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DÉCOUVERTE A ST-QUENTIN

DE

BIJOUX ET DE MONNAIES

DU XVC ET DU XVIe SIÈCLE

En démolissant une vieille maison qui porte le numéro 32 bis de la rue du Gouvernement, située vers le nordest de la basilique de Saint-Quentin et appartenant à M. Haution, entrepreneur de menuiserie, on a trouvé récemment dans une crevasse qui existait entre deux murs du sous-sol, dont l'un semblait être bien plus ancien que l'autre, un trésor composé des objets suivants :

Trois écus d'or de Charles VII (1422-1461);

Deux chaises d'or de Philippe le Bon, duc de Bourgogne, comte de Flandre, Hollande, etc. (1396-1467). Droit : PHS-DVX-BVRG-COM.-FLAD-H'-E-S-HOL': Z'; Un demi-noble à la rose de Henri VI d'Angleterre, monnaie anglo-française (1421-1471);

Deux demi-moutons d'or de Charles VI (1380-1422); Quatre florins d'or (à l'effigie, en pied, de saint JeanBaptiste) des ducs de Bavière Jean et Frédéric ;

Un gros de Metz, en argent, à l'effigie de saint Etienne ; Une vingtaine de blancs de Charles VII, dont quelques

uns avaient subi, dans un temps très ancien, des chocs qui les avaient pliés ou rompus;

Une bague d'or en forme d'anneau, très simple, pesant environ cinq grammes;

Une autre bague d'or composée d'un jonc plat sur lequel ont été fixés, à l'aide de petits clous d'argent, quatre florules à quatre pétales imitant la fleur d'une véronique et quatre plaques rectangulaires allongées, bordées de filigranes, accompagnées, au-dessus et au-dessous, de filets ténus, courbés vers le centre, pour se terminer aux extrémités en petites spirales soudées sur les plaques.

Il est à remarquer que les écus d'or de Charles VII sont les monnaies les plus récentes du trésor, ce qui porterait à faire croire que c'est pendant les guerres qui ensanglantèrent la France pendant son règne, que ce trésor a été confié à la terre qui l'a conservé jusqu'à nos jours.

Enfin, on a en outre trouvé dans les déblais une autre parure qui n'est intéressante que parce qu'elle montre le produit d'une fabrication de pacotille, de bijoux faux comme on en vend actuellement dans les bazars ou sur les foires, pour les demoiselles peu riches qui veulent paraître.

C'est une pendeloque en bronze fondu, dont les deux oreilles d'attache pour la suspension au cou, au moyen d'un cordon ou d'une chaîne, sont bien visibles vers le

haut qui possède une bordure de cercles tangents et opposés assez décorative.

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Au-dessous de cette bordure se trouve un masque, aux cheveux hérissés, qui rappelle ceux que la Renaissance a prodigués dans les frises, les panneaux et les pilastres si

connus.

Au centre, il a été fixé une croix aux bras égaux terminés en pointe et au milieu de laquelle se trouve un petit disque de verre verdâtre en guise de pierre précieuse.

Malgré son peu de valeur matérielle, ce petit monument n'est pas sans intérêt pour l'histoire de l'art populaire à l'époque de la Renaissance.

Janvier 1907.

JULES PILLOY.

UNE ÉMEUTE POPULAIRE

A SAINT-QUENTIN

A U X I Ve SIÈCLE

La charte dont on trouvera le texte ci-après est transcrite sur une feuille de parchemin qui garnissait un coffret appartenant à M. Werner, décédé, en 1906, bijoutier à Saint-Quentin. Elle est aujourd'hui en la possession de M. Werner-Werner, professeur au Collège de Dinan (Côtes-du-Nord), dont l'attention fut attirée par l'écriture recouvrant le parchemin et qui détacha celui-ci de la boîte.

C'est un procès-verbal ou rapport (1) adressé probablement par un officier du roi à son supérieur hiérarchique (2), sur un mouvement populaire survenu dans notre ville à l'occasion de la conduite au lieu de leur supplice de plusieurs individus condamnés à la peine capitale par la juridiction ecclésiastique.

La pièce est malheureusement incomplète; la fin manque. Des parties sont enlevées ou effacées. L'écriture paraît être du premier tiers du XIVe siècle. Les faits racontés se seraient donc passés sous le règne de Philippe le Bel ou de l'un de ses fils.

(1) Les ratures, nombreuses, montrent que la pièce n'est qu'un projet ou brouillon, que le scribe conserva peut-être comme minute.

(2) Peut-être par le prévôt royal de Saint-Quentin au bailli de Vermandois.

L'émeute commença sur la place Saint-Quentin, près de l'église collégiale, dès que les condamnés furent extraits de la prison capitulaire. La foule couvrant de huées et accablant d'outrages les gens de l'escorte, parmi lesquels se trouvaient des officiers du roi et du Chapitre, leur jetant des pierres et de la boue, suivit le cortège des condamnés et de leurs gardes dans la rue des Toiles (alors rue des Orfèvres), dans la rue de la Sellerie et dans la rue d'Isle (alors rue de la Gréance) jusqu'à l'atre ou cimetière de l'église Saint-Pierre au canal où, semble-t-il, devait avoir lieu l'exécution. Cette église s'élevait en bas de la rue d'Isle, côté Est, à peu près en face de la rue moderne des Blancs-Bœufs.

Le maire et les jurés ne tentèrent pas de s'opposer aux violences populaires. L'auteur du rapport semble même les accuser de connivence avec les manifestants, puisqu'il note que les « gens de le vile », c'est-à-dire les magistrats de la commune, sans doute pour rendre plus facile à la foule l'accès du lieu de l'exécution, avaient fait enlever les tables ou étaux sur lesquels les marchands, ordinairement installés aux alentours de l'église Saint-Pierre, débitaient leurs denrées aux acheteurs. Ce qui est certain, c'est que la manifestation fut une explosion de colère à laquelle semble avoir pris part toute la population de la ville, exaspérée par une condamnation qu'elle estimait injuste.

La charte dont, avons-nous dit, la fin a disparu, ne ferait pas connaître l'issue de l'émeute, si elle ne disait, dans le fragment qui nous est resté, qu'il y eut une «< rescousse » (1), c'est-à-dire que les condamnés furent violemment arrachés des mains de leurs gardes et du bourreau.

(1) Le Dictionnaire de l'ancienne langue française, de Frédéric Godefroy, donne le sens suivant au mot RES COUSSE: « Action d'arracher avec violence des mains d'un agent judiciaire soit un prisonnier, soit un objet saisi ».

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