Page images
PDF
EPUB

durrahman-bey, directeur de la monnaie ; et le troisième, par un homme peu connu, qui avait servi comme reis-effendi (trésorier) dans le camp du grand visir.

Le kapudan-bey, ou premier amiral, fut ensuite arrêté par ordre du capitan-pacha, et conduit à bord d'un vaisseau de guerre mouillé devant les Sept-Tours. On ne lui permit pas de prendre congé de sa famille, ni de mettre ordre à ses affaires. Dans l'interrogatoire qu'il a subi, il a été convaincu, dit-on, d'avoir manqué de fermeté lors de la dernière insurrection des janissaires, et d'avoir exercé des rapines dans les îles de l'Archipel soumises au ministère de la marine. Aussitôt l'interrogatoire fini, le capitanpacha fit étrangler l'accusé et jeter son cadavre dans la mer. D'autres exils eurent lieu, et plusieurs de ceux qui avaient été arrêtés comme chefs des dernières émeutes, disparurent après leurs interrogatoires.

Dans le même mois, Constantinople vit un événement qui fit presque autant de sensation que le changement du ministère.

Le grand seigneur avait concédé, depuis quatre ou cinq ans. à la famille arménienne des Douz-Oglou, déjà comblée des marques de sa faveur et de sa bienveillance, la fabrication, la ferme et la régie de toutes les monnaies, sous la direction de cet Abdurrahman-bey, qu'on vient de voir nommer kiaya-bey (ministre de l'intérieur.)

Dans la nuit du 14 septembre, un inspecteur des monnaies, nommé récemment, s'étant fait présenter, en entrant en charge, les livres de comptes, et y ayant trouvé un déficit de 22,000 bourses (environ 11,000,000 fr.), fit arrêter le chef de la famille des Douz-Olou. On ajoutait encore à ce délit l'accusation d'avoir fait frapper de nouvelles monnaies d'un aloi inférieur à ce qu'il avait été jusqu'ici, au su et du consentement du gouvernement. Les Douz-Oglou alléguaient, pour se justifier, que ces prévarications avaient eu lieu par l'ordre d'Abdurrahman-bey, ou au moins avec sa connivence bien payée. Celui-ci fut d'abord envoyé en exil à Demotica, puis ramené à Constantinople pour y être jugé avec les Douz-Oglou, et plusieurs banquiers arméniens. Les frères

Douz-Oglou, auxquels on reprochait d'ailleurs leur faste, leurs profusions, et l'établissement de quelques églises catholiques, furent mis à la question, dépouillés de leurs biens, et décapités le 16 octobre devant la porte du palais impérial; et le lendemain on y exposa, à côté de leurs têtes, celle du malheureux Abdurrahman-bey, avec des inscriptions qui rappelaient leurs crimes.

Ces exécutions firent une vive impression chez un peuple ordinairement indifférent à ces spectacles. Les Ulemas regardaient toute la procédure comme illégale; mais elle n'en entraîna pas moins la chute des principales familles arméniennes, l'anéantissement politique de leurs compatriotes chrétiens, et s'il faut en croire à des rapports qui paraissent authentiques, la confiscation des biens des condamnés s'éleva au quintuple de la somme qu'on les accusait d'avoir soustraite. La fortune du seul Abdurrahman-bey s'élevait à 10 millions.

1

Le gouvernement s'était flatté de ramener la tranquillité publique par la justice la plus sévère; mais il paraît qu'il ne fut pas tonjours secondé dans ses vues. Les troubles recommencèrent au mois de novembre; des janissaires de plusieurs ortes, mécontens du nouvel aga qu'on leur avait donné, conspirèrent sa mort, et pour l'attirer hors de son palais ils mirent le feu au quartier le plus voisin de leur caserne. Le 30 novembre au soir, l'aga se rendait, suivant le devoir indispensable de son office, aux lieux menacés par l'incendie, lorsque le gouvernement, instruit du danger qu'il courait, fit annoncer aux janissaires sa destitution. Cette précaution sauva ses jours. Un autre aga, nommé sur-le-champ, calma les esprits, fit des présens, ramena les janissaires qui travaillèrent à éteindre cet incendie, où plus de quinze cents maisons furent encore la proie des flammes.

A ces troubles, qui désolaient les provinces et la capitale de l'empire ottoman, se joignit, cette année, le fléau de la peste, qui fit à Constantinople plus de ravages que celle de 1812; elle s'étendit d'un côté jusqu'aux frontières de l'Autriche; de l'autre sur toute la côte d'Afrique jusqu'à Sierra Leone; à Tunis, elle emporta trente mille habitans, la moitié de la population, et se

répandit dans l'intérieur du pays, avec des caractères si terribles et si prompts, que le travail et les récoltes y furent totalement abandonnés.

Etats barbaresques. L'un des événemens les plus remarquables de cette année, est l'apparition d'une escadre française et anglaise devant Alger et Tunis, au mois de septembre. Cette escadre était composée, quant aux bâtimens anglais, du Rochefort, vaisean de quatre-vingts canons et d'un brick, sous le commandement du viceamiral Freemanste, et de deux bâtimens français, le Colosse, vaișseau de ligne et la Galatée, commandés par le contre-amiral Jurieu de la Gravière. Ils parurent en vue d'Alger le 1er septembre; les deux amiraux descendus à terre le 4, présentèrent le lendemain au dey, au nom de leurs souverains, l'extrait d'une résolution prise l'année dernière au congrès d'Aix-la-Chapelle, portant qu'il ne sera plus permis aux puissances barbaresques de rester dans l'état où elles ont été jusqu'à présent, et que dorénavant elles devront dans leurs relations politiques se regarder comme nations civilisées, etc. Le dey fit une réponse évasive à cette notification et les amiraux quittèrent Alger sans prendre d'autres mesures.

Le bey de Tunis, à qui la même notification fut faite, y répondit à peu près de la même manière. Il demanda que les puissances maritimes entretinssent près de lui des consuls accrédités, et réclama l'usage ancien des présens. A Tripoli on obtint des explications plus positives et plus satisfaisantes. Aucun corsaire n'était sorti des ports de cet état depuis le 1er juillet 1818, et le commerce y était florissant. D'ailleurs le dey invoquait, pour faire sa paix avec les puissances chrétiennes, la médiation de l'Angleterre, puissance dont on a vu presque partout l'action ou l'influence dans les affaires des autres, bien qu'elle en eût de plus sérieuses chez elle.

m

CHAPITRE VII.

[ocr errors]

-

Grande-Bretagne. Etat du pays. Ouverture de la session du parlement britannique.-Finances. — Proposition pour la restriction des paiemens de la banque en espèces.—Ouverture d'un emprunt. -Présentation du budget de 1819.-Rapport du comité des finances. - Discussions et résolutions prises à cet égard.-Propositions pour la révision des lois pénales et des lois sur les pauvres. Objets divers.-Bill pour interdire les secours aux insurgés des colonies espagnoles. — Prorogation du parlement.-Troubles, --Assemblées de réformateurs et de radicaux à Birmingham, à Smithfield, à Stockport, à Manchester. - Suite de l'affaire de Manchester. - Adresse du Common council de Londres au prince régent.— Election du lord maire. -SECONDE SESSION DU PARLEMENT. Discours du trône. Bills de répres sion proposés et adoptés,— pour l'interdiction des assemblées séditieuses, -pour la recherche et la saisie des armes, pour la prohibition des exercices militaires des radicaux et la poursuite des libelles, etc. Ajournement des deux chambres. Suite des mouvemens séditieux en Angleterre, en Ecosse et en Irlande. -COLONIES ANGLAISES. Iles foniennes. - Révolte Etat de Bonaparte à Sainte·Guerre contre les Caffres au cap de Bonne-Espérance. — Fin de la guerre de Ceylan. Nouvelle campagne dans l'Inde. Ses résultats.

à Sainte-Marie.—Situation des Barbades. Hélène..

-

[ocr errors]

Etat du pays. On a laissé l'année dernière l'Angleterre en proie aux dissensions'intestines qui résultent de l'excessive inégalité des fortunes et du poids des impôts, de la surcharge d'une population laborieuse sans travail, de l'exagération du système industriel, du découragement de l'agriculture, qu'on ne pouvait relever que par des lois odieuses sur les grains; du fardeau d'un papier-monnaie dans le plus riche pays de l'univers, et du progrès des doctrines subversives de la société, dans l'état qui so croit le mieux constitué des temps anciens et modernes.

On ne peut comparer la situation actuelle de l'Angleterre aveo celle des temps passés. Il y avait des partis, mais la masse du peuple prenait peu de part à leurs différends. Maintenant les in térêts généraux de l'état, les opinions sur la nature et les bases

du pouvoir, sont devenues le sujet des discussions journalières des écrivains populaires et de toutes les classes de la société. Tant que l'industrie anglaise a trouvé des débouchés, elle a pu chercher tous les moyens de multiplier ses produits; tant que le peuple n'a point souffert de l'invention des machines, l'Angleterre a pu s'applaudir de l'accroissement de sa population et de ses moyens industriels. Mais lorsque les marchés se sont fermés à ses produits, lorsqu'il s'est élevé partout des manufactures, et que chaque peuple a voulu produire ce qu'il consomme, le commerce anglais s'est senti frappé au coeur. Les fabricans ont restreint leurs fabrications et diminué le prix de la main d'œuvre, tandis que par l'effet des taxes oppressives, celui des objets de première nécessité ne diminuait pas. Ils ont réalisé leurs bénéfices, et n'ont laissé à l'ouvrier qui consomme ses salaires que le souvenir des sueurs qu'il avait versées les enrichir. Il ne faut pour pas s'étonner de l'influence qu'ont pu prendre alors des factieux, là où la misère faisait chaque jour tant de mécontens: car la société doit à tous ceux qui la composent, du travail ou du pain.

Le gouvernement anglais, si prononcé depuis la révolution française contre le système de toute réforme, avait pour appui les propriétaires, les capitalistes et les fabricans; classes où se sont agglomérés les propriétés et les capitaux, réunis désormais par l'instinct d'un intérêt commun. Mais ces classes, qui composent à peine le cinquième de la nation, ont à combattre les passions qui remuent jusqu'au fond des sociétés humaines, quand elles s'y développent à un certain degré. La bassesse et la pauvroté y sont aux prises avec l'orgueil et l'opulence.

Il n'est plus question maintenant, en Angleterre, de Torys ou de Whigs, les factieux d'aujourd'hui ne veulent pas seu lement renverser un ministère. Les réunions populaires que la constitution anglaise autorise, que des hommes d'état ne regardaient autrefois que comme des saturnales dont on faisait cesser le tumulte par l'apparition d'un constable, étaient devenues des émeutes légalement organisées, où il ne s'agissait plus du redressement de quelques griefs, mais du renversement de tout

« PreviousContinue »