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DU

DIRECTOIRE

PAR

A. GRANIER DE CASSAGNAC.

TOME DEUXIÈME

AUGMENTÉ DE PIÈCES JUSTIFICATIVES.

PARIS,
LIBRAIRIE DE HENRI PLON,

ANCIENNE MAISON PLON FRÈRES,

RUE GARANCIÈRE, 8.

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HISTOIRE

DU

DIRECTOIRE.

LIVRE XX.

LUTTE DES POUVOIRS ÉTABLIS PAR LA CONSTITUTION.

Principe de rivalité placé par la Constitution entre les pouvoirs. — Lutte du Directoire et des Conseils.. Le Directoire l'emporte.

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Sa suprématie

s'appuyait sur le besoin d'un pouvoir fort. Sa politique consiste à surveiller les partis au dedans et à repousser les ennemis au dehors.

I.

Placés fatalement dans une voie de rivalité et de lutte, le Directoire et les Conseils n'avaient pas la sagesse et le patriotisme nécessaires pour résister aux vices de leur institution et pour faire un usage raisonnable des pouvoirs mal conçus et mal définis dont ils étaient dépositaires. Les hommes qui les composaient ayant presque tous été mêlés à la violence et à la brigue du régime révolutionnaire, ne pouvaient pas

facilement prendre sur eux de rompre avec ses traditions et avec son esprit. Les Conseils pensaient malgré eux à l'Assemblée constituante, qui avait dominé Louis XVI; le Directoire pensait au Comité de Salut Public, qui avait dominé la Convention. La discorde était donc au fond même du gouvernement organisé par la Constitution de l'an III; elle éclata dès son premier acte.

Installé le 13 brumaire an IV—4 novembre 1795le Directoire adressa, le 16, au conseil des Cinq-Cents un message, dans lequel il demandait la somme de trois milliards, jugée nécessaire pour faire face aux besoins des services publics. Ce chiffre monstrueux d'assignats ne représentait d'ailleurs en réalité qu'environ soixante-douze millions de numéraire, le louis d'or étant coté trois mille francs à la bourse de cé jour'. Le conseil des Cinq-Cents vota sans difficulté cette somme; le conseil des Anciens la refusa.

Dans la forme, le conseil des Anciens avait raison, mais le moment était peut-être mal choisi pour affecter un tel rigorisme de principes.

II.

La Constitution avait attribué aux Conseils nonseulement le droit de voter les dépenses, mais encore celui d'affecter à chaque chapitre des ministères les diverses sommes qui s'y rapportaient. En outre, elle

1 Moniteur du 11 novembre 1795.

avait créé une trésorerie indépendante de tous les pouvoirs publics, chargée d'ordonnancer, sur la réquisition du Directoire, les sommes destinées à tel ou à tel emploi par un décret des Conseils. Le Directoire était donc sorti de ses attributions en demandant une somme générale, dont il eût fait ensuite la distribution entre les divers ministères : cette distribution appartenait aux Conseils, dont elle constituait la plus puissante prérogative.

Cependant, il y avait une sorte d'abus dans la résistance des Anciens, car les services publics ne pouvaient pas fonctionner sans argent, les ministres n'étaient pas encore à leur poste, et les cinq commissaires de la Trésorerie ne furent même nommés que le lendemain'. Il s'agissait donc moins, en ce moment, d'observer la Constitution que de lui donner la vie. Afin de lever les scrupules des formalistes, le Directoire soumit aux Conseils, le 8 novembre, la même demande de fonds, mais avec l'indication des sommes proposées pour chaque ministère. Les Conseils l'accordèrent sans discussion.

La lutte entre le Directoire et les Conseils recommença presque immédiatement, et elle se plaça sur un terrain où la question à résoudre impliquait la forme du gouvernement lui-même, et contenait comme une sorte de révision détournée de la Constitution de l'an III.

1 Moniteur du 12 novembre 1795.

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