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m'a déterminé à en présenter l'extrait qu'on vient de lire.

Dès qu'elle eût vu le jour, le comte de la Touche chancelier du prince, croyant le moment favorable pour briser tous les obstacles qui s'opposoient à son retour, monta dans la tribune de l'assemblée nationale, et dit:

« Je vais, Messieurs, parler au nom de Louis-Philippe d'Orléans ; je vais lire une lettre que je suis chargé de faire connoître à l'assemblée, et de déposer sur le bureau avec d'autres pièces. >>

Ce début obtint un silence universel au comte de la Touche; il lut la lettre suivante qui lui avoit été adressée par le prince.

Londres, 3 juillet, 1790.

« Je vous prie, monsieur, de mettre le plutôt possible, et en mon nom, sous les yeux de l'assemblée nationale les faits dont l'exposé est ci-dessous.

» Le 25 du mois dernier j'ai eu l'honneur d'écrire au roi, pour prévenir sa majesté que je me disposois à me rendre incessamment à Paris; ma lettre a dû arriver à M. de Montmorin le 29 du même mois. J'avois depuis pris en conséquence congé du roi d'Angleterre, et fixé mon départ à aujourd'hui 3 juillet après midi ; mais ce matin M. l'ambassadeur de France est venu chez moi m'a présenté un monsieur qu'il m'a dit. être

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M. de Eoinville aide-de-camp de M. de la Fayette, envoyé de Paris par son général le mardi 29. pour une mission auprès de moi. Alors ce M. de Boinville m'a dit en présence de M. l'ambassadeur, que M. de la Fayette me conjuroit de ne pas me rendre à Paris, et parmi plusieurs motifs qui n'auroient pu fixer mon attention, il m'en a présenté un plus important, celui des troubles qu'exciteroient des gens mal-intentionnés qui ne manqueroient pas de se servir de mon nom. Le résumé de ce message et de cette conversation est certifié par M. l'ambassadeur de France dans un écrit dont j'ai l'original entre les mains, et dont copie signée de moi est cijointe. Sans doute je n'ai pas dû compromettre légèrement la tranquillité publique, et j'ai pris le parti de suspendre toute démarche ultérieure; mais ce n'a pu être que dans l'espoir que l'assemblée nationale voudroit bien en cette occasion régler la conduite que j'ai à tenir, et voici les raisons sur lesquelles j'appuie cette demande.

» A l'époque de mon départ pour l'Angleterre, ce fut M. de la Fayette qui me fit le premier, au nom du roi, la proposition de me charger de la mission que sa majesté désiroit me confier.' Le récit de la conversation qu'il eut avec moi sur ce sujet, est consigné dans un exposé de ma conduite, que je me proposois de rendre public, seulement après mon retour à Paris, mais que d'après ce nouvel incident, je prends le parti de pu

blier aussitôt, comme aussi d'en faire déposer l'original sur le bureau de l'assemblée.

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On y verra que parini les motifs que M. de la Fayette me présenta pour accepter cette mission, un des principaux fut, dis-je, que mon départ ôtant tout prétexte aux mal intentionnés de se servir de mon nom pour exciter des mouvemens tumultueux dans Paris, lui M. de la Fayette en auroit plus de facilité pour maintenir la tranquillité dans la capitale; et cette considération fut une de celles qui me détermina. Cependantj'ai accepté cette mission, et la capitale n'a pas été tranquille; etsi en effet les fauteurs de ces tumultes n'ont pas pu se servir de mon nom pour les exciter, ils n'ont pourtant pas craint d'en abuser dans vingt libelles pour tâcher d'en fixer les soupçons sur moi. » Il est enfin tems de savoir quels sont

les gens mal-intentionnés dont toujours on connoît les projets, sans cependant pouvoir jamais avoir aucune indice qui mette sur leurs traces, soit pour les punir soit pour les réprimer; il est tems de savoir pourquoi mon nom serviroit plutôt que tout autre, de prétexte à des mouvemens populaires; il est tems qu'on ne me présente plus ce fantôme sans me donner aucune indice de sa réalité.

» En attendant, je déclare que depuis le 25 du mois dernier, mon opinion est que mon séjour en Angleterre n'est plus dans le cas d'être utile aux intérêts de la nation et au service du roi ; qu'en conséquence je re

garde comme un devoir d'aller reprendre mes fonctions de député à l'assemblée nationale; que mon vœu personnel m'y porte; qne l'époque du 14 juillet d'après les décrets

l'assemblée, semble m'y rappeller plus impérieusement encore, et qu'à moins que l'assemblée ne décide d'une façon contraire, et ne me fasse connoître sa décision, je persisterai dans ma résolution première. J'ajoute que si contre mon attente, l'assemblée jugeoit qu'il n'y a lieu à délibérer sur ma demande, je croirois en devoir conclure qu'elle juge que tout ce qui m'a été dit par le sieur de Boinville, doit être considéré comme non avenu, et que rien ne s'oppose à ce que j'aille rejoindre l'assemblée dont j'ai l'honneur d'être membre. Je vous prie Monsieur, après avoir fait connoître ces faits à l'assemblée nationale, d'en déposer sur le bureau le présent détail signé de moi, et de solliciter la délibération de l'assemblée à ce sujet.

» J'envoie copie de la présente lettre à sa majesté par M. de Montmorin, et à M. de la Fayette.

Signé, Louis-Philippe d'Orléans. » Chacun après la lecture de cette lettre se tut; les royalistes qui n'étoient point instruits de tout ce qui avoit été machiné pour rappeller ce prince, ne comprenoient rien ni à l'audace de cet ennemi de la patrie, ni à la politique du gouvernement qui laissoit revenir parmi nous ce boutte-feu. La Fayette

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qui étoit présent, gagna en souriant la tribune et témoignant par sa contenance qu'il lui suffisoit de demander la prolongation de l'exil de d'Orléans pour l'obtenir parla ainsi :

» Messieurs, d'après ce qui s'est passé entre M. le duc d'Orléans et moi au mois d'octobre, et que je ne me permettrois pas de rappeller, s'il n'en entretenoit lui-même l'assemblée, j'ai cru devoir à M. le duc d'Orléans de l'informer que les mêmes raisons qui l'avoient déterminé à accepter sa mission, pouvoient encore subsister, et que peut-être on abuseroit de son nom pour répandre sur la tranquillité publique quelquesunes de ces alarmes que je ne partage point, mais que tout bon citoyen souhaite d'écarter d'un jour destiné à la confiance et à la félicité commune.

» Quant à M. de Boinville il habitoit l'Angleterre depuis six mois; il étoit venu passer quelques jours ici; et à son retour à Londres, il s'est chargé de dire à M. le duc d'Orléans, ce que je viens de répéter à l'assemblée.

» Permettez-moi, Messieurs, de saisir cette occasion comme chargé par l'assemblée de veiller à cette grande époque à la tranquillité publique, de lui exprimer sur cet objet mon opinion personnelle. Plus je vois s'approcher la journée du 14 juillet, plus je me confirme dans l'idée qu'elle doit inspirer autant de sécurité que de satisfaction.

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