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la rue du Palais-de-Justice et sur le Jardin botanique, dont la bonne nature avait repris possession. Et quand la pioche du démolisseur s'est attaquée à ces murs qui n'avaient pas deux siècles, elle rencontra, paraît-il, peu de résistance : la construction, nous sommes-nous laissé dire, malgré ce qu'en pensait M. Dartois, était médiocre: on y était allé à l'économie !

Quoiqu'il en soit, en 1790, derrière les murs de ce monastère alors presque neuf, les dernières habitantes. vivaient dans un état d'inquiétude perpétuelle.

Les décrets se succédaient et l'un n'était pas plutôt appliqué qu'un autre se préparait. C'était une suite de préfaces. Les motions chevauchaient les motions et le premier ordre de l'Etat était positivement mis aux enchères. Le 13 février 1790, l'Assemblée Nationale décrète <«< comme article constitutionnel » que la loi ne reconnaîtra plus les vœux solennels monastiques des personnes de l'un et de l'autre sexe en conséquence, les ordres et congrégations religieux sont et demeureront supprimés en France sans qu'il puisse en être établis d'autres à l'avenir ».

Et l'article 2 porte que tous les individus de l'un et de l'autre sexe, existant dans les monastères, « pourront en sortir en faisant leur déclaration devant la municipalité du lieu. Il sera pourvu incessamment à leur sort par des pensions convenables; il sera pareillement indiqué des maisons où seront tenus de se retirer les religieux qui préfèreront ne pas profiter des dispositions du présent décret ».

L'Assemblée Nationale déclare, au surplus, qu'il ne sera rien changé quant au présent à l'égard des maisons chargées de l'éducation publique et des établissements de charité jusqu'à ce qu'elle ait définitivement pris un parti sur cet objet.

Un mois plus tard, Treilhard, qui mourut comte de l'Empire à la création duquel il avait coopéré, faisait compléter ce décret par cet autre :

« Art. 1er Les officiers municipaux se transporteront dans la huitaine de la publication du présent décret dans toutes les maisons de religieux de leur ressort ; ils se feront représenter tous les registres et comptes de régie; ils les arrêteront; ils formeront un résultat des revenus et des époques de leurs échéances qu'ils dresseront sur papier libre et sans frais; un état de l'argenterie, argent monnayé, des effets de la sacristie, de la bibliothèque et du mobilier le plus précieux de la maison, en présence de tous les religieux à la charge et garde desquels ils laisseront lesdits objets et dont ils recevront les déclarations sur l'état actuel de leurs maisons, de leur dette mobilière et immobilière et des titres qui les constituent.

» Les officiers municipaux dresseront aussi un état des religieux et affiliés de chaque maison avec leur nom, leur âge et les places qu'ils occupent. Ils recevront leurs déclarations s'ils désirent ou non rester dans les maisons de leur ordre et ils indiqueront le nombre des sujets que la maison pourrait contenir.

» Huitaine après, les dits officiers municipaux enverront à l'Assemblée Nationale une expédition des procèsverbaux et des états mentionnés ci-dessus. L'Assemblée Nationale réglera ensuite l'époque et les caisses où commenceront à être acquittés les traitements fixés, tant pour les religieux que pour les maisons dans lesquelles seront tenus de se retirer ceux qui ne voudront pas sortir ».

Qu'on nous excuse de rapporter ces textes législatifs, mais il est indispensable de les rappeler pour en contrôler l'application. Celle-ci se fit avec moins de mesure que précédemment. Comme l'esprit moyen de notre temps

diffère de ce qu'il était lors de la Révolution commençante, si certaines situations paraissent identiques, il nous semble convenable de taire les noms subsistant de nos jours, des personnes qui furent mêlées à ces événements que la postérité accepte, tout en refusant son estime à ceux qui y ont joué un rôle, et de ne les désigner que par leurs fonctions.

Donc, le 28 juin 1790, à 4 heures de l'après-midi, le procureur-syndic, assisté d'un administrateur du district et d'un laboureur, se transporta rue Sainte-Marguerite et demanda à la sœur portière que les religieuses lui fussent présentées.

Il commença par lire les décrets, et ses acolytes et lui examinèrent ensuite les titres de propriété. Après quoi ils reconnurent que la déclaration des biens de la dite abbaye affirmée véritable devant M. Dartois, leur paraissait avoir été exactement faite.

Ces opérations finies, Messieurs les commissaires firent lecture de l'article de loi qui permettait aux religieuses de manifester leur intention, c'est-à-dire de quitter le couvent ou de rester en communauté.

Les religieuses étaient au nombre de trente, dont dixhuit dames de chœur.

L'abbesse, la prieure, et la sous-prieure portaient des noms qui ne nous laissent pas indifférents. Dame NicoleAmélie du Perrier Dumouriez, âgée de cinquante-cinq ans et abbesse depuis 1767, était la sœur du général Dumouriez qui allait devenir ministre de la guerre. Dame Marie-Etiennette-Pétronille Crommelin, âgée de soixantesix ans, était certainement une descendante de cet IsaacMathieu Crommelin qui, venu de Flandre au milieu du xvIe siècle, et protestant, dota Saint-Quentin d'une indus

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