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Pour la boisson, la plus courante est la bière, un peu de cidre et peu de vin, mais par contre le café avec la goutte, eau-de-vie ou genièvre, n'est pas dédaigné. Malheureusement cet usage conduit à l'alcoolisme et ce dernier vice tend à devenir un fléau dans les campagnes. Si l'on ne buvait que de la bière, le mal ne serait pas grand; mais le pis, c'est ce terrible et redoutable alcool de pommes de terre, vendu à bas prix, qui grise et rend fou.

J'en ai fini avec la nourriture qui avait sa place marquée dans une revue générale des coutumes et des usages locaux, au même titre que le costume et l'habitation.

Lorsqu'on passe dans les rues de Ronssoy, on peut entendre les habitants de l'endroit converser entre eux dans le patois du pays, sauf quelques rares personnes qui ont contracté ou conservé l'habitude de parler français. Cette habitude, d'ailleurs, tend à se généraliser.

Ce patois, qui est un parler rude, lent quoique expressif, est la langue connue sous le nom de picard; mais ce n'est qu'une variété du picard, car chaque région a son patois, dont le fond est le même, mais qui diffère néanmoins sensiblement sous le rapport des mots, de l'accent et de l'intonation. Ainsi, dans la contrée, c'est la prononciation nasale qui domine. L'accentuation est assez variable suivant les localités.

Le patois est appelé à disparaître. A la vérité, est-ce un mal? Je ne le crois pas, bien que ce fût le langage légué par les tayons, le parler de la vieille province. Si nous tenons à conserver les choses du passé, si nous gardons le culte des aïeux, alors, continuons à parler patois, sinon, parlons français : tout le monde nous comprendra, surtout les étrangers.

Avec l'unité de la France, les anciennes barrières pro

vinciales abolies, le patois, qui n'est plus qu'un vestige suranné du passé, disparaîtra aussi à la longue, comme tant d'autres choses d'autrefois. Diverses causes tendent à faire perdre à nos villages modernisés le cachet de provincialisme qui faisait cependant leur originalité, qui leur donnait un aspect particulier, une physionomie caractéristique, non dépourvus de charme. L'instruction rendue obligatoire, le service militaire d'une égale durée pour tous, la facilité et la fréquence des déplacements, la multiplicité des relations, tout concourt à uniformiser nos campagnes sous le niveau égalisateur du progrès général.

Jusqu'ici Ronssoy n'a donné naissance qu'à un homme qui a acquis une certaine célébrité : ce fut le peintre Anatole Vély (1), né en 1840.

Ancien élève de l'Ecole Delatour à Saint-Quentin et de Signol à l'Ecole des Beaux-Arts de Paris, il était en pleine possession de son talent ferme et gracieux, et il allait consacrer sa réputation, déjà fortement établie, quand il mourut, jeune encore, en 1882. Le musée de Péronne possède un tableau dû au pinceau de notre compatriote : Homère devant les bergers.

Semblable à bien d'autres, dont le mérite n'est réellement reconnu que longtemps après leur disparition, Vély subit le même sort. Si ses œuvres toutefois furent remarquées de son vivant, grâce aux heureuses qualités de leur auteur, elles sont recherchées actuellement, surtout par l'Amérique qui, dernièrement, en payait plusieurs un prix élevé. Nous citerons parmi les principales toiles de Vély:

Le Premier Pas, qui signala ses débuts et attira l'attention sur le jeune artiste, l'Amour et l'Argent, le Puits qui

(1) V. ci-dessus, page 66.

parle, Lucie de Lammermoor, le Fruit défendu et quantité de portraits.

En dépit des couleurs riantes sous lesquelles on peut dépeindre Ronssoy, pour rester juste, il faut néanmoins avouer que ce village périclite. Il est pénible de le dire. On préférerait annoncer sa prospérité plutôt que de constater sa décadence. Mais les faits, les chiffres sont là et ils parlent d'eux-mêmes. Chaque nouveau recensement accuse une diminution d'une centaine d'habitants environ.

Les causes? Elles sont de plusieurs sortes. L'agriculture se maintient, mais le terroir, trop restreint, n'offre pas les mêmes ressources que ceux, plus vastes, des villages voisins. L'industrie du tissage diminue de plus en plus, de sorte que l'émigration vers les villes s'opère presque régulièrement, au détriment de la localité.

Que conclure néanmoins de ce qui précède? Que Ronssoy, sous plus d'un rapport, est loin de faire mauvaise figure. La preuve en est dans l'aveu même des personnes étrangères qui y viennent séjourner, ne fut-ce que l'été, et qui s'y plaisent.

Pour l'aimer, même sans y être né, il suffit de le parcourir par un des beaux jours de l'été, pour qu'il apparaisse avec son charme réel, sa poésie intense, ses beautés champêtres. Il se montre au voyageur qui y pénètre, avec son côté agricole et industriel, ses sites reposants pour l'esprit et les yeux, dans un cadre de verdure, comme un asile de paix et de sérénité, au calme absolu et bienfaisant, préférable au tumulte et à la vie fiévreuse des cités, dont la civilisation factice ne vaudra jamais le doux et réparateur séjour d'un riant village verdoyant et ombragé.

MAURICE THIÉRY.

VASE FUNÉRAIRE

CAROLINGIEN

DÉCORÉ DE GRAVURES FAITES AU POINÇON

TROUVÉ

A MONCEAU-LE-NEUF (AISNE)

Toutes les personnes qui se sont occupées des anciens. cimetières, où dans le nord de la France, la Belgique, l'Angleterre et les bords du Rhin, reposent les populations franques et carolingiennes, connaissent ces petits vases en terre cuite noirâtre, à large ouverture, à la panse formant au milieu un angle saillant très apparent, ce qui leur donne une forme bi-conique si caractéristique.

La plupart du temps, on rencontre ces vases aux pieds des morts, plus rarement à la portée de la main, et par exception à la tête. Ils appartiennent tout spécialement à l'époque franque; on ne les voit jamais parmi la très nombreuse céramique déposée dans les tombeaux romains du Ive siècle.

De plus, nous ne trouvons cette forme que dans les contrées où ont séjourné les peuples d'origine germaine. Le cimetière de Selzen, si bien décrit, dès 1848, par Lindenschmit, nous en montre le type dans toute sa pureté.

Ce qui vient encore caractériser ces urnioles, ce sont les ornements géométriques qui occupent tout ou partie de la zone supérieure de la panse, ornements qui, lorsque la terre était encore fraîche, ont été obtenus par la pres

sion d'une roulette de bois ou de métal, possédant en relief les motifs qui devaient se reproduire en creux.

Ces motifs étaient extrêmement variés, mais vers la fin du vre siècle, on y voit d'abord apparaître la croix, puis, bien plus rarement, de barbares monogrammes, ou, encore, des fragments d'inscriptions en caractères romains (1).

Cette ornementation cesse soudainement quand apparaissent dans les tombes, avec le scramasaxe, les belles et grandes plaques-boucles, munies de gros clous saillants, en bronze ou en fer damasquiné, si connues et qui signalent l'aurore de l'époque carolingienne.

A ce moment, si l'usage de déposer ces sortes de vases dans les sépultures a persisté, on constate bientôt néanmoins, un changement assez appréciable de leur forme. La panse devient moins angulaire; puis, cet angle disparaît lui-même pour faire place à un ventre légèrement bombé ; et, pour toute décoration, on n'y voit souvent que des filets ou bourrelets saillants parallèles, plus ou moins rapprochés, plus ou moins nombreux. Parfois aussi, on trouve de petites coupes à large ouverture et a très petit pied. Quand, dans les tombes, il n'y a plus de mobilier funéraire, consistant en urnes et objets de parure, par ci, par là, on y rencontre encore ces sortes de vases; puis ils disparaissent eux-mêmes vers les confins des cimetières qui semblent avoir été abandonnés vers les Ixe et xe siècles, quand les populations désirèrent être enterrées autour des églises.

On a déjà bien discuté sur ces vases funéraires. Les uns, et c'est le plus grand nombre, ont voulu voir dans leur dépôt dans les tombes, une intention religieuse. Selon eux,

(1) Voyez pl. 35 de l'ouvrage de M. Boulanger : Le mobilier funéraire galloromain et franc de la Picardie et de l'Artois et p. 115 du même ouvrage.

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