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line à grands personnages, deux tableaux à cadres dorés, trois grands rideaux blancs et trois verges de fer, plus une très belle commode en bois de rose, marquetée, avec trois tiroirs, le dessus en marbre ».

Le pater, en compensation de ce qu'il est privé par suite de sa sortie de Longpont depuis vingt-sept mois, des avantages que la loi reconnaissait aux religieux dépossédés, réclame la propriété du mobilier garnissant ses appartements, mais les commissaires estiment la réclamation mal fondée et des mots aigres sont échangés.

Quant à la belle commode en bois de rose marquetée, elle appartenait à Mme de Paraviciny, dont Mlle Tussereau, dame pensionnaire et sa parente, soutenait les intérêts.

La cave est bien garnie, comme il était ordinaire dans les maisons importantes: crus de Lierval-en-Laonnois et de Vauxclerc, Bourgogne et vin de court-bouillon. Quant aux provisions, elles sont insignifiantes: cent quarante livres de beurre et un sac de riz.

On s'enfonce dans le mâquis de la procédure. Une dame Farez étant rentrée dans le siècle, veut faire enlever son mobilier et envoie un exploit dans ce sens et deux commissionnaires. Mme Dumouriez a fait appel aux lumières de M. Desjardins, avocat, et de MM. Desains et Éloi Fouquier, notaires, qui s'opposent aux prétentions de la dame Farez.

Les commissaires consultés disent « qu'ils n'ont rien à dire» et ils continuent leurs investigations.

Le 12 janvier, ils font enlever tous les titres, liasses et plans et les font déposer au district. Ils tâchent de mettre les sœurs converses en opposition avec leur supérieure, leur font dire que « puisqu'il est maintenant question de l'égalité en droit, il est étonnant que leur ancienne abbesse jouisse de plus de privilèges qu'elles et qu'elle use d'un

riche et précieux mobilier, tandis qu'elles, égales en droit, n'emporteraient qu'un chétif bois de lit, un matelas, ùne paillasse, peut-être une bien mauvaise petite armoire ».

Les commissaires accusent Mme Dumouriez de vouloir établir dans la maison un pensionnat à son profit, de la garnir du mobilier commun; ils lui reprochent d'avoir reçu dans le couvent des parentes à elle, qui trouvent des chambres à loger « à beaucoup moins cher qu'en ville », et s'écrient en terminant: « Que d'abus encore à réformer!» Leur plainte a toujours de l'écho.

C'est la fin des opérations. Elles ont été laborieuses, et MM. les commissaires, pour ne pas perdre le bénéfice de leur dévouement à la loi et aux idées régnantes, éprouvent le besoin de se rendre justice en ces termes :

.....

Observent que chaque séance de leur procèsverbal a toujours été signée de toutes les dames et sœurs religieuses, lecture préalablement faite de ce qu'elles contenoient, afin que le tout étant contradictoire, tous les faits y contenus ne pussent être désavoués, contestés, interprettés et éludés; afin aussi d'éviter absolument toutes discussions et tracasseries qu'on pourroit nous susciter pour divers motifs; d'autant que la malignité, l'envie et la jalousie des partisans de l'ancien régime leur fait depuis longtemps imaginés des moyens d'altérer en nous, s'il étoit possible, le zèle patriotique et désintéressé qui, depuis dix-huit mois, nous a fait surmonter les obstacles de touttes espèces, que diverses fonctions publiques par nous remplies avec distinction, nous ont cependant attirés injustement, dans des circonstances que nous avons seu surmonter, lesquelles pourroit encore se renouveller d'une manière ou d'une autre ; ce qui doit nécessairement nous mettre en garde, pour nous prémunir, de nous mettre à

l'abry des pièges qu'on nous tend de toutte part à l'effet de nous donner, si on peut, la mortification de nous justifier lorsque nous n'aurions employé nos fonctions gratuites qu'à suivre l'esprit de l'humanité et de la loy. » Nous compâtissons, mais il faut avouer que ce plaidoyer important et naïf vu à travers les événements subséquents, laisse la postérité indifférente ou railleuse.

Le petit troupeau restant des religieuses s'était serré autour de la supérieure à l'approche de la tempête grondante. L'inquiétude devait être de tous les instants. On réclamait aide et conseil partout et à tous, se tenant au courant des lois et décrets afin de s'y conformer, espérant toujours que l'exigence présente serait la dernière.

Et c'est ainsi que le 6 mai 1791, Mmes Dumouriez, Crommelin (67 ans), Thérèse Dumont (23 ans), Eulalie Bocquet (57 ans), Élisabeth Rousseau (53 ans), Agathe Ruffin (54 ans), Thérèse Piettre (52 ans), Anne Carpentier (46 ans), Cécile Maubourg (37 ans), Caroline Pichon (26 ans), Agnès Lelong (56 ans), Antoinette de Réampe (52 ans), Madeleine Beauvois (42 ans), Victoire Hocquet (53 ans), Angélique Lorquin (41 ans), Émilie Verniole (44 ans), Rosalie Feuillette (36 ans), Alexandrine Lefebvre (36 ans), Elisabeth Bourdon (23 ans) et Mme Gobinet (77 ans), en train de mourir à l'infirmerie, soit dix-neuf sur vingt-six, tant dames de chœur que sœurs converses, déclarent solennellement une fois de plus, en présence des notaires royaux qui en dressent acte, qu'elles entendent continuer la vie commune, en vertu des lois et décrets du 14 octobre 1790, dans cette maison qui sera considérée comme maison particulière où on ne recevra ni jeunes filles pour les éduquer, ni pensionnaires âgées, et qu'enfin la porte extérieure de la chapelle sera murée.

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