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que vous avez concerté pour l'avantage de la France. Que par-tout on sache que le monarque et les représentans de la nation sont unis d'un même intérêt et d'un même vou, afin que cette opinion, cette ferme croyance répandent dans les provinces, un esprit de paix et de bonne volonté..... Je défendrai donc, je maintiendrai la liberté constitutionnelle, dont le vœu général d'accord avec le mien a consacré les principes. Je ferai davantage; et de concert avec la reine, qui partage tous mes sentimens, je préparerai de bonne heure l'esprit et le cœur de mon fils au nouvel ordre de choses que les circonstances ont amené. Je l'habituerai dès ses premiers ans à être heureux du bonheur des François et à reconnoître toujours malgré le langage des flatteurs, qu'une sage constitution le préservera des dangers de l'inexpérience, et qu'une juste liberté ajoute un nouveau prix aux sentimens d'amour et de fidélité, dont la nation depuis tant de siècles, donne à ses rois des preuves si touchantes. . . . . Puisse cette journée où votre monarque vient s'unir à vous de la manière la plus franche et la plus intime, être une époque mémorable dans l'histoire de cet empire! Elle le sera, je l'espère, si mes vœux ardens, si mes instantes exhortations peuvent être un signal de paix et de rapprochement entre vous. Que ceux qui s'éloigneroient encore d'un esprit de concorde, devenu si nécessaire, me fassent le sacrifice de tous les

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souvenirs qui les affligent; je les payerai par ma reconnoissance et mon affection. Ne professons tous, à compter de ce jour, ne professons tous, je vous en donne l'exemple, qu'une seule opinion, qu'un seul intérêt, qu'une seule volonté, l'attachement à la constitution nouvelle, et le désir ardent de la paix, du bonheur et de la prospérité de la France. . »>

Quand le roi eut fini ce discours la salle retentit d'applaudissemens. Bureau de Pusy comme président fit au monarque la réponse

suivante :

« L'assemblée nationale voit avec la plus vive reconnoissance, mais sans étonnement la conduite confiante et paternelle de votre majesté. Négligeant l'appareil et le faste du trône, vous avez senti, sire, que pour convaincre tous les esprits, pour entraîner tous les cœurs, il suffisoit de vous montrer dans la simplicité de vos vertus. Et lorsque votre majesté vient au milieu des représentans de la nation contracter avec eux l'engagement d'aimer, de maintenir et de défendre la constitution et les loix, je ne risquerai pas, sire, d'affoiblir en voulant les peindre, les témoignages de la gratitude, du respect et de l'amour que la France doit au patriotisme de son roi, mais j'en abandonne l'expression au sentiment sûr qui dans cette circonstance, saura bien lui seul inspirer les François.

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Le roi se retirant fut couvert de bénédic

tions. On a depuis raisonné bien diversement sur cette séance royale; mais il est certain qu'alors l'enthousiasme fut universel, et qu'il n'y eût, du moins pendant un instant, dans l'assemblée entière, qu'un même esprit, qu'un même sentiment. Royalistes, impartiaux, orléanistes se confondirent, et manifestèrent les mêmes vues que le roi. Parmi ces derniers, le baron de Menou proposa des remercimens à Louis XVI, et tous les jacobins appuyèrent la motion. Parmi les impartiaux, le comte de Clermont-Tonnerre s'écria: « Je propose que le président se retire par devers le roi, pour l'assurer que nous sommes réellement tous ici réunis avec lui de cœur, de sentiment et d'affection. » Tous les impartiaux se levèrent et acceptèrent avec transport la proposition. Enfin parmi les royalistes, le marquis de Foucault l'un des plus ardens d entr'eux, demanda que sur-lechamp on envoyât dans les provinces, une adresse pour que les résolutions qu'avoit manifestées le roi, fussent adoptées par tous les, François comme elles l'étoient par tous les membres de l'assemblée. Il n'y eut pas un royaliste qui ne s'écriât qu'il faisoit la même motion, et qu'il signeroit l'adresse.

Goupil de Préfeln ayant ensuite demandé que chacun prêtât le serment civique, comme il l'appella, tous les membres de l'asseniblée et tous les spectateurs le prêtèrent avec empressement. Ce serment fut ainsi conçu:

« Je jure d'être fidèle à la nation, à la loi et au roi, et de maintenir de tout mon pouvoir la constitution décrétée par l'assemblée nationale et acceptée par le roi. >>

Il n'y eut dans l'assemblée que deux exceptions: l'abbé de Montesquiou prononça ainsi son serment: « Je jure, et je promets de donner l'exemple d'éteindre toutes les divisions, s'il peut en avoir existé dans cette assemblée. »

De Leyris Desponchez, évêque de Perpignan, prononça une formule d'un autre style « Désirant, dit le prélat, comme sa majesté, que la paix renaisse; espérant que la constitution sera perfectionnée dans les législatures à venir, je jure, etc. >>

Une nombreuse députation avoit accom pagné le roi au château. La reine tenant par la main le dauphin, vint au - devant de cette députation, et lui adressa ces pa

roles :

<< Je partage tous les sentimens du roi, et je m'unis de cœur et d'esprit à la démarche que son amour pour son penple vient de lui dicter. Voici mon fils : je l'entretiendrai sans cesse des vertus du meilleur des pères, et je lui apprendrai de bonne heure à respecter la liberté publique, et à maintenir les loix, dont j'espère qu'il sera le plus ferme appui. »

Cette démarche de la reine acheva de porter au plus haut degré, l'enthousiasme qu'avoit produit celle du roi; cet enthousiasme

gagna la France entière; il n'y eut qu'un très-petit nombre de personnes qui refusèrent de prêter le serment civique, par la raison quela constitution n'étoit point encore créée, et qu'on ne pouvoit se lier par un engagement, sans en connoître d'avance toute l'étendue.

La conduite que Louis XVI tint dans cette occasion, a été blámée même par des royalistes; ce n'est point ici le lieu de faire l'apologie de ce monarque; je ne dois cependant pas omettre une observation, c'est que les royalistes en s'empressant de prêter le serment civique., approuvèrent par cet acte solemnel la démarche de Louis XVI; s'ils rétractent aujourd'hui le jugement qu'ils en portèrent alors, s'ils condamnent Louis il est évident qu'ils se condamnent euxmêmes.

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Je dirai encore que dans la situation où Fon avoit mis Louis XVI, il ne pouvoit espérer de vaincre ses ennemis qu'à force de sacrifices et de condescendance. Il crut qu'en se déclarant le protecteur de la constitution qui alloit naître, il inspireroit aux législateurs un saint désir de ne créer que des loix qui allassent directement à la régénération de la patrie; il pensa qu'en se dévouant pour ainsi dire, tout entier à l'assemblée nationale, qu'en contractant avec elle une alliance solemnelle et intime, il mettroit fin à toutes les divisions, et ôteroit tout prétexte de persécuter ceux qui lui étoient restés

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