Page images
PDF
EPUB

ces récipients devaient avoir servi à contenir, d'abord, au temps païen, de l'eau lustrale (1), puis, plus tard, quand le christianisme devint la religion dominante, de l'eau bénite. D'autres ont pensé que l'on devait y mettre de la boisson (2), et pour donner du poids à leur opinion, ils ont rappelé que l'on trouve souvent, à l'intérieur des parois des gobelets ou bouteilles de verre, qui, chez les riches, remplaçaient dans la tombe les urnioles en terre cuite, une substance brunâtre et luisante qui ne pouvait être que le résidu du vin qu'on y avait mis au moment de l'inhumation. Un auteur allemand a même émis la supposition qu'au lieu du vin, il pouvait bien y avoir été renfermé de la bonne goutte!

Mais cette fantaisie macabre tombe d'elle-même quand on se rappelle que la majorité de ces gobelets (et c'est justement le cas qui se présentait à Gammertingen) était en forme de coupe ou clochette sans pied, dont le fond était, ou très bombé, ou très conique, et que souvent même, pour en augmenter l'instabilité, on y avait ajouté un bouton saillant d'émail ou de verre. Et c'est surtout dans ces clochettes qu'on constate la présence du résidu en question. Et comme elles ne pouvaient se tenir debout, l'invraisemblance saute aux yeux. Et en effet, on les trouve invariablement couchées au fond du cercueil.

(1) Pendant que le cadavre était encore dans la maison, un grand vase d'eau lustrale était placé à la porte. L'idée de mettre des moyens de purification à la disposition des morts dans leur existence d'outre-tombe a peut-être commencé par la préoccupation naïve de leur donner, non seulement des aliments, mais de quoi se laver et se parfumer. (A. Bouché Leclercq, Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines de Daremberg et Saglio, au mot Lustratio, p. 1416-1417.) A Vermand et à Homblières, avec la vaisselle et les bouteilles ayant contenu des aliments et de la boisson, il y avait encore dans les tombes du iv° siècle des riches, une aiguière pour les soins de propreté. Cet ustensile était presque toujours en bronze.

(2) Voir le splendide ouvrage de W. Grobbels: les fouilles du cimetière de Gammertingen. Munich, 1905.

Je préfère attribuer cet enduit brunâtre aux sels provenant de la décomposition du corps, et ce, avec d'autant plus de raison que souvent j'y ai constaté les traces, les traînées encore bien apparentes laissées par les larves cadavériques.

L'eau bénite qui, de nos jours, accompagne dans les cérémonies funèbres, le cercueil jusqu'au moment où il descend dans la fosse, est certainement la survivance d'une très ancienne coutume; cette eau a été conservée dans la famille depuis le samedi de Pâques ou de la Pentecôte; elle est placée dans un vase auprès du mort, avec le flambeau allumé qui ne s'éteindra qu'au moment du départ du convoi mortuaire; c'est avec un buis bénit le jour des Rameaux qu'on fait l'aspersion après les visites funèbres (1). C'est avec de l'eau bénite que le prêtre reçoit le corps au sortir de sa demeure terrestre ainsi qu'à l'entrée de l'église ; on l'asperge une dernière fois dans la fosse. Nos aïeux faisaient encore plus, puisqu'ils en plaçaient jusque dans le cercueil.

Mais, je me suis un peu trop éloigné de mon sujet et je me hâte d'y revenir.

Il a été découvert à Monceau-le-Neuf, arrondissement de Vervins (Aisne), dans le cimetière dont je me suis occupé il y a quelque temps, un vase funéraire qui n'est venu en ma possession qu'après la publication de mon travail. C'est pourquoi je n'ai pu en parler malgré tout l'intérêt qu'il présente.

Il a été recueilli dans une tombe qui ne renfermait que lui comme mobilier funéraire; elle se trouvait dans la zone extrême du cimetière.

(1) Une peinture de Pompéï (Museo Borbonico, vi, pl. 1) représente, à la -porte d'une maison, un rameau placé dans un vase renfermant de l'eau lustrale. Dict. Daremberg et Saglio, au mot Lustratio,

[graphic][merged small][merged small]

La forme ne rappelle en rien celle des poteries franques. Elle se rapprochait plutôt de celle des vases des cimetières romains du ive siècle, n'était la rudesse du travail du potier, bien moins habile que ses prédécesseurs de l'époque romaine.

C'est un gobelet presque cylindrique, mais qui se rétrécit un peu vers la base où il existe un fond plat de cinq centimètres de diamètre. Sa hauteur totale est de douze centimètres. L'ouverture a un diamètre de dix centimètres et demi et est munie d'un rebord saillant ; à trois centimètres de cette ouverture un bourrelet légèrement angulaire limite une zone qui a été décorée à l'aide du poinçon et avant la cuisson, d'une double rangée de dents de loup, cet ornement bien typique qui, après avoir été employé à foison dans les bijouteries franques et carolingiennes, se voit encore fréquemment dans la décoration architecturale de nos monuments de l'époque romane.

Ce qui prouve que la gravure a été faite avant la cuisson, c'est que la terre du vase est rougeâtre, ce qui se voit à l'emplacement des attaches de l'anse qui a été brisée et que la teinte superficielle noire recouvre aussi bien les parois extérieures lisses que le fond des gravures. On sait que cette teinte noirâtre des vases funéraires francs et carolingiens a été obtenue par le séjour prolongé de la céramique dans un four où l'on faisait arriver, pendant un temps plus ou moins prolongé, une fumée très intense. C'est, du moins, l'opinion adoptée par les savants qui se sont occupés de la question. Elle a été aussi admise par les Allemands qui ont même fait, des vases à parois noirâtres, une subdivision dans la classification de certaines poteries antiques.

Une autre décoration placée sur la panse, au-dessus du filet saillant consiste dans la représentation, faite égale

« PreviousContinue »