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de réforme électorale et notre proposition de rendre volontaire le service militaire par suite d'une nouvelle et facile constitution de l'armée, et vous verrez si c'est de nouveaux droits politiques que les populations sont avides!

Donnez à cette multitude de petits propriétaires qui n'ont qu'une pensée, celle d'agrandir leur champ, d'arrondir leur domaine, et qui s'imposent volontairement les privations les plus dures afin de pouvoir payer les intérêts des sommes que chaque acquisition qu'ils font les contraint d'emprunter, donnez-leur les moyens de se libérer plus facilement, prêtez-leur à un taux moins onéreux en associant le crédit public au crédit individuel, et si ce n'est pas dans cette voie nouvelle que sont la popularité, la force et la richesse, nous aurons tort et vous aurez raison. Aujourd'hui cette classe si nombreuse épargne et ne consomme pas; réformez le régime hypothécaire; de l'impôt faites la base de l'emprunt et la garantie du prêt, et cette classe, sans discontinuer d'épargner, consommera. Vous aurez découvert un peuple nouveau de consommateurs, qui, en même temps qu'il donnera à votre industrie et à votre commerce un essor nouveau, viendra encore accroître le produit de vos divers impôts.

Cent millions, c'est le moins que, dans nos idées, on puisse et doive réduire sur les dépenses du budget de la guerre, tout en élevant la solde de nos officiers et améliorant la solde du soldat. Ce qu'on pourrait faire avec cette somme annuelle, bien employée, serait immense!

Il y a des impôts qui ont le triple inconvénient d'être improductifs, vexatoires, illibéraux; on pourrait les supprimer.

Il y a des départements qui supportent proportionnellement des charges trop lourdes; la péréquation qu'ils sollicitent impatiemment pourrait s'opérer par voie de dégrève

ment.

Il y a des fonctions publiques qui sont insuffisamment rétribuées; on pourrait élever les traitements aussi haut que cela serait nécessaire pour acquérir le droit de choisir le meilleur personnel possible.

.

Il y a plusieurs applications économiques dont il serait. utile de tenter l'essai; on pourrait l'entreprendre.

L'instruction primaire pourrait être assimilée à la religion et à la justice, dont l'État supporte les frais, etc., etc.

Si nous revenons si souvent sur ce dernier point, c'est qu'à nos yeux la préface de toute bonne loi électorale est une bonne loi sur l'instruction populaire.

Que le Siècle se raille de nos idées, qu'il les appelle des « utopies, » nous ne raillons pas les siennes, pour une excellente raison que nous croyons superflu d'expliquer. Ce que nous tenons à prouver, non pas à ses lecteurs, mais aux nôtres, c'est que, lorsque nous poussons le dédain pour les prétendues réformes qui composent le programme de l'opposition jusqu'à les considérer comme fort peu dangereuses, jusqu'à admettre les plus radicales comme presque insignifiantes, loin d'être en contradiction avec nous-mêmes, nous restons parfaitement conséquents avec tous nos antécédents et tous nos principes.

Mais que nos amis, à leur tour, ne nous accusent pas d'imprudence. L'expérience n'est-elle pas pour nous ? L'expérience n'est-elle pas toujours venue décevoir les espérances que l'opposition avait mises dans celles de ses propositions qu'elle a pu faire adopter? Par exemple, la loi qui a soumis à la réélection les députés promus à des fonctions publiques salariées, n'a-t-elle pas, de l'aveu même de l'opposition, trompé son attente? Avoir le crédit de se faire nommer à un poste important, n'est-ce pas, aujourd'hui, le plus sûr moyen de s'affermir dans son collège et de conquérir l'inamovibilité électorale?

Voici notre conclusion, dût-elle encore nous attirer les injures du Siècle :

Il ne faut pas laisser les hommes d'opposition s'emparer du pouvoir, parce que c'est un dépôt qu'on ne retrouve plus intact dans leurs mains, le jour où l'on veut le faire passer à d'autres moins faibles ou plus habiles; mais il ne faut pas non plus prendre trop d'ombrage des vieilles idées libérales ce sont des bulles de savon suspendues à un tuyau de

paille. Un peu d'air les gonfle; mais le plus léger contact les crève, il n'en reste rien. Elles n'existent que par le vide.

Un pays vaut ce que vaut une bonne administration; un peuple vaut ce que valent les hommes qui le gouvernent.

III.

9 octobre 1843.

L'article dans lequel nous avons montré quelles étaient les véritables causes de la faiblesse et de la division de l'opposition a vivement ému ses divers organes.

Que l'opposition doive préparer les voies de l'avenir, ce n'est certes pas nous qui lui avons jamais contesté et qui lui contesterons ce droit. Ce que nous avons dit et ce que nous allons encore répéter, c'est que la réforme électorale et la réforme parlementaire ne sont pas les voies de l'avenir, mais les ornières du passé, des ornières à travers champs, labourant l'espace et n'aboutissant à aucun but. L'opposition, en les suivant, se condamne à de vains efforts et à l'immobilité! En effet, depuis douze ans qu'elle sue sang et eau pour faire avancer le gouvernement et le pays, leur a-t-elle fait faire un seul pas en avant dans la direction où elle aurait voulu les conduire? Toutes ces propositions, et nous ne parlons pas de celles mort-nées, mais seulement des plus robustes, ne sont-elles pas venues successivement expirer de langueur et d'étisie, au pied de la tribune, désavouées par leurs propres auteurs, sans même en excepter celle à laquelle, dans la session dernière, M. Odilon Barrot ne craignit pas d'attacher son nom? Ses amis, si nous avons bonne mémoire, ne furent-ils pas les premiers à en décliner la solidarité, à dire de cette proposition qu'elle avait été trop légèrement ébauchée, qu'elle manquait de maturité? La lecture n'en fut pas même autorisée. Qu'est-ce que c'est donc qu'un parti à qui dix années ne suffisent point pour donner à ce qu'il appelle << ses » idées,» un peu de précision, et qui, dès qu'il veut faire acte de virilité, n'aboutit qu'à faire preuve d'impuissance?

La grand erreur de l'opposition dynastique, dont on peut dire avec vérité que M. Odilon Barrot est moins le chef que le grand sacrificateur, c'est d'avoir confondu deux époques qui n'avaient rien de commun. Jusqu'où peut conduire un anachronisme! L'opposition se croit encore à cette époque de la restauration où une minorité imperceptible pouvait s'écrier qu'elle avait derrière elle la nation tout entière. Erreur, illusion! Désabuser l'opposition, lui dire la vérité, ce sera lui rendre service; nous la disons bien au gouvernement, pourquoi donc ne la dirions-nous pas à l'opposition, avec une égale liberté, avec une égale bonne foi? L'opposition est-elle donc infaillible ou privilégiée, et là où flotte son drapeau, le droit de discussion ne peut-il pénétrer et doit-il reculer? Non, nous ne sommes plus au temps qu'on rappelle; ce temps est passé, il ne reviendra pas. La révolution de 1830 a placé sur le trône une dynastie nouvelle; effacé le préambule et l'article XIV de la charte octroyée; repris le drapeau de l'empire; aboli l'hérédité de la pairie; abaissé à 500 fr. au lieu de 1,000, et à 30 ans au lieu de 40 le cens et l'âge des éligibles; abaissé à 200 fr. au lieu de 500, et à 25 ans au lieu de 30 le cens et l'àge des électeurs; reconnu à la Chambre des députés le droit de nommer son président, et aux électeurs le droit d'élire les présidents de leurs colléges; étendu aux deux Chambres le droit d'initiative, dont le roi jouissait exclusivement; soumis à la réélection les députés promus à des fonctions publiques; supprimé l'article qui déclarait la religion catholique la religion de l'État; interdit le rétablissement de la censure; restitué au jury le jugement des délits de la presse et des délits politiques; donné aux communes et aux départements une représentation si large qu'on pourrait lui reprocher d'admettre trop facilement lignorance, etc., etc. Voilà ce que l'opposition a le tort d'oublier! Et ce tort fait qu'elle s'attache à demander de vaines réformes politiques dont le pays ne se soucie nullement, au lieu d'insister pour obtenir d'utiles réformes économiques, fiscales et administratives, après lesquelles aspirent tous

les contribuables, réformes qui donneraient à la France, à son agriculture, à son industrie, à son commerce, à son crédit et par suite à sa politique extérieure une vie nouvelle, une force décuple! Parler de défendre encore la Charte comme au temps de M. de Villèle, quand personne ne songe à l'attaquer, c'est se jeter dans l'absurde et le ridicule, c'est donner l'explication du discrédit dans lequel les exagérations de l'opposition l'ont fait tomber. Nous avons dit que le vieux terrain libéral n'existait plus; tout le démontre. La Chambre des députés doit se renouveler intégralement tous les cinq ans. Or, jamais, depuis 1830, le gouvernement n'a attendu qu'une législature eût accompli son terme; il l'a toujours devancé, usant de son droit de dissolution, en usant presque jusqu'à l'abus. Cinq élections générales ont eu lieu en douze ans ! Si le pays, appelé si souvent à se prononcer et à exercer ses droits politiques, avait réellement souhaité une réforme électorale, croyez-vous qu'ayant tant d'occasions d'en manifester le désir, il n'en eût pas saisi au moins une? La réforme électorale, depuis si longtemps qu'elle est prônée par tous les journaux de l'opposition, a-t-elle gagné un pouce de terrain dans les colléges électoraux, conquis un suffrage de plus dans les deux Chambres? Il faut être aveugle pour ne pas voir que ce n'est pas sur ce point que se portent les préoccupations du pays; il ne se plaint pas que la liberté et l'égalité lui manquent; s'il se plaignait, ce serait plutôt du contraire. Où il souffre, c'est dans sa dignité, c'est dans son activité. Au dehors et au dedans, les affaires sont mal conduites; il le sait et il le sent. Les hommes qui le gou-vernent pensent trop rarement à lui, trop souvent à eux; il le voit. Ce besoin impérieux, insatiable, de rendre le peuple, dont on tient les destinées dans sa main, plus grand, plus heureux, plus illustre, ce besoin d'associer son nom au sien dans l'histoire, ce besoin de tous les instants qui fait seul les grands ministres, qui les assiége, les tourmente, les inspire et change pour eux en voluptés les fatigues et les veilles, ce besoin, il est clair qu'ils ne le ressen

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