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La commune de Ronssoy (1) est située sur un plateau assez élevé puisqu'elle se trouve à 142 mètres au-dessus du niveau de la mer. Non loin de là viennent mourir les dernières ramifications des collines peu élevées de Picardie et d'Artois.

Ronssoy est à une distance de sept kilomètres de Roisel, son chef-lieu de canton, à dix-neuf kilomètres de Péronne, à soixante-neuf d'Amiens et à cent cinquantedeux de Paris. Il compte, d'après le recensement de 1901, une population de 1.285 habitants.

Il est à peine visible aux regards du voyageur qui s'en approche, bâti, pour ainsi dire, au milieu des arbres. Seuls émergent au-dessus des cimes verdoyantes, le coq doré du clocher de l'église et la haute cheminée de l'ancienne sucrerie, remplacée depuis 1873 par une râperie dépendant de la fabrique de Sainte-Émilie, et située à l'extrémité sud du village, sur le chemin qui conduit à Templeux-le-Guérard.

(1) Ces pages sont extraites d'une monographie du bourg de Ronssoy qui a obtenu une mention honorable au Concours d'histoire locale de l'année 1902. - V. ci-dessus page 13.

La bonne viabilité contribue à l'accroissement des rapports et facilite les transactions, et le touriste, qui parcourt à pied le riche canton de Roisel, est frappé de l'active circulation des véhicules de toute sorte qui se croisent sur les routes et les chemins de terre. En effet, lorsqu'on arrive à Ronssoy, on ne peut s'empêcher d'admirer ses belles routes, les routes de France sont les plus belles du monde chaussées toujours parfaitement entretenues grâce à la sollicitude de la municipalité et à la vigilance de l'administration des Ponts et Chaussées.

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Quel est l'aspect du terrain avoisinant Ronssoy?

Le terroir se compose de plaines qui, à l'est, s'étendent au loin, jusque vers les hauteurs où commencent les terroirs d'Hargicourt et de Bony. Dans un vaste panorama, l'œil embrasse des champs de cultures variées où seules, des garennes le « Bois des Chats », proche de Lempire; le « Bosquet de la Folie »; le « Bois de Renelieu »>< la << Garenne Savreux », vers Hargicourt et Templeux, accrochent le regard.

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Au sud, la « Vallée Barbette » se profile jusqu'à Templeux-le-Guérard. Ailleurs, le sol, légèrement vallonné ou montueux, offre l'uniformité monotone, particulière au plat pays picard. Des routes et des chemins creux, tracés au milieu des champs, mènent aux villages voisins. Celle qui conduit à Bony, appelée « route de Gillemont », d'établissement récent, passe au hameau de ce nom. Entre la voie vicinale d'Hargicourt et la route de Saint-Quentin, sur laquelle s'élèvent, au sortir du village, les modernes constructions d'une brasserie, se trouve un chemin verdoyant et encaissé dit « Chemin des Cosaques », par lequel les alliés, en 1815, arrivèrent à Ronssoy.

Le terroir, en général, est peu giboyeux.

Sur les coteaux voisins, il n'y a pas bien longtemps, des

moulins tournaient encore leurs ailes à tous les vents; détruits, ils n'ont pas été remplacés. Quelques arbres, pommiers rabougris, noyers étiques, saules au tronc creux, épines isolées ombragent les routes, en été, de leur maigre feuillage.

Du côté du nord et de l'ouest, vers Epehy et VillersFaucon, le terroir est moins étendu; le « chemin de Villers », situé à peu de distance du bois, conduit, après avoir traversé une cavée et un léger encaissement, à une importante exploitation : la ferme et le hameau de SainteEmilie. L'aspect d'ensemble de ce côté ne diffère guère de l'autre, sauf que le sol est encore plus aplani. Du chemin d'Epehy, sur un terrain élevé, près de deux bouquets d'arbres, ceux de Malassise et de la Pauvrelle, dépendant des fermes proches du même nom, le regard découvre une étendue considérable de territoire se continuant, à perte de vue, vers le département du Nord. Entre Epehy et Ronssoy, mais plus près de ce dernier village, deux lignes de chemin de fer facilitent les transactions avec les villes voisines.

De quelque côté que la vue se porte, c'est la plaine qui apparaît, sous un ciel gris ou bleu, plus souvent gris que bleu, la plaine sans fin, verte au printemps, jaune en été, brune à l'automne, blanche et triste en hiver. Le paysage, plat et morne, n'a rien de remarquable, mais l'ensemble est d'une grandeur sereine et tranquille. Les environs de Ronssoy présentent comme aspect celui qu'on trouve partout dans ce pays intermédiaire qui s'étend entre la Picardie et la Flandre, la province voisine. Rien qui attire, arrête, retienne le regard: des plaines, riches et fertiles, à la condition de les bien cultiver et c'est le cas ici, mais jamais ingrates à la main qui les soigne.

J'en ai fini avec les champs. C'est au tour du village.

Les rues de Ronssoy sont assez semblables à celles des villages de la région, (car ceux-ci ont tous entre eux comme un air de famille) bordées de maisons au pignon pointų. Bâties en briques, parfois encore à la devanture en torchis, couvertes en chaume il en reste peu,

en pannes

rouges ou d'ardoises grisâtres, ces maisons ont une architecture peu variable. Cependant, depuis une cinquantaine d'années, elles tendent à se modifier par un souci plus grand de confortable, d'aération, avec une tendance à se construire de préférence, lorsque la situation du propriétaire le permet, en dure, comme on dit dans le pays.

Au passant qui leur accorde un regard, ces logis apparaissent riants et hospitaliers, et ils le sont en effet. Généralement précédés d'un jardinet propret, avec ses parterres de plantes sans prétention exhalant, dans l'air qu'elles parfument, leurs pénétrantes senteurs, chaque habitation possède une étable avec, soit des poules, soit des lapins, parfois une chèvre ou même un porc. Derrière la maison, jusqu'aux champs voisins, s'étend le potager auquel succède souvent un verger bien tenu.

Des haies de sureau débordant sur la chaussée ou d'épines taillées avec soin enclosent la petite propriété. Derrière elles ou au seuil des portes, il n'est pas rare de voir apparaître un visage aimable; d'une inclinaison de tête, l'on vous salue: la politesse est de règle dans le

pays.

Sur la chaussée passent rapidement le léger cabriolet de quelque fermier ou de quelque commerçant, le tilbury d'un vétérinaire, d'un médecin ou d'un notaire, ou encore la voiture du boulanger allant livrer le pain à ses clients, ou le boucher revenant d'une tournée : les ménagères faisant leurs courses quittent la chaussée pour les laisser passer, les enfants interrompent leurs jeux et s'enfuient

en criant. A l'époque de la moisson, ce sont les charrettes et les chariots grinçant sous le poids des gerbes dorées ; à l'automne, les lourds tombereaux et les pesants chariots surchargés de betteraves. Tantôt, ce sont les petits commerçants qui, lentement, vont de porte en porte, suivant les bas-côtés de la route: le coquetier qui, de ferme en ferme, fait sa provision d'œufs et de volailles; le marchand de légumes, le marchand de casquettes, un bazar ambulant, «<l' boutique à treize sous », vendant de tout. On n'en finirait pas si on voulait énumérer tout ce que l'on voit, tout ce que l'on entend, tout ce que l'on rencontre dans les rues d'un village picard, pourtant si calmes, soit dès l'aube des frais et clairs matins d'été, soit en plein midi, quand les attelages aux sonnailles joyeuses sont rentrés pour le repas du milieu du jour, ou aux dernières lueurs crépusculaires, quand, dans le ciel pacifique s'allument les premières étoiles.

Et je n'ai parlé ni du facteur qui, deux fois par jour, accomplit ponctuellement sa tournée, ni des gardes-champêtres qui, au retour des champs, font les courses administratives, ni des cantonniers qui, tout en travaillant sur la route, causent avec l'un et avec l'autre.

Et si je voulais montrer nos artisans chez eux : le charron, le menuisier, le maréchal-ferrant, le boulanger, le maçon, le charpentier, le couvreur, qui sais-je encore? j'en oublie sans doute, pour donner une idée complète d'un village à notre époque, je le répète, je n'en finirais pas.

En examinant plus attentivement la composition des différentes habitations qui composent la commune, on remarque, ici, la vitrine d'un épicier; plus loin, la boutique d'un marchand de nouveautés. Entre les logements des tisseurs s'ouvrent tout à coup les portes charretières

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