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la maison occupée par les sœurs étant exclusivement réservé à leur usage et à celui de leurs élèves, sera tout intérieur et aucune cérémonie publique ne pourra y avoir lieu. >>

Toutes difficultés ainsi aplanies, les sœurs continuèrent leur charitable mission: sous leur habile direction l'école et l'ouvroir devinrent de plus en plus prospères. « Dès 1847, dit le Journal de Saint-Quentin, 250 jeunes personnes du sexe y reçoivent une éducation parfaitement appropriée à leur position et à l'avenir qui les attend... Ces jeunes filles, dont on s'efforce de développer l'esprit en même temps que les plus âgées sont exercées à des travaux professionnels, promettent un jour à la Société des femmes vertueuses non moins que laborieuses... Si elles sont fidèles à suivre la voie des bons exemples qui leur sont donnés, elles peuvent espérer des jours meilleurs que la plupart de leurs devancières. »

Pendant qu'elles se dépensaient ainsi pour l'instruction et l'éducation, les Filles de Saint Vincent de Paul n'oubliaient pas la seconde partie de leur mission : « La Charité ». Les ressources leur manquaient pour subvenir à tous les besoins, pour soulager toutes les douleurs; dans leur ingénieuse et intelligente activité, elles organisent chaque année une loterie. Mais c'est surtout dans le rigoureux hiver de 1853-1854 qu'elles redoublent de zèle... La misère poursuit avec rigueur ses victimes et les maux qu'on veut guérir sont si nombreux que les saintes femmes. épuisent leurs ressources et leurs forces: le courage seul leur reste.

Le nombre des élèves augmentant toujours, le service religieux célébré dans une des salles de l'établissement devenait presque impossible à cause de l'affluence des assistants. C'est alors qu'un prêtre dévoué, l'abbé Lefèvre,

vicaire à la Collégiale et aumônier de la communauté, entreprit, aidé de personnes pieuses et charitables, de faire construire une chapelle en harmonie avec la dignité du culte. Le 8 novembre 1853, en présence du sous-préfet et de la municipalité, Sa Grandeur Mgr de Garsignies bénissait le nouveau sanctuaire.

Les années se passent dans le même dévouement et les mêmes efforts. En 1857, l'unique asile que possède la ville est confié à leurs soins; en 1863, est fondé définitivement la Société de Secours Mutuels de Saint-François-Xavier, dont la présidente est Madame la Supérieure. Nous arrivons ainsi à la fatale année 1870. On sait quelle tempête fut alors déchaînée sur notre patrie et quelles douloureuses blessures lui furent faites. Combien Saint-Quentin eut à souffrir, il est superflu de le redire. Alors encore les sœurs ne faillirent pas à leur vocation. Infatigables comme des mères, aimables commes des anges, elles déroulent et déchirent des bandes de toile, pansent d'effroyables plaies, soignent et encouragent les malades; elles vont au milieu de tant d'horreurs, douces en touchant les blessures, consolantes en parlant de Dieu. C'est le spectacle qui pendant de longs mois fut offert à notre ville. « De septembre 1870 au mois d'août 1871, elles ont spontanément prodigué aux cent blessés de l'ambulance Lebée (rue Wallon-Montigny) des soins aussi dévoués qu'intelligents, ayant pour chacun d'eux des paroles de consolation et d'encouragement. Elles ont fait l'admiration de toutes les personnes qui les ont vues à l'œuvre. On peut, sans crainte de se tromper, dire qu'elles ont contribué pour une très large part aux très nombreuses guérisons obtenues dans cette ambulance ». Pour témoigner sa gratitude le Comité des Ambulances fit don aux sœurs de trois verrières pour leur chapelle (1872).

Les temps devenus plus calmes permirent de réparer les ruines et d'ajouter de nouvelles œuvres aux anciennes. Héritières de Vincent de Paul, fondateur de l'Hospice des Enfants Trouvés, elles commencèrent, le 27 septembre 1873, l'œuvre de l'Orphelinat qui, sous le nom d'internat Saint-André, donne asile aujourd'hui encore à plus de cent enfants ou jeunes filles pauvres ou orphelines.

De nouvelles épreuves attendaient encore les sœurs. Le 26 août 1890 une décision de la Commission administrative du Bureau de Bienfaisance, sous le fallacieux prétexte de procurer aux indigents malades les soins des médecins « le plus rapidement possible, décida que le service des visites préalables par les soeurs serait supprimé et que, comme conséquence, le nombre des sœurs attachées au Bureau serait réduit à deux, à partir du 31 décembre 1890 ». - C'était « par une manœuvre contraire à l'intérêt des pauvres et à l'esprit des fondateurs », écrivait la Supérieure générale au vice-président du Bureau, détruire d'un trait de plume l'oeuvre que l'administration des Hospices avait si sagement rétablie en 1820, qu'elle avait consolidée dans sa séance du 5 novembre 1855; c'était une conséquence logique de la décision administrative qui, peu auparavant, sollicitant les mots du testament de demoiselle Marissal, avait déclaré que le légitime héritier était le bureau de la Charité (depuis de Bienfaisance) et non les sœurs de Charité, congrégation non reconnue, lors du décret de 1810, permettant l'acceptation. du legs; c'était priver les sœurs des fondations que la générosité chrétienne avait faites en leur faveur depuis plus de deux siècles. Afin que les pauvres n'aient pas trop à souffrir de cette mesure, le curé-archiprêtre de la Basilique, Mgr Mathieu, fit appel à la générosité de ses paroissiens pour continuer à servir le traitement des trois

sœurs laissées ainsi sans emploi, et leur permettre de visiter encore les pauvres et les malades.

Quinze ans ont passé, les sœurs de Saint Vincent ont dû abandonner aussi leurs classes, et leur mission n'a plus rien d'officiel. Seules trois d'entre elles demeurent au bureau de Bienfaisance comme économes et distributrices de médicaments et se partagent les appointements de 1.700 francs par an. Les autres s'adonnent aux œuvres privées de charité et de bienfaisance, visites des pauvres et des malades à domicile, direction de l'Orphelinat et de l'œuvre de la Persévérance pour la préservation des jeunes filles. Elles ont encore pour leur zèle et leur dévouement un champ des plus vastes et des plus féconds.

Abbé LEON DELORME.

LES VOIES ANTIQUES

DU VERMANDOIS

Les voies primitives peuvent se diviser en deux catégories les voies terrestres et les voies fluviales.

:

Les premières seules intéressent Saint-Quentin, car il paraît peu probable que la Somme ait jamais été navigable dans notre région, bien qu'il résulte d'études très sérieuses que le débit de ses eaux a baissé d'une façon très sensible, par suite, assure-t-on, de la mise en culture des terres de son bassin.

Les voies fluviales ont une position naturelle et fixe qu'on ne peut discuter et, sauf de rares exceptions, les fleuves et les rivières se retrouvent tels quels à des siècles d'intervalle. Il semblerait qu'il n'en est pas de même des voies terrestres; que celles-ci, étant toujours le fait de l'homme, doivent varier comme lui. En réalité, il n'en est pas ainsi. Si les hommes varient, fort peu d'ailleurs quant au fond, les lieux où ils vivent changent beaucoup moins et les raisons qui ont déterminé nos ancêtres à passer par tel ou tel endroit subsistent encore. Nos villes ne se sont pas fondées au hasard, suivant le caprice de leurs fondateurs; il y a eu des raisons de leur fondation, et tant que ces raisons subsistent, les villes se maintiennent et même se rétablissent après avoir en quelque sorte disparu.

Bien qu'il ne soit pas facile de trouver la raison d'être des choses qui existent, nous l'essaierons; nous nous

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