'admirable courage des troupes, mais l'habileté de nos généraux? Où donc est la gloire pour la France que tant d'expéditions aient fini, non comme une guerre, par une bataille, mais comme une chasse, par une battue?

Le Journal des Débats est ivre de joie de la défaite d'Abdel-Kader. Tant de joie de sa part nous navre de tristesse. Nous nous disons : Pour qu'un tel résultat cause une telle ivresse aux hommes qui nous gouvernent, il faut ou que nous soyons bien dégénérés depuis trente ans, ou qu'ils n'aient pas en eux le moindre sentiment de la grandeur nationale!

La défaite d'Abd-el-Kader, par Abd-er-Rahman, un triomphe pour la France!... O mànes de Louis XIV et de Napoléon, pardonnez-leur!

Que ne font-ils donc chanter un Te Deum à Notre-Dame! Que n'ordonnent-ils donc l'interruption du deuil dans lequel est plongé la famille royale? Que n'illuminent-ils done les édifices publics? Que ne commandent-ils done aux glorieux canons des Invalides, aux canons de Montenotte, de Castiglione, d'Arcole, de Rivoli, de Montebello, de Marengo, d'Ulm, d'Austerlitz, d'léna, d'Eylau, de Friedland, de Wagram, de Smolensk, de la Moscowa, de Lutzen, etc., etc., de saluer, par une salve retentissante, la nouvelle de l'arrivée d'Abd-cl-Kader à Toulon?

L'article du Journal des Débats est tout un poème; il se termine par ce chant :

«Tel a été le résultat du traité de Tanger. Au lieu d'ac» cabler l'empereur après la bataille d'Isly, la France l'a » épargné; au lieu de le ruiner « pour payer notre gloire, » » comme on disait alors, la France lui a laissé ses trésors, et ces trésors nous ont plus servi dans les caisses » d'Abd-er-Rahman qu'ils ne l'auraient fait dans les nôtres,

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