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de la production sur la consommation, encombrement des ateliers et des marchés, difficulté de s'ouvrir de nouveaux débouchés, rivalité industrielle de l'Angleterre.

Il est un troisième écueil la régence à la mort du roi; il n'est pas au pouvoir des ministres d'éviter celui-ci ; mais il est en leur pouvoir de faire que les espérances qui s'ajournent à cette époque soient déçues.

Le moyen, c'est de ne pas ajourner eux-mêmes toutes les difficultés, toutes les questions.

On ne saurait jamais se préparer de trop loin aux événements. Plus la distance entre eux et la prévoyance est grande, et plus il est facile de gravir la pente par laquelle on s'élève à la hauteur d'où il est possible de les dominer.

1847.

LES ANNIVERSAIRES POLITIQUES..

29 juillet 1847.

Systématiquement opposée à la célébration de tous les anniversaires politiques quels qu'ils soient, quelque date qu'ils portent, celle du 21 janvier 1793 ou celle du 29 juillet 1830, parce que tout anniversaire politique, s'il est une victoire pour une opinion, est pour l'opinion contraire une défaite, et conséquemment un aliment qui tend à nourrir les haines politiques, entretenir les discordes civiles, la Presse n'a jamais fermé ses ateliers le 29 juillet, et a toujours paru le 30. Nous voyons aujourd'hui avec plaisir le Journal des Débats renoncer à l'anniversaire de la révolution de 1830, et suivre notre exemple. De la part de ce journal, ce fait a de l'importance, et ne doit pas passer inaperçu. Vienne maintenant un ministère qui soit à la hauteur de cette politique de pacification, grande politique ceHe-là! de cette politique habile et généreuse que nous avons constamment appelée de tous nos vœux, et qui, sous le ministère du 15 avril 1837, s'est laissée entrevoir derrière l'ordonnance d'amnistie et la restitution au culte de l'église Saint-Germain-l'Auxerrois, fermée par l'émeute; de cette politique à laquelle M. le duc d'Orléans a consacré dans son testament une admirable page dont l'histoire gardera fidèlement le souvenir; de cette politique, enfin, pour qui le maintien de l'ordre matériel n'est pas tout, pour qui le triomphe de l'ordre moral est aussi quelque chose, et qui place la Force entre la Raison et la Magnanimité!

Non, plus d'anniversaires politiques, plus ou moins pompeusement fêtés, plus ou moins sincèrement célébrés. Impolitiques sont toujours de telles manifestations, défis imprudents jetés à l'esprit de réaction! Mais aussi, avénement d'une politique nouvelle qui ne soit implacable à l'égard d'aucune erreur, injuste à l'égard d'aucune gloire, ingrate à l'égard d'aucun service, toujours, rationnelle et jamais inconséquente, qui sache pardonner à l'égarement de l'esprit de parti, et quand les portes des prisons ont été assez longtemps fermées, n'ait pas peur de les ouvrir; qui ne craigne pas d'abroger des lois de bannissement dont le maintien est un anachronisme et une faiblesse ! Comment l'histoire expliquera-t-elle que trente-deux ans après la chute de l'empire, un frère de l'empereur Napoléon, un blessé de Waterloo, ait été obligé d'implorer comme une grâce, par voie de pétition adressée aux Chambres législatives, la faveur de venir mourir en France, et cette grâce, encore, l'obtiendra-t-il ? N'estce pas un contre-sens que l'effigie de Henri IV sur la croix de la Légion-d'Honneur? N'est-ce pas un monument de pusillanimité que ce piédestal élevé au centre de la place du palais Bourbon, et qui attend depuis vingt ans la statue de l'auteur de la Charte de 1814? C'est à la même main à élever cette statue et à effacer ce contre-sens. Qui sait être juste et généreux n'a pas besoin d'être hypocrite et de paraître révolutionnaire. Il n'y a de révolutionnaires que les faibles!

1847.

PAS DE CONCESSIONS: DES CONVICTIONS.

« C'est surtout la faiblesse des convictions qui fait la faiblesse des conduites, car l'homme agit bien plus en vertu de ce qu'il pense que par tout autre mobile. " GUIZOT. Vie de Washington.

30 juillet 1847.

« La session n'a pas été bonne; la session prochaine, si » elle n'était pas meilleure, serait funeste! On attend, on a » le droit d'exiger du ministère, pour la session de 1848, » des plans mieux préparés, des réformes nécessaires, un » budget à l'abri de toute attaque fondée, la suppression » des abus. Qu'il sache bien ce qu'il doit CONCÉDER, et qu'il » ne concède que cela. » Ainsi s'exprime le Journal des Débats.

Que le Journal des Débats nous permette de l'en avertir; mais dans cet article il va plus loin que nous ne sommes jamais allé. Jamais nous n'avons conseillé au gouvernement une politique de concessions. Il est rare que les concessions ne soient pas des capitulations de principes, des transactions avec l'erreur, des primes données à de nouvelles et de plus impérieuses exigences, en d'autres termes des faiblesses presque toujours tardives, inutiles, funestes. Celui qui écrit ces lignes se souvient d'avoir terminé par ces mots une lettre qu'il adressait, le 14 février 1839, à M. de Lamartine: « Les idées radicales n'ont rien qui m'épou

vante; je ne m'effraie que des idées fausses, et surtout

>> des concessions qui sont des capitulations de principes. » C'est qu'il n'y a pas d'exemple que les concessions aient >> jamais sauvé une cause perdue. » Non, point de politique de concessions, nous n'en voulons pas; mais une politique de convictions: voilà ce que nous voulons, ce que nous avons toujours voulu.

Si le ministère actuel croit qu'il n'est pas juste que tout juré soit électeur, comme tout électeur est juré; si le ministère croit qu'il n'y a pas dans la Chambre des députés un trop grand nombre de fonctionnaires publics, s'il ne croit pas que la « limite » (1) soit dépassée, il ne faut pas qu'il laisse entamer la majorité qui le soutient; si le ministère croit que le système militaire en vigueur dans l'Algérie est le meilleur, il faut qu'il y persiste, il faut qu'il le défende, il faut qu'il le démontre, il ne faut pas qu'il l'abandonne; si le ministère croit que l'adoption de la taxe des lettres à 20 centimes est à la fois moins équitable et moins avantageuse que la conservation des zones, il faut qu'il ait le courage de son opinion; si le ministère croit que la réduction de l'impôt du sel ne sera ni économiquement, ni politiquement une bonne mesure, il faut qu'il se garde de tomber dans l'erreur commise en 1831, par M. Thiers, la réduction de l'impôt sur les boissons, erreur qui a coûté 30 milions de perte annuelle au Trésor, près d'un milliard en capital; si le ministère croit que la dépense de l'effectif militaire ne saurait être considérablement réduite, il faut qu'il la maintienne; si le ministère croit que son système politique est bon, il ne faut pas qu'il en change, etc., etc., etc.; dût-il plutôt se retirer! Encore une fois, pas de concessions, mais des convictions. Les concessions sont aux convictions ce qu'est la cendre éteinte au charbon ardent, sans lequel la vapeur n'existerait pas.

Les réformes, pour être fécondes, les réformes, pour n'être pas sans danger, veulent qu'on croie en elles. Qui les nie a raison de s'en défier!

(1) Expression de M. Duchâtel,

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