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d'Etampes, sur le Ronssoy. N'a-t-il donc pas eu connaissance de la charte de 1456, insérée par Victor de Beauvillé dans ses documents inédits, où nous lisons «< que chacune des 41 maisons du Ronssoy doit payer à ce seigneur une rente de 5 sols 6 deniers»? N'aurait-il pas pu parler plus amplement de l'établissement du protestantisme au Ronssoy? Il n'y consacre que quelques lignes où l'on voit, détail assez curieux, deux protestants s'en aller naïvement, à moins que ce ne soit audacieusement, sous prétexte de demander l'élargissement de quatre de leurs coreligionnaires, se faire arrêter, à Amiens, par de Bernage, intendant de Picardie? Il ne mentionne pas davantage le combat du Ronssoy (11 janvier 1674) entre la garnison française du Câtelet, qui fut battue, et la cavalerie ennemie sortie de la place de Cambrai. Mais le grand reproche que nous ayons à faire à cet auteur, c'est qu'il a copié trop servilement et sans nous prévenir, de nombreuses pages de l'abbé de Cagny: le plagiat est une faute qui ne se pardonne guère, et nous l'avons constaté en un certain nombre de feuillets. Invinciblement nous sommes portés à croire que, pour le reste de la partie historique, l'écrivain n'a pas eu plus de scrupules. Il n'indique, en effet, aucune des sources où il a puisé ses renseignements: c'est toujours là un mauvais indice.

Heureusement, la deuxième partie du mémoire est meilleure. L'auteur a quitté le domaine proprement historique, pour traiter des mœurs, des usages et coutumes du Ronssoy il est plus maître de son sujet et a rendu son travail vraiment intéressant, sans doute parce qu'il est plus personnel. C'est une description exacte, une peinture fidèle de la vie dans un village picard à notre époque. La vie en plein air, la vie des champs, le commerce, l'industrie, l'éducation, les fêtes, les superstitions même, tout est

rappelé dans ces quelques pages, en un style simple et imagé, émaillé parfois d'expressions du plus pur picard. « On n'en finirait pas, écrit l'auteur, si on voulait énumérer tout ce que l'on voit, tout ce que l'on entend, tout ce que l'on rencontre dans les rues d'un village picard dès l'aube des frais et clairs matins d'été; en plein midi, alors que les attelages aux sonnailles joyeuses sont rentrés pour le repas, ou aux dernières lueurs crépusculaires, quand dans le ciel pacifique s'allument les premières étoiles.... Pour l'aimer, même sans y être né, ce village du Ronssoy, il suffit de le parcourir par un des beaux jours de l'été où il apparait avec son charme réel, sa poésie intense, ses beautés champêtres. » A cause de cette dernière partie qui n'est certes pas sans mérite, et malgré les reproches adressés à la première partie, votre commission n'a pas cru devoir laisser sans récompense la monographie du Ronssoy; elle vous propose de lui décerner une mention honorable avec médaille de bronze.

HISTOIRE POPULAIRE DE LA VILLE DE GUISE

Une volumineuse Histoire populaire de la ville de Guise porte le n° 5. Pendant plus de 600 pages in-4°, l'auteur nous redit, sans ajouter aucun nouveau détail, ce que nous ont appris l'abbé Pécheur et M. Matton, dans des travaux historiques très estimables. C'est une louable et noble ambition que de vouloir apporter plus de lumière que ses devanciers, mais, de l'idée à sa réalisation, il y a loin, et il ne semble pas que l'auteur de l'Histoire populaire de la ville de Guise ait eu l'heureuse fortune d'y parvenir. Son œuvre est-elle d'ailleurs une histoire populaire ? Quel homme du peuple, si avide de s'instruire,

aura le courage de lire d'un bout à l'autre un ouvrage d'aussi longue haleine? et, la lecture faite, que lui en restera-t-il? Un livre populaire doit, selon nous, indiquer les grands faits de l'histoire, mettre en vedette les événements les plus remarquables, donner du relief aux personnages principaux, traiter rapidement des mœurs, coutumes et usages, et cela en quelques pages. Le manuscrit que nous avons sous les yeux est loin de réaliser ce programme. Il n'ajoute rien aux ouvrages parus, quoique l'auteur ait consulté une à une les archives municipales de la ville de Guise. Le sens de l'antiquité lui fait totalement défaut; ainsi il ne craint pas d'aborder l'étude de cette période obscure qui va des origines à l'an 1058, tandis que M. Matton a, de propos délibéré, négligé cette partie de l'histoire; et l'essai que nous a laissé l'abbé Pécheur, sur cette époque, quoique à refaire, est bien supérieur à notre mémoire. --- Y a-t-il au moins quelque découverte importante sur le moyen-âge et l'ancien régime? Non, autant que nous avons pu nous en rendre compte, car les sources sont indiquées si rarement ou avec si peu de précision qu'il nous a été impossible de contrôler les dires de l'auteur. Il serait si intéressant, par exemple, de savoir où se trouve rapportée la prestation du curieux serment imposé à Jeanne Watteau, la sage-femme de Saint-Quentin ; ou d'avoir quelques détails sur la fondation de la première école par Nicolas de Martigny.

Quant à la Révolution, il avait fort peu de chose à ajouter au très intéressant récit de l'abbé Pécheur, qu'il faut d'autant moins oublier que cet auteur montre une louable impartialité, et que, malgré les fautes et les imprudences criminelles de Camille Desmoulins, il sait rendre justice aux accents sincères de pitié qu'arrachaient à ce tribun, vers la fin de sa vie, les horribles excès de Robespierre et

de sa faction. L'auteur de l'Histoire populaire de la ville de Guise est-il aussi impartial? A la page 422, il se fait l'écho d'un singulier jugement sur Roch Marcandier, enfant de Guise, secrétaire de Camille Desmoulins, qui fut l'un des plus courageux publicistes de la Révolution: « Marcandier, dit-il, passait pour le plus vil folliculaire qui ait déshonoré la presse. » Si l'auteur n'avait pas lu que M. Hamel, dont le jugement n'est pas sans appel, et dont nous voyons avec étonnement le nom cité ici comme une autorité historique; s'il avait consulté Edouard Fleury et l'abbé Pécheur, il eut pensé tout autrement, car le courage dont Roch Marcandier fit preuve en attaquant Marat, Robespierre et Hébert, en fait un personnage digne de l'estime de la postérité. Sans doute, son langage est acerbe, son style violent et peu châtié, mais Roch Marcandier n'était pas académicien et il s'adressait à des sans-culottes. Une chose nous a également surpris, c'est que parmi les hommes distingués, nés à Guise, l'auteur n'ait pas fait une plus large part à M. Lesur; le nom de cet homme, un des plus dignes enfants de Guise, ne se rencontre qu'incidemment à propos d'un legs qu'il fit à la Ville, à l'hospice et au bureau de Bienfaisance. L'abbé Pécheur, au contraire, a consacré à cet homme de bien et de grand talent les 40 dernières pages de son ouvrage; l'intérêt qu'excite la lecture de cette partie de son Histoire de Guise, témoigne en faveur du rôle joué par Lesur et justifie l'ampleur de la biographie.

En définitive, l'œuvre que nous apprécions était inutile après les travaux de l'abbé Pécheur et de M. Matton. Au lieu d'entreprendre une histoire générale qui n'est plus à faire, il eut été préférable d'étudier une période, une époque, et de réunir tous les documents qui peuvent faire la lumière sur ce qui reste obscur dans les annales de la

ville. Ce n'est pas une œuvre de vulgarisation que nous avons demandée aux concurrents, mais des recherches qui ajoutent à nos connaissances. Que font des centaines de pages où rien de nouveau ne fixe l'attention? Une charte inconnue, un document oublié, une inscription inédite ou une médaille que personne n'aurait encore étudiée et capable de faire la lumière sur un fait jusqu'alors obscur, voilà ce que nous désirons. Dans l'Histoire populaire de la ville de Guise, seule l'histoire du XIXe siècle, surtout celle des cinquante dernières années, est une œuvre originale. Nous ne retiendrons que cette partie du mémoire et, tout en faisant les plus expresses réserves sur les appréciations politiques et religieuses de l'auteur, nous croyons que les 150 dernières pages de son œuvre méritent une distinction et nous vous proposons de lui accorder une mention honorable avec médaille d'argent.

NOTICES HISTORIQUES SUR ÉTREUX ET ROGNY

Le sixième mémoire présenté à votre appréciation se compose d'une double notice sur Etreux et sur Rogny.

Etreux, petit bourg du canton de Wassigny, est assurément une des plus anciennes localités du Vervinois. Une trouvaille d'antiquités faite en 1861, au lieudit la Tuilerie ou la montagne Hubert, révèle, en effet, l'existence. d'habitations en cet endroit, sous le haut-empire romain; des substructions portent des traces d'incendie provenant sans doute de la grande invasion de l'an 275. Sans importance durant les premiers siècles du moyen-âge, Etreux ne fut érigé en paroisse qu'en 1267, par Guillaume, évêque de Laon. Cette période est traitée très brièvement et on se demande si l'auteur n'aurait pas pu

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