Page images
PDF
EPUB

découvrir plus de renseignements aux Archives de l'Aisne. A partir de la guerre de Cent ans, c'est pendant trois siècles, pour Etreux et les pays environnants, une série presque ininterrompue d'invasions et de ravages. Sous les rois Charles V, Charles VI, Charles VII et Charles VIII, le pays est sans cesse sillonné par les armées française et anglaise et par les bandes bourguignonnes. Le règne de François Ier ne ramène pas le calme; au contraire, après Pavie, le village est incendié et les habitants, ayant tout perdu, sont réduits à mendier pour vivre; à deux reprises différentes, en 1526 et en 1535, le roi les exempte de tailles et d'impôts pour dix ans. En 1552, c'est le comte de Reux et, en 1557, Philibert Emmanuel qui ravagent la Thiérache. La misère la plus horrible, conséquence des guerres civile et étrangère, termine le XVIe siècle : les terres ne sont plus cultivées et tel village qui comptait 100 et même 200 feux, ne renferme plus que 12 à 15 ménages. Sous Louis XIII, nouvelle et terrible période de malheurs: en 1636, Étreux est occupé par l'ennemi qui y demeure plus d'une année; qu'importent d'ailleurs amis ou ennemis, le résultat est le même : rapt de bestiaux, vol et souvent incendie; et, en 1650, les soldats espagnols de Turenne ne sont pas plus redoutés que les Français. Il faut lire dans les lettres qu'adressent à saint Vincent-de-Paul ses missionnaires, sentinelles avancées de la charité et du dévouement dans ces parages, l'immense détresse de ces populations, pour bien comprendre les transports d'enthousiasme et de joie délirante qui accueillirent la paix des Pyrénées.

Dès lors, la prospérité renaît; Henri de Lorraine canalise l'Oise, du Nouvion à Chauny, et le flottage des bois devient pour le pays une source de richesse, jusqu'en 1680.

Ici, l'auteur de la notice place, on ne sait pourquoi,

sans ordre ni méthode, quelques pages intéressantes, fruit de minutieuses recherches aux Archives départementales. Ce sont des procès-verbaux de ventes des biens de protestants qui, après la révocation de l'édit de Nantes, préférèrent s'expatrier plutôt que de renoncer à l'exercice de leur culte; puis des informations judiciaires contre les habitants d'Étreux; enfin, chose peut-être inutile, le récit des malheurs conjugaux d'un notaire.

Le fait capital de la période moderne et, on peut le dire, de toute l'histoire d'Étreux, est l'incendie du 28 germinal an II; 336 maisons sont consumées; il ne reste que quelques chaumières. Les Autrichiens, auteurs de ce désastre, se retirent après avoir massacré une grande partie des habitants. Mais, et c'est grand dommage, cela est raconté en quelques lignes, et il est impossible de saisir comment et dans quelles circonstances eurent lieu ce massacre et cet incendie.

Ce travail sur Étreux est le produit de recherches consciencieuses; il fourmille de renseignements même inédits, ceux par exemple qui donnent de si intéressants détails sur la canalisation de l'Oise, mais ce ne sont que des matériaux pouvant servir à l'histoire, plutôt qu'une véritable histoire. Il semble que l'auteur a été débordé par un sujet trop vaste.

Il a été plus heureux dans sa notice sur Rogny, petit village à 10 kilomètres de Vervins, sur la Brune, affluent du Vilpion. La découverte d'un cimetière franc atteste la haute antiquité de ce village; puis il faut arriver au XIIe siècle pour avoir des détails que l'auteur de la notice nous donne, d'ailleurs, clairs et abondants. Il consacre enfin aux seigneurs de Rogny un chapitre qui a été l'objet de recherches minutieuses et précises. Sans doute le dictionnaire de la noblesse, où se trouve la généalogie des sei

gneurs de Rogny, de la maison de Signier, lui a fourni d'amples renseignements. Quant au village même, son histoire est celle de toutes les localités de la Thiérache si dévastée, rançonnée et pillée pendant les guerres du xive au XVIIIe siècle. Malheureusement, l'époque moderne est moins bien étudiée et l'auteur ne nous donne aucun détail sur le village actuel au point de vue de la population et sous le rapport économique.

Pour conclure, ces deux notices contiennent les éléments d'un travail historique à peu près complet; mais, ici également, tout est à refondre, surtout la notice sur Étreux, où nous avons signalé un défaut d'ordre absolu. Les recherches toutefois ont été laborieuses, les découvertes parfois heureuses, et il faut en tenir compte à l'auteur auquel un 3° prix avec médaille d'argent, grand module, sera un encouragement autant qu'une récom-. pense. La commission vous prie de ne pas le lui refuser.

HISTOIRE DE CHALANDRY ET DE SES ENVIRONS

Le mémoire no 7, qui a pour épigraphe « Nosce Patriam » vous a semblé la meilleure des monographies présentées à votre concours. Sans doute il y a quelques restrictions à faire sur le style qui est un peu terne, sur des hors-d'œuvre assez nombreux qui allongent le mémoire et ne nous apprennent rien, puisqu'ils sont pour la plupart des citations d'auteurs connus ou faciles à compulser; mais, ces restrictions faites, et elles sont peu importantes, la monographie de Chalandry est un des travaux les plus estimables que votre Société ait eu à récompenser dans ses concours. Très complète et très intéressante, elle met en œuvre, en 500 pages, nombre de

documents inédits; elle expose avec succès le résultat de recherches consciencieuses, le tout présenté dans un ordre rigoureusement logique, avec clarté et précision; les sources y sont minutieusement indiquées et le contrôle en est facile. Cette notice doit être l'œuvre d'un jeune qui a sérieusement étudié son sujet et veut faire bénéficier les autres de ses recherches; elle ressemble à un arbuste plein de sève, dont la frondaison vigoureuse et l'épaisse ramure ont besoin d'être élaguées; cet élagage, l'auteur le fera, nous en sommes convaincu, et son travail pourra être présenté comme un modèle ; rien n'y manquera, ni les aperçus géographiques et géologiques, ni la préhistoire, et l'oeil du lecteur se reposera agréablement sur les plans, gravures et cartes, qui font revivre les aspects si pittoresques d'un pays que l'auteur aime et fait aimer, parce qu'il le connait bien.

Chalandry, village du canton de Crécy-sur-Serre, est un pays de conte de fée, si l'on en croit la description dithyrambique que nous lisons en tête du mémoire. Est-ce bien de l'histoire? Ne sommes-nous pas plutôt en pleine poésie? Mais, rapidement, l'auteur se ressaisit et nous renseigne sur la topographie de ce lieu enchanté, et nous donne les divisions cadastrales de la commune. Et, sur ce terrain que nous nous représentons sans peine, tant les mesures sont données avec précision et les divisions minutieusement indiquées, voici que l'auteur évoque les hommes de la préhistoire, avec leurs armes de pierre et les hautes bondes; il se tient toutefois sur une louable réserve, au point de vue de la très haute antiquité attribuée par quelques-uns aux époques de l'humanité primitive. « Pour nous, dit-il à ce sujet, fermement résolu à ne recevoir, en archéologie surtout, aucune chose pour vraie, qu'on ne nous la démontre évidemment être telle, nous pensons que

cette question est loin d'être tranchée: adhuc sub judice lis est!» Puis voici l'âge des métaux: l'époque celtique ou gauloise est marquée à Chalandry par une hachette en bronze et par le souvenir qu'évoque le lieudit «< la montagne d'Esus ». A ce propos, il était inutile de nous donner cette longue description des mœurs des Gaulois; c'est du domaine de l'histoire générale.

Avec la civilisation gallo-romaine, Chalandry commence à avoir une vie propre, à constituer une localité, à porter un nom; Rome colonise les pays conquis, afin de se les attacher davantage, mais non, comme le dit l'auteur, avec les Lètes, qui n'apparaissent qu'à la fin du me siècle. Les voies romaines sillonnent la contrée et apportent, avec la civilisation, les enseignements et la « bonne nouvelle de l'Évangile »; le culte des fontaines se christianise et le moustier ou première église est bâti en l'honneur de saint Aubin, évêque d'Angers. Les invasions des Barbares et le « fonctionnement des moulins à blé» usités dans l'antiquité, fournissent à l'auteur prétexte à des citations bien choisies, mais trop nombreuses et trop longues; il tombe dans les mêmes errements lorsque, dans le chapitre suivant, qui d'ailleurs fait parfaitement revivre l'époque mérovingienne, il s'attarde à nous montrer la différence des fiefs et des alleux.

Nous arrivons ainsi à l'époque féodale; ici l'auteur s'est surpassé et son travail témoigne d'une connaissance parfaite du moyen âge; comme toujours, plein de son sujet, il ne veut pas nous faire grâce de l'aperçu historique sur l'abbaye de Saint-Jean de Laon et sur le régime féodal. En 1134, apparaît le premier document relatant la possession de Chalandry par l'abbaye Saint-Jean de Laon : c'est une charte de donation signée Barthélemy de Vir, évêque de Laon. En 1136, le roi Louis le Gros confirme cette

« PreviousContinue »