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charte et, pendant près de sept siècles, jusqu'à la Révolution, les moines de Saint-Jean demeurèrent, sauf diverses aliénations, seigneurs de Chalandry. Certes, cette possession ne fut pas toujours paisible et, bien souvent, les abbés de Saint-Jean eurent à souffrir de leurs avoués ou protecteurs qui, sous prétexte de les défendre, s'établissaient maîtres du pays et y construisaient des châteaux-forts, comme le fit Thomas de Marle, sire de Coucy. A côté de cette seigneurie principale, Chalandry en comptait d'autres secondaires : le château de la Motte et les fiefs de l'Arche et de Brissay. Ce chapitre, malgré quelques longueurs, est un des mieux étudiés.

Après les seigneurs, le peuple; l'auteur nous le montre à l'œuvre, le suit pas à pas dans son évolution progressive depuis le xvIe siècle jusqu'à nos jours: « C'est une étude attrayante, dit-il, à cause du nouveau de l'entreprise, à cause du mystère et de l'inconnu que nous avons en face de nous au premier abord et que nous avons à cœur de percer et de dévoiler. » Et on peut le féliciter d'avoir réussi. Grâce à ses recherches, nous le voyons, ce peuple, dans son organisation et dans son administration; chrétien, nous le suivons à l'église ; écolier, nous nous intéressons à ses élémentaires études; malade, nous le trouvons soulagé à l'Hôtel-Dieu; il paie la taille, la dîme et la gabelle, sans préjudice des impôts de guerre et des contributions pour la construction du canal; nous assistons même à ses plaids généraux, aux audiences du juge, où, pour ses infractions aux réglements de police, il est frappé de telle ou telle condamnation, qu'attestent les procès-verbaux. - Le peuple, toujours le peuple est victime des luttes féodales du moyen-âge; il accompagne les seigneurs à la croisade, est ruiné par la guerre de Cent ans et les guerres de religion, souffre toujours, mais, toujours aussi, reste attaché à son

sol qu'il cultive avec un soin jaloux. C'est tout cela que nou raconte l'auteur du mémoire dans une série de chapitres très documentés où les renseignements les plus précis nous introduisent dans la vie des anciens habitants de Chalandry.

La partie moderne, bien traitée pourtant, semble écourtée, si on la compare à l'ensemble du travail. Les mœurs, usages et coutumes n'y apparaissent pas assez amplement décrits; l'auteur, trop complet sur certains points, aurait dû s'étendre davantage sur cette partie. Toutefois, malgré les défauts qu'une critique peut-être trop sévère lui adresse, la monographie de Chalandry renferme toutes les qualités que la Société réclame de ses concurrents: clarté, ordre, précision; elle contient du nouveau et met à jour des documents inédits et parfois curieux, comme l'apparition de ce loup-cervier énorme qui exerça tant de ravages dans le pays en 1727; elle est le fruit d'une étude longue et patiente, heureusement couronnée de succès. Il serait à souhaiter que cette notice fût, dans son entier, après les retouches nécessaires dont nous avons signalé quelques-unes, honorée de l'impression. Pour encourager son auteur dans l'exécution de ce conseil, pour lui donner plus de confiance en lui-même, et surtout pour rendre justice à son mérite, votre commission vous propose de lui décerner un premier prix avec médaille d'or. Depuis treize ans la Société n'a pas eu le plaisir d'accorder cette récompense.

Quels qu'ils soient, les auteurs des mémoires que nous venons d'étudier ont droit, Messieurs, à vos remerciements. Ces reliques des siècles qu'ils ont fait passer sous nos yeux vous sont chères et sacrées comme une partie du sang et de l'âme de la France et vous apportez à leur con

servation un zèle ardent, une infatigable persévérance. Plus même l'esprit de dénigrement s'attaque aux gloires du passé, plus vous multipliez vos efforts pour sauver de l'abandon et de l'oubli les moindres vestiges des aïeux. Mais qu'est-ce donc que cette passion de retrouver, d'étudier, de publier les documents anciens, de collectionner les fragments de l'art ou de l'industrie des âges disparus, si ce n'est un hommage de votre respect et de votre admiration, et le désir d'utiliser les enseignements qu'ils apportent avec eux?

C'est qu'en effet, rien de grand ne s'improvise ici-bas, et, sans la tradition, il n'y a point de progrès véritable. Qui donc a parlé de creuser un abîme entre la France moderne et la France du passé? «La terre française, écrivait naguère dans la Revue de Paris un voyageur anglais, la terre française n'existait-elle donc pas avant la Révolution ? Pour moi, depuis le temps que je scrute le passé de la France, et que je traverse en tout sens ce sol que Vauban a presque raison d'appeler le plus beau royaume du monde, j'ai appris entre autres choses que la Révolution ne marque pas l'an Ier de l'histoire de France, qu'elle n'en est à vrai dire qu'un épisode, et qu'ils entendent vraiment l'appel de leur race, ceux qui cherchent à ressusciter la vie locale des anciennes provinces. » Certes, Messieurs, nous n'avons pas à rougir de notre histoire, la plus noble, la mieux remplie, la plus glorieuse qui soit au monde. La France a été le foyer le plus actif de la civilisation et l'initiatrice de tous les progrès en Europe. Nous n'avons qu'à continuer, en l'améliorant, l'œuvre de nos pères : trop heureux, si cette tâche nous trouve à sa hau

teur.

Considérant donc les efforts de votre Société, et de toutes celles qui sont ses émules, une pensée consolante

s'empare de mon esprit: il me semble à moi, le dernier venu parmi vous, que ce goût des antiquités nationales est le gage d'un meilleur avenir. Ces fragments des siècles ne sont pas des débris, mais les fondements sur lesquels s'élèvera la France du siècle futur. Elle prendra du passé tout ce qu'il renferme de vrai et de beau: sa foi, son vieil honneur, sa vaillance, son génie artistique, et, ajoutant à ce patrimoine les laborieuses expériences de notre époque, ses trésors de science et d'érudition, elle marchera de nouveau à la tête des peuples comme la reine de la civilisation.

Conformément aux conclusions de sa Commission, la Société Académique a décerné:

Un premier prix, avec médaille d'or, à MM. Edmond Brucelle, de Soissons, et l'abbé Jules Lefèvre, curé de Chalandry, auteurs de L'Histoire de Chalandry et de ses environs.

Un troisième prix, avec médaille d'argent grand module, à M. R. Duval, instituteur à Étreux, auteur des Notices historiques sur Étreux et Rogny.

Une mention honorable, avec médaille d'argent, à M. Alfred Migrenne, auteur de L'Histoire populaire de la ville de Guise.

Une mention honorable, avec médaille de bronze, à M. Maurice Thiéry, auteur de la Monographie du Ronssoy. Une mention honorable, avec médaille de bronze, à M. Jules Dejente, auteur de la Notice sur le Monastère de Saint-Paul-aux-Bois.

RAPPORT

SUR LE

CONCOURS QUENESCOURT

(BIOGRAPHIES)

DE L'ANNÉE 1902

Par M. ELIE FLEURY, membre titulaire

La Commission de jugement était composée de MM. DAMOISY, Abel PATOUX, JAMART, Jules PINCHON, Jules HACHET, Charles POETTE, membres titulaires; H. CARDON et Aimé LEFEVRE, membres associés; Élie FLEURY, rapporteur.

MESSIEURS,

Nous ne nous arrêterons pas au mémoire assez longuement intitulé: Notice biographique sur Lavoisier, AntoineLaurent, célèbre chimiste, génie le plus fécond du xvure siècle (1743-1794), souche de la famille Lavoisier à Villers-Cotterêts. Au lieu de « souche » il y faudrait « rejeton », mais passons. La seule chose intéressante que nous relevions, dans ce résumé banal de quelques articles de dictionnaires, c'est que l'aïeul de Lavoisier était procureur à VillersCotterêts en 1698 et qu'il épousa la fille d'un notaire de Pierrefonds. Quant au créateur de la chimie moderne, il est né à Paris.

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