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ment en creux, au poinçon, avant la cuisson de la terre, de trois plumes de paon, et, à côté de l'une d'elles, d'une croix ou d'un F. La plume de paon n'est pas inconnue dans la décoration. La collection Boulanger, de Péronne, possède un vase funéraire où il en existe, tracée en creux, toute une guirlande.

D'après les écrivains et archéologues dont l'opinion fait loi, le paon était, dès le début du christianisme, considéré comme le symbole de la résurrection (1).

Très fréquemment, il est peint dans les catacombes.

Il n'est donc nullement étonnant de le voir représenté par quelques-unes de ses plumes sur un vase funéraire, et au moment surtout où la renaissance carolingienne s'appliquait à peupler les voussures des portails, les bandeaux des chevets et les chapiteaux des colonnes des églises de tout un monde d'objets et de créatures symboliques parmi lesquels le paon n'était pas oublié. Ce magnifique oiseau n'étale-t-il pas sa splendide parure sur l'un des frontons du précieux évangéliaire du Ixe siècle de Saint-Médard de Soissons, conservé à la Bibliothèque Nationale, pour ne citer que celui-là? (2) Et c'est précisément à cette époque que je fais remonter mon vase.

Quelques personnes ont voulu voir des palmes au lieu de plumes de paon; ce serait alors le symbole du martyre. Mais si la palme était, dès l'abord, spécialement représentée sur les tombeaux des chrétiens martyrs, plus tard elle devint un ornement vulgaire qu'on figurait sur tous les tombeaux et, de là, il n'est pas difficile de conclure qu'elle devint un ornement funéraire. (Voyez l'abbé Mar

(1) Cf. Bosio, R. Sott, p. 641. - Aringhi : Rom. Subterr., II. I. VI. c. 36, p. 612, etc. Martigny: Dict. des Antiq. chrétiennes, au mot Paon. (2) Les Manuscrits à miniatures de la Bibliothèque de Soissons, Ed. Fleury, Paris, Desmoulins, 1865, pl.

tigny Dictionnaire des Antiquités chrétiennes, au mot PALME).

Palmes ou plumes de paon, l'idée qu'elles veulent exprimer est donc identique.

Comme on le voit, ce petit monument valait la peine qu'on le mît en lumière et je suis heureux d'avoir pu le sauver de la destruction ou de l'oubli.

Décembre 1905.

JULES PILLOY.

UNE EXÉCUTION CAPITALE

A SAINT-QUENTIN

EN 1754

La Grand'Place de Saint-Quentin, dénommée le Marché (Markiet) dans les titres anciens, fut, au cours du xvie siècle, un véritable lieu de supplices. La preuve nous en est donnée par les archives de cette ville qui, pour être sobres de détails sur l'exécution des jugements rendus par le lieutenant criminel, n'en sont pas moins probants quant à la multiplicité des châtiments mis en usage en cet endroit de la ville.

Indépendamment des fourches patibulaires, que l'on avait cru devoir placer à l'intersection du chemin de Lehaucourt et de la route du Câteau, vers l'extrême limite nord du faubourg Saint-Jean, nous voyons, d'après un dessin de l'époque, que dès l'an 1557, un gibet se trouvait en permanence sur la Grand'Place, à égale distance du centre de cette place et de l'entrée de la rue Saint-Martin, dite alors rue de la Boulangerie. On pendait donc toujours en cet endroit au XVIIIe siècle, ainsi que nous pourrons le constater dans un instant. Dans le voisinage de cet instrument de supplice, il y avait la Pierre du Pilori où l'on exposait à temps dans certains cas. Cet échafaud fut mis en vente pendant la Révolution avec la Pierre au Lard, et

seule, cette dernière épave des siècles disparus est parvenue jusqu'à nous, quoiqu'elle ait subi par la suite quelques vicissitudes. Nous témoignons ici notre satisfaction de l'avoir sauvée d'un danger de destruction absolument certain. Quant à la Pierre du Pilori, nous la croyons à jamais perdue.

Un autre supplice, le plus épouvantable de tous, avait également lieu en cet endroit. Nous voulons parler de l'écartèlement par les chevaux; puis encore celui de la roue, que précédait la rupture des bras, des jambes, des cuisses et des reins du patient. En 1751, Jean-Jacques Bethfort, âgé de vingt-quatre ans, cordonnier au village de Fluquières, condamné par arrêt du 21 juillet de cette même année, subit sa peine sur la Place, et y finit ses jours sur la roue, dans un martyre épouvantable, la face tournée vers le ciel. Il paraît que le bourreau

véritable brute

fiante maladresse.

une

fut, dans cette exécution, d'une stupé

Puisque nous jetons un regard en arrière, constatons la parfaite cruauté qui sévissait encore au temps de Voltaire, l'apôtre de la tolérance, et qui dura jusqu'à la Révolution. En certains lieux de notre beau pays de France, des femmes sont enterrées vives pour des crimes qui, aujourd'hui, mériteraient quelques mois de prison. Pour ce que l'on nomme au Palais « coups et blessures » on punit le coupable de la hart. Quant aux calomniateurs, ils sont tout simplement brûlés en place publique. Le suicidé, lui, n'échappe pas à la pénalité; pour un peu, on le condamnerait à mort. Saint-Quentin ne vit rien, je crois, de ces excentricités macabres.

Nous continuons :

A la date du samedi 11 février 1741, fut rendue une ordonnance de Police, par laquelle les mayeur, échevins,

juges civils, criminels et de police de la ville, faubourgs et banlieue de Saint-Quentin, font défenses à toutes personnes de demander l'aumône en troupe ou autrement, à telles heures et tels jours que ce soit, à peine contre les contrevenants d'être mis au carcan. A l'effet de quoi sera planté sur la Grande Place de cette ville un poteau, auquel sera attaché un carcan de fer, pour y mettre ceux et celles qui seront dans le cas porté dans le dit arrêt.

Au bas de l'ordonnance est écrit :

« Le 13 des dits mois et an, la dite ordonnance a été » lûë, publiée et affichée aux endroits y mentionnés, et » le poteau avec carcan planté sur la Grande Place, en » présence de moi Jean Corbaut, concierge et premier ser» gent à masse de l'Hôtel-de-Ville, soussigné: Corbaut. »

L'une des peines qui fut le plus fréquemment appliquée, habituellement sur le côté gauche de l'Hôtel-de-Ville, en face le corps de garde, fut celle de l'exposition. Cette punition, qui était de préférence infligée aux filles de mauvaise vie ou coureuses d'armée, était toujours exécutée vers le milieu du jour, à midi; elle durait une heure ou deux, au milieu des huées de la populace, et les patientes étaient indifféremment assises sur un cheval de bois ou debout sur une table; leur peine une fois subie, elles avaient la tête rasée et étaient conduites aux portes, avec un passeport motivé, et la défense formelle à elles faite de jamais rentrer en la ville.

Cette coutume de l'exposition sur la place de SaintQuentin dura jusque 1848, époque de l'abolition momentanée de la peine de mort. En ce temps, deux garnements, les derniers exposés, je crois, furent fixés à des poteaux, vers le coin de la rue d'Isle, en face de l'ancienne gendarmerie, qui alors existait sur le côté nord de la place du

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