Page images
PDF
EPUB

immédiatement, puisqu'il mourut en avril 1757, un an avant le commencement des travaux. Telle est la conjec-: ture que nous hasardons.

L'entrée de la chapelle de l'abbaye de Saint-Quentin en l'Isle était sur la rue de Villebois-Mareuil. Cet édifice présentait des proportions supérieures à celles de l'église Saint-Jacques, aujourd'hui la Bourse de Commerce. Suivant M. Ch. Gomart (1), elle avait cinquante mètres de long et douze de large; elle présentait, en outre, « un » élargissement de six mètres de chaque côté pour former » le transept et la croix. Sur le côté s'élevait la tour du >> clocher, qui ne fut point terminée. »

Les ouvriers de MM. Gillet ont trouvé dans une cavité pratiquée dans la pierre, deux pièces d'or, cinq pièces d'argent et six pièces de cuivre, de valeurs différentes (2). Une plaque de plomb recouvrait l'inscription dans son entier.

Il est de toute justice de donner ici les noms de ces ouvriers intelligents, probes et soigneux, qui ont compris immédiatement l'intérêt de leur découverte et ont procédé à l'extraction et à l'enlèvement de la pierre avec les précautions nécessaires. Ce sont MM. Lucien Limage (de Morcourt), Charles Durieux et Fernand Taburier (de Saint-Quentin), tous trois terrassiers.

(1) Histoire de l'abbaye de Saint-Quentin-en-l'Isle, dans le tome IV des Etudes Saint-Quentinoises.

(2) Voici l'énumération de ces pièces :

Or: Un louis de vingt-quatre livres à l'effigie de Louis XV, frappé à Lille en 1748 et un demi-louis frappé à Paris en 1731.

Argent: Un écu d'argent de cinq livres frappé à Lille en 1748; un demi-écu également frappé à Lille en 1748; un cinquième d'écu (pièce de vingt-quatre sous) frappé à Orléans en 1754; un dixième d'écu (pièce de douze sous) frappé à Reims en 1748; et un vingtième d'écu (pièce de six sous) frappé à Reims en 1744.

Il y avait, en outre, six pièces de billon, frustes.

Rappelons, en terminant, que ce sol de l'abbaye d'Isle recèle de nombreux vestiges des temps passés (1). C'est ainsi que, en 1897, à quelque vingt mètres de l'endroit où la pierre ci-dessus décrite a été trouvée, les ouvriers de MM. Gillet frères ont mis au jour un important fragment d'une mosaïque (2) de l'époque romaine qui fut enlevé et déposé au Musée Le Sérurier par les soins de la Société Académique et du conservateur de nos Musées municipaux, M. Th. Eck.

EMM. LEMAIRE.

(1) Dans les fouilles pratiquées en vue de la construction de l'hôtel de la Société Académique, on a trouvé une boucle de bronze de l'époque galloromaine et des fragments d'enduits recouverts de peinture que M. Pilloy n'a pas hésité à attribuer au second ou au troisième siècle de notre ère, c'est-à-dire au haut-empire. Il les reconnut de même composition et de même facture que les enduits trouvés par M. Frédéric Moreau à la Villa d'Ancy, près Braine.

(2) V. le tome XIV, 4° série, des Mémoires de la Société Académique, page 269.

NOTES (1)

SUR

L'ACCENT SAINT-QUENTINOIS

I. - GÉNÉRALITÉS

Bien des gens s'étonnent qu'on s'attarde à observer le langage parlé dans une ville comme Saint-Quentin. << Vous ne trouverez rien d'intéressant ici, disent-ils, puisqu'en ville on parle français. Allez plutôt à X*** ou à Z***; là, vous pourrez entendre le vrai picard ». Nous ne refusons certes pas d'aller à X*** ou à Z***; des enquêtes sur des patois particuliers de notre région ont été faites par d'autres (voyez par exemple, l'Atlas linguistique de la Gaule Romane de MM. Gilliéron et E. Edmont), fait nous-même et nous en ferons encore. Mais nous ne pensons pas que, si la tâche de recueillir les parlers de village encore bien conservés est urgente, il nous soit interdit de rien étudier de faits de langage un peu différents. Il n'y a pas de vrai patois picard unique, il y a des parlers dissemblables d'une localité à l'autre ; il n'y a pas non plus de modèle unique

nous en avons

(1) Sous ce titre : Comment nous parlons à Saint-Quentin; français populaire et patois picard, une conférence a été faite le samedi 9 mars 1907 devant les invités de la Société Académique de Saint-Quentin. Nous rapportons ici, en les complétant, les observations que nous avons eu l'occasion de faire en traitant oralement ce sujet.

de bon français parlé, il y a une foule de nuances entre les prononciations et façons de dire du français parisien normal dans les différentes régions; enfin, dans les villes de Picardie, il y a un français populaire mixte, à mi-chemin entre le français commun et le franc picard, et lieu de rencontre de toutes sortes de déformations. Cet état de langage peut être, lui aussi, un objet d'étude; tout parler vivant présente quelque intérêt à être observé.

Y aurait-il donc à Saint-Quentin une <<< manière de langage », un accent, comme il y en a un à Marseille ? Tout le monde n'en convient pas; en particulier, ceux de nos compatriotes qui n'ont jamais quitté notre ville, vivent avec notre accent sans le connaître. D'autres, quand ils entendent dire « que l'on reconnaît facilement à son langage un habitant de notre ville », s'écrient : « C'est une impression difficilement vérifiable. Nombreux sont nos concitoyens qui vont fréquemment à Paris. En est-il beaucoup parmi eux qui aient fait personnellement l'expérience de leur provincialisme? Ont-ils constaté que les Parisiens reconnaissent à l'accent leur origine picarde ? » (1) Ces formules interrogatives semblent équivaloir à des négations discrètes. On pourrait aussi bien poser la question inverse. « Des Saint-Quentinois n'ont-ils jamais entendu quelque visiteur étranger contrefaire par badinage leur prononciation et leur opposer la sienne (s'il est par hasard de Paris ou des bords de la Loire)? Ne se sont-ils pas aperçus alors que leur prononciation différait en quelque chose de la prononciation des habitants de Laon ou d'Amiens? >>

Assurément, s'il y a un accent saint-quentinois, il ne se trouve pas, présent et sensible, dans toutes les bouches

(1) Le Saint-Quentinois, numéro du jeudi 14 mars 1907.

des habitants de Saint-Quentin. Parmi ces concitoyens qui vont fréquemment à Paris et dont la façon de parler ne décelerait pas l'origine provinciale, il peut s'en trouver qui soient nés à Saint-Quentin, mais d'une mère non saint-quentinoise (les enfants reproduisent à l'ordinaire beaucoup plus exactement le parler de leur mère que celui de leur père), ou qui aient passé leur enfance dans une maison « nombreuse », où les Saint-Quentinois de souche ne représentaient qu'une faible minorité, ou encore qui aient fait leurs études au dehors pendant de longues années, bref, il est vraisemblable que la plupart d'entre eux ont subi des contacts plus divers que tel ou tel petit commerçant de Saint-Quentin, né de Saint-Quentinois, et qui n'a quitté le plus souvent sa boutique que pour aller aux Champs-Elysées écouter la musique militaire, voir le mouvement des voyageurs à la gare du Chemin de fer, à Gauchy manger une friture ou déjeuner sur l'herbe au bois d'Holnon. Celui-là est plus profondément SaintQuentinois je ne parle qu'au point de vue de la phonétique locale que son concitoyen, gros industriel, voyageur de commerce, ou attaché à une profession libérale. Nous nous gardons bien de considérer la population saint-quentinoise comme un bloc homogène. Il n'y a peut-être pas dans notre département de ville qui voie tant de départs d'indigènes, tant d'arrivées d'étrangers, soit dans la condition bourgeoise, soit parmi les ouvriers; afflux de citadins qui viennent faire du commerce, exercer une industrie, occuper des fonctions civiles ou militaires, afflux de campagnards vers la caserne et vers les usines, les échanges, les mélanges sont perpétuels. Et cependant la présence de tant d'éléments hétérogènes n'arrive pas à réduire les particularités du parler local. Les étrangers en résidence chez nous ne nous corrigent pas, au moins col

« PreviousContinue »