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savoir que MM. le chancelier Pasquier, le duc de Broglie, le comte Molé, les trois anciens gardes des sceaux, MM. Barthe, Mérilhou et Persil, MM. le président comte Portalis, le président comte de Bastard, le président baron Zangiacomi, le président Boyer. le président baron Séguier, MM. Bérenger. Rossi. etc.; mais si, au contraire, la cɔndamnation a été déterminée par des considérations plus politiques que judiciaires, par des raisons d'État tirées, soit des excès de la presse radicale, soit des dangers auxquels l'organisation des sociétés secrètes expose nos institutions, soit enfin de la nécessité de frapper un coup qui impressionne vivement les esprits. et rende de la force au sens moral affaibli, quel que grand que soit le respect que commandent les noms éminents que nous venons de citer, quelque douleur que nous éprouviens à nous séparer, en cette circonstance, de la pairie, qui nous a toujours trouvés les premiers à la défendre contre toutes les attaques injustes, nous ne manquerons pas aux grands principes que nous avons constamment professés; nous saurons avoir, même contre elle, le courage de notre opinion; nous persisterons aujourd'hui comme hier à soutenir que s'il est une vérité immuable, sacrée, tutélaire, c'est que la politique ne doit jamais intervenir dans les décisions de la justice. La société a d'autre moyen de se défendre; quand elle croit n'avoir plus que celui-ci pour se sauver, elle est perdue!

V.

30 juillet 1846.

Deux attentats en moins de quatre mois! l'un le 16 avril 1846, l'autre le 29 juillet!

Ce dernier, commis hier dans le jardin des Tuileries, contre la personne du roi, est l'acte d'un insensé. L'homme qui en est l'auteur échappe à l'indignation par le mépris. On ne peut expliquer cette entreprise sauvage que par la raison qu'il en a donnée lui-même : il était las de la vie, et, décidé à en finir, il a préféré un dénoûment tragique et écla

tant à un suicide obscur et ignoré. Cette explication serait une nouvelle preuve qu'avec des misérables de cette espèce il y a peut-être danger à entourer de formes trop solennelles les jugements qui ont pour résultat de les retrancher du sein de la société. Le désir de jouer un rôle est quelquefois si vif pour certaines natures dépravées, qu'elles acceptent, faute d'autres, le rôle le plus infâme et le plus odieux. Un mauvais sujet perdu de honte et de débauche, réduit à terminer au fond de la Seine une vie inutile à tous et onéreuse à lui-même, peut se laisser tenter par cette abominable célébrité qu'on s'applique trop généralement à faire aux meurtriers qui tirent sur le roi. Peut-être vaudrait-il mieux qu'un châtiment prompt, vulgaire, dépourvu de tout appareil préalable, leur enlevat jusqu'à la détestable satisfaction qu'ils ambitionnent. C'est ainsi que les choses se passent en Angleterre et en Allemagne, et le retour de ces affreuses tentatives y est beaucoup moins fréquent que chez nous.

Mais la cour des pairs est déjà saisie; nous ne pousserons pas plus loin des réflexions qui ne sauraient désormais empêcher l'instruction de suivre sa marche accoutumée. C'est dire assez que nous ne chercherons en aucune manière à nous faire d'un attentat odieux une arme électorale. Non, l'ardeur de la lutte ne nous fera jamais sortir des bornes de la modération et de la justice. Nous nous sentons assez forts contre ceux que nous combattons sans avoir à recourir à de pareils moyens d'attaque. Il y a trois mois, au moment de l'attentat du 16 avril, nous avons protesté contre la tactique de ceux qui n'y ont vu qu'un supplément à leur polémique. On ne nous verra point faire pour notre compte ce que nous avons blâmé chez les autres. Et d'ailleurs avonsnous besoin de les imiter? Le parti conservateur, précisément parce qu'il a une force réelle, peut mieux que tout autre se dispenser de chercher la victoire dans des expédients étrangers à ses principes. Le pays, par des manifestations non équivoques, a montré qu'il comprenait ces principes et qu'il s'y associait chaque jour davantage. Le pays,

pour en être complétement satisfait, ne leur demande qu'un peu plus de fécondité, et tout annonce, tant de la ́part du gouvernement que de la majorité qui va sortir de l'urne électorale, une résolution formelle de faire produire aux principes conservateurs tout ce qu'ils peuvent produire pour l'amélioration matérielle et morale de la société. Ce n'est pas quand les élections se font sous de pareils auspices qu'il peut y avoir utilité à réveiller de vieilles passions, ou à exploiter contre l'opposition un événement auquel, nous en sommes convaincus, toutes ses nuances, même les plus extrêmes, sont complétement étrangères.

Pour nous, telle sera notre règle de conduite. L'attentat d'hier ne changera rien à notre langage. Nous ne chercherons pas à arracher à la peur électorale des votes que nous attendons avec confiance de la raison publique, et qui n'auront de valeur sérieuse qu'en émanant d'elle. L'attentat d'hier est assurément déplorable sous tous les rapports: il est déplorable parce qu'il renouvelle, au milieu même des acclamations d'une fête, les angoisses de la famille royale déjà si souvent éprouvée; il est déplorable, parce qu'il donne la mesure de la perversité qui a pénétré chez des individus à côté desquels nous vivons tous; il est déplorable, parce qu'il peut ranimer et entretenir encore en Europe ces préventions qui ont tant paralysé l'action extérieure de notre politique. Mais il est surtout déplorable, au point de vue de la lutte actuelle, en ce qu'il peut fournir à l'opposition battue un moyen d'expliquer sa défaite. Il est évident qu'à l'heure qu'il est, tous les résultats de la bataille électorale sont incommutables. Les débats sont clos devant le public, et si la sentence n'est pas encore prononcée, on peut dire du moins qu'aucun incident étranger n'en saurait changer le caractère, Cependant, tenez ceci pour certain si, comme tout l'indique, l'opposition est vaincue, elle ne manquera pas d'attribuer cet échec à la contrainte morale que l'attentat des Tuileries aura exercée sur l'esprit des électeurs effrayés. Elle soutiendra que le pistolet de l'assassin a seul fait pencher la balance contre

elle, et qu'il n'y a pas eu ce que les Anglais appellent fair trial. L'opposition aura tort elle se prévaudra d'une circonstance qui n'aura évidemment rien changé au fond des choses; elle exploitera à sa façon un événement qui devrait rester en dehors de tous nos débats. Mais il n'en est pas moins vrai qu'aux yeux de bien des gens crédules, elle aura l'air d'une victime immolée, plutôt que d'un athlète terrassé.

1843.

L'OPPOSITION SYSTÉMATIQUE.

I.

6 octobre 1843.

Jamais l'opposition parlementaire ne parut plus faible qu'en ce moment; c'est un fait qui frappe tous les regards et qui ne trouve plus un seul contradicteur; ce fait a-t-il pour cause l'avènement de la « grande politique » qui nous avait été annoncée, les efforts heureux d'une habile et vigoureuse administration, animée de la ferme volonté du bien, ardente à poursuivre tous les abus, à réaliser toutes les améliorations? — C'est ce que nous n'oserions pas affirmer; c'est ce qu'il nous est difficile de croire lorsque nous jetons les yeux autour de nous et que nous voyons comment se font de toutes parts les affaires du pays : sans idées, sans conscience, sans dévoûment, sans esprit de suite; ce qui fait la force du gouvernement, c'est la faiblesse de l'opposition; mais ce qui fait la faiblesse de l'opposition, ce n'est certes pas la force du gouvernement; quoi qu'il en soit, la faiblesse de l'opposition n'en existe pas meins; voici à quelles causes l'attribue M. de Lamartine :

« Quel est aujourd'hui le mal de la France? Quelle est la » cause de cet engourdissement pendant lequel on sape la » conscience publique par la corruption, pendant qu'on » élève des forteresses autour du siége de la représenta

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