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la police, p. 2), qui a passé des Grecs aux Romains, est parvenu jusqu'à nous dans cette même signification; mais comme il renferme toutes les différentes formes de gouvernements, qu'il y a plusieurs espèces, il est équivoque. On le prend quelquefois pour le gouvernement général de tous les États, sous quelque forme qu'il soit étab; d'autres fois il signifie le gouvernement de chaque État particulier. Mais ordinairement, dans un sens plus limité, il se prend pour l'ordre public de chaque ville, et l'usage l'a tellement attaché à cette signification, que toutes les fois qu'il est prononcé absolument et sans suite, il n'est entendu que dans ce dernier sens. » Les jurisconsultes Loyseau et Bacquet le restreignent à l'idée de règlements faits pour une ville. Un publiciste, Lebret (De la souveraineté du roi, liv. 4, chap. 4), disait plus largement: «J'ap lle police les lois et les ordonnances que l'on a, de tous temps, publiées dans les États bien ordonnés, pour régler l'économie des vivres, retrancher les abus et les monopoles du commerce et des arts, empêcher la corruption des mœurs, retrancher le luxe, et bannir des villes les jeux illicites, ce qui a mérité ce nom particulier de police.., d'autant qu'il se ait impossible qu'aucune cité put longtemps subsister si s choses y étaient négligées. »

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On donne quelquefois le nom de police aux autorités chargées de l'exercer; on dit la police a prescrit telle mesure, a commis tel acte.

Enfin, par un abus regrettable, préjugés, explicables mais injustes, réduisent l'expression police aux mesures gênantes que l'autorité, à tort ou à raison, peut être amence à prendre, et aux agents d'ordre inférieur, dont le ministère secret est une des tristes nécessités des grandes villes et des sociétés avancées dans leur développement.

3. En prenant à chacune de ces diverses définitions, excepté la dernière, ce qu'elle a d'exact, on peut dire que la police est l'ensemble des lois, actes, mesures de l'autorité qui, dans tout le pays ou da is une partie du territoire, ont pour objet, à l'aide de fonctionnaires ou agents compétents, de maintenir la tranquillité et la sécurité de l'État, de protéger la liberté des cultes, la sûreté des personnes et des propriétés publiques ou privées, de surveiller les mœurs, d'assurer la salubrité pulique et les subsistances, de régler, dans l'intérêt général, l'exer de l'industrie et du commerc de rechercher et constater les infractions, afin d'en livrer les auteurs aux tribunaux chargés de punir.

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On voit par là toute l'étendue de cette branche importante de la législation et de l'administration.

4. Si l'on veut grouper en catégories les innombrables étails dont la police s'occupe, on peut les ranger presque tous tans les divisions suivantes, établies par M. ock (Dict. de l'administr. française, v POLICE no 4): police' politique, police des cultes, police des mœurs, police sanitaire, police de sécurité personnelle, police des subsistances, police rurale et forestière, police industrielle et commerciale, police de la voirie, police judiciaire. Delamarre, Traité de la police, liv. I, tit. 4er, n'établit pas le premier départ de la police selon les objets auxquels elle s'applique; il se borne à énumérer ces objets de la manière suivante: «La police, selon nous, est toute renfermée dans ces onze parties: la religion, la discipline des mœurs, la sé, les vivres, la sûreté et la tranquillité publique, la voirie, les sciences et les arts libéraux, le commerce, les manufactures et les arts mécaniques, les serviteurs domestiques, les manouvriers et les pauvres. » Cette énumération donne le pian de tout le livre du savant commissaire au Chatelet. « La division par matières, dit M. Block, n'est jamais entrée complètement dans la pratique, car bien des attributions qui se rattachent en réalité à la police, sont classées sous un autre nom, surtout quand le fonctionnaire qui les exerce n'est pas un agent de police proprement dit. » Ajoutons, à l'appui de cette judicieuse observation, qu'il est extrêmement difficile d'établir une › classification tranchée des mares qui forment le domaine de la police, matières dont la quantité) peut s'augmenter avec les innovations produites par les progrès du temps, par exemple pour tout ce qui concerne les chemins de fer, et dont un nombre assez considérable peuvent, ou par elles-mêmes, ou par la manière dont chacun les envisage, appartenir à plusieurs ordres d'idées; de là des embarras pour les recherches de ceux qui étudient, des nécessités de répétitions désagréables ou fastidieuses.

5. J'expliquerai bientôt la division que j'ai cru devoir adopter. Auparavant, je dois dire quelques mots des autorités auxquelles, en général, les pouvoirs de police sont confiés.

Il ne sera question ici que de la France. Un des caractères, on pourrait dire un des vices les plus saillants de l'ancienne organisation des pouvoirs publics c'était la confusion des fonctions administratives avec les attbutions judiciaires. Les baillis et sénéchaux, juges et administrateurs, disputèrent, pendant le byen âge, la police aux prévôts; l'édit de Crémieux, de juin 1536, la

confia à ces derniers, en réservant certains droits aux baillis, sénéchaux, maires, échevins et consuls. Des conflits s'élevèrent entre les prévôts et les juges royaux et seigneuriaux ; à ce sujet intervient l'édit de février 1566, le règlement du 4 février et les lettres-patentes du 23 mars 67; ces différents actes furent rappelés, confirmés et développes par l'édit de janvier 1572 et par le règlement général du 24 novembre 1577. Louis XIV fit remanier, dans le sens de la centralisation, l'administration de la police, comme d'autres parties des services publics et de la législation. L'édit d'octobre 4699 créa les lieutenants généraux de police pour les provinces; un édit de novembre de la même année établit divers officiers de police. Des règlements ultérieurs ont maintenu les fonctions et prérogatives de ces fonctionnaires. (Delamarre, liv. Ier, tit. 5, chap. 5.)

6. Paris, comme de nos jours, avait une organisation de police toute spéciale. Dans les temps reculés, le prévôt de Paris était seul magistrat de police en première instance; le Parlement avait sur lui la haute juridiction, et il exerçait fréquemment le pouvoir réglementaire dans les matières de police. Depuis le commercement du seizième siècle, le prévôt cessa de rendre la justice et d'exercer la police en personne; il en résulta une concurrence et des contestations, malheureuses pour l'ordre public, entre son lieutenant civil et son lieutenant criminel. Un arrêt du Parlement du 42 mars 4630 ordonna que la police serait tenue par le lieutenant civil, et par le lieutenant cri seulement en cas d'empêchement. En vertu de cet article, le lieutenant civil fit, le 30 mars 1635, un règlement général sur la police de Paris. Louis XIV institua un conseil spécial pour s'occuper de cette police: le travail de la commission produisit l'arrêt du conseil du 5 novembre 4666, qui conserva au Chatelet, exclusivement aux autres juridictions, la police générale de Paris. En mars 1667 fut créé l'office de lieutenant de police de la ville, prévôté et vicomté de Paris. L'ancienne institution des commissaires au Chatelet fut conservée et dura jusqu'à la révolution de 1789; des commissaires de police avaient été établis dans les provinces sous Louis XIV.

7. Le nouveau régime que la France s'est donné en 1789 a renversé toute l'ancienne organisation de la police, en proclamant le principe de la séparation radicale de administration et de la justice; ce principe a été formulé ainsus l'art. 43, tit. 2 de la loi du 24 août 1790: les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. Par

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une exception qui dura peu, la même loi chargeait les assemblées municipales du pouvoir judiciaire en matière de police; la seule trace qui reste de cette sorte d'anomalie, c'est l'attribution conférée aux maires de juger certaines contraventions de police dans les communes où il n'y a pas de juge de paix (Cast. crim., art. 166 et suiv.). Il n'existe qu'un petit nombre de tribunaux tenus par les maires. La police proprement dite fut confiée, dans chaque commune, à la municipalité; les fonctions propres au pouvoir municipal, sous la surveillance et l'autorité des assemblées administratives, sont, dit-d'une manière générale la loi du 14 décembre 1789, faire jouir les habitants des avantages d'une bonne police. La loi ci-dessus citée du 16-24 août 1790 énumère, dans les art. 3 et 4, tit. 11, les différents objets de po confiés à la vigilance et à l'autorité du pouvoir municipal. loi du 48 juillet 1837 renvoie, quant aux objets des règlements municipaux, à cette énuméra on, et elle attribue, d'une manière générale, aux maires, la police rurale et la police municipale.

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L'administration des départements, organisée sous la forme collective, fut investie aussi de pouvoirs de police; on lit, en effet, dans la section 3 du décret du 22 décembre 1789 : les administrations de département sont chargées, sous l'autorité et l'inspection du roi, comme chef suprême de la nation et de l'administration, du royaume, de toutes les parties de cette administration, notamment de celles qui sont relatives... à la police des mendiants et vagabonds, à l'inspection des opitaux, établissements et ateliers de charité, prisons, maisons d'arrêt et de correction, à la surveillance de l'éducation publique et de l'enseignement politique et moral, à la conservation des propriétés publiques, au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques, au service et à l'emploi des milices ou gardes nationales.

8. Les assemblées administratives ont été remplacées, quant à l'action et à la police, par les préfets, en vertu de la loi du 28 pluviose an VIII. Pour Paris et plusieurs communes environnantes, la police a été attribuée à un préfet de police, sauf les actes réservés au préfet du département de la Seine. A une époque récente un partage des pouvoirs de police a été fait entre les maires et le préfet dans le departement du Rhône et dans les villes chefs-lieux dont la population excède, ,000 âmes.

9. Le but, l'objet, la vision fondamentale de la police se trouvent nettement déterminés par le Code de brumaire an IV. La police est instituée pour maintenir l'ordre public, la liberté, la

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propriété, la sûreté individuelle (art. 16). Elle se divise en police administrative et police judiciaire (art. 48). La police administrative a pour objet le maintien habituel de l'ordre public dans chaque lieu et dans chaque partie de l'administration générale. Elle tend principalement à prévenir délits (art. 19). La police judiciaire recherche les délits que la police administrative n'a pu empêcher de commettre, en rassemble les preuves, en livre les auteurs aux tribunaux chargés par la loi de les punir (art. 20).

Des deux parties si tranchées de la police, nous ne traiterons dans ce volume que de la police administrative.

10. On a vu, par les lois nouvelles que nous avons rappelées, que la police administrative a été, dès l'origine de la Révolution, attribuée aux assemblées départementales pour toute l'étendue du département, et aux muni alités sur le territoire de chaque commune. Des termes employés par ces lois, et de la répartition qu'elles font des pouvoirs de police, on est amené à tirer division de la police administrative en police générale et policè municipale. Toutes deux ont pour objet le maintien de l'ordre, la protection et le bien-être des populations. Toutes deux sont les délégations, entre les mains d'autorités désignées, d'une partie de la puissance nationale; elles diffèrent principalement par l'étendue du territoire sur lequel elles s'exercent, mais ne se distinguent pas, au fond, par leur essence.

Il importe de bien fixer ce dernier point. Dans ses attributions de police, le préfet agit bien évident comme le représentant du pouvoir central, dont il tient tous ses pouvoirs. En est-il de même du maire? Il faut distinguer: administrateur des intérêts de la commune, il peut être considéré comme le mandataire des habitants, comme leur homme d'affaires.

Lorsqu'il s'agit pour lui de l'exercice d'une portion de la puissance publique, d'une fonction relative à la liberté, à la sûreté, à la propriété des citoyens, et qui autorise ou nécessite des mesures restrictives des droits individuels, les habitants de la commune ne pourraient déléguer une pareille autorité, car elle ne leur appartient pas à eux-mêmes; la société entière a fait constitutionnellement le Gouvernement dépositaire de la force qui protége et garantit les droits, les existences et les intérêts des citoyens. Lors donc que le maire accomplits actes de police, il agit comme délégué du Gouvernement, sa compétence ne s'étend pas a delà des termes précis des lois spéciales qui la lui confèrent. Ainsi, quand on parle de police municipale (et la loi elle

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