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d'une commission dont il l'avoit chargé. Ne voyant point son maître, il demanda à le Beau d'une voix tremblante: Eh! où est donc Monseigneur? Au tribunal, répondit le concierge. Au tribunal! reprit douloureusement la Marche. Au même moment tout son visage se décomposa, ses traits s'altérèrent, des larmes roulèrent dans ses yeux; il suffoquoit; il sortit précipitamment de la prison, et depuis le Beau ne l'a plus vu.

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Ce la Marche est un modèle de fidélité c'est le seul des serviteurs de d'Orléans, qui lui ait été constamment attaché jusqu'au dernier jour de sa vie ; il prévenoit tous ses désirs; il se multiplioit pour lui être utile; il lui prodiguoit ses soins avec une affection qui ne peut se peindre, et mille fois en les lui rendant, il détournoit la tête pour essuyer les pleurs qui malgré lui, inondoient son visage. Ce n'étoit point à la Marche à juger son maître ; et puisque rien ne dit qu'il ait contribué aux crimes de celui-ci, son attachement est louable et son nom mérite d'être recueilli par l'histoire.

D'Orléans trouva au tribunal son coaccusé Coustard dont on n'avoit pu se saisir assez à tems pour le réunir aux députés qui avoient été exécutés le 31 octobre. D'Orléans vit aussi là le plus ardent de ses amis; cet homme c'étoit le sinistre Voidel qui poussant jusqu'au dernier instant, le dévouement pour son ancien patron, venoit le défendre contre les antropophages qui composoient ce tribu

nal de sang. Quoique sans doute il fallût avoir perdu toute pudeur, pour oser se faire l'apologiste d'un monstre qui depuis quatre ans, ne vivoit que de crimes, il y a cependant dans ce dévouement, sur-tout si l'on considère les hommes devant lesquels Voidel en faisoit profession, une sorte de courage qui plait. On aime la fidélité et la constance partout où ces qualités se trouvent.

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Des que d'Orléans eût pris place, l'interrogatoire commença comme il suit : « Votre nom? - Louis-Philippe-Joseph Egalité. Votre âge? Quarante-six ans. Vos qualités? Amiral et député à la convention nationale. Votre demeure? A Paris. >> Après ce commencement d'interrogatoire, le greffier lut à Coustard et à d'Orléans, l'acte d'accusation qu'Amar avoit composé, et dont j'ai parlé plus haut. Cette lecture finie, le président dit aux accusés: «. Voila ce dont le peuple françois vous accuse par l'organe de ses représentans; prêtez une oreille attentive, les débats vont com

mencer. >>

cc.

Fouquier-Tainville alors fit subir à d'Orléans, l'interrogatoire suivant:

Avez-vous connu Brissot ?

<< Je l'ai connu, (1) mais je ne me rappelle

(1) Il paroit par cette réponse, que d'Orléans ignoroit la fin tragique de Brissot.

pas lui avoir parlé depuis qu'il est à la con

vention.

כל

» Quel étoit le poste que remplissoit auprès de vous Sillery-Genlis?

» Il m'étoit attaché en qualité de capifaine des chasses du ci-devant Dauphiné.

>> N'avez-vous point en chez Sillery des entrevues particulières avec Laclos, Brissot et autres conspirateurs?

>> Non.

» Depuis quel tems avez-vous cessé de fréquenter Pétion?

» Depuis qu'il m'avoit conseillé de donner ma démission de représentant du peuple. » N'avez vous pas assisté à des conciliabules tenus chez Pétion?

>> Non.

>> Comment avez-vous pu consentirà livrer votre fille entre les mains de ce traître et de la Genlis, femme adroite et perfide qui depuis a émigré ?

» J'ai à la vérité, consenti à livrer ma fille à la femme Sillery qui ne méritoit pas ma confiance: elle s'est associé Pétion; je lui ai donné sans dessein, mon approbation, pour qu'il l'accompagnât en Angleterre.

Mais vous ne deviez pas iguorer que la Sillery étoit une intrigante?

» Je l'ignorois absolument.

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Quel étoit le motif du voyage de votre fille en Angleterre?

>> Le besoin de voyager pour rétablir sa santé.

>> N'est-ce pas par suite d'une combinaison, que vous accusé, avez voté la mort du tyran, tandis que Sillery qui vous étoit attaché, a voté contre?

Non; j'ai voté en mon ame et cons

cience.

» Avez-vous connoissance que Pétion ait été lié avec quelqu'un de votre famille?

> Non.

» Vous n'avez sans doute pas ignoré qu'il entretenoit une correspondance très - suivie avec votre fils qui étoit à l'armée de Dumouriez ?

» Je sais qu'il a reçu de lui plusieurs lettres.

Avez-vous connoissance que Sillery étoit très-lié avec Buzot et Louvet?

> Non.

> Avez-vous connoissance que Louvet devoit proposer l'expulsion des Bourbons hors du territoire de la république ?

>> Non.

N'avez-vous pas un jour dîné avec Ducos et plusieurs autres députés conspirateurs ? » Je n'ai jamais eu de liaisons avec eux. » N'est-ce point par suite des liaisons qui existoient entre vous et la faction, que toutes vos créatures ont été nommées à la tête de nos armées ?

» Non certainement.

» Mais par exemple, vous ne devez pas ignorer que Servan n'étoit qu'un ministre

de nom

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et que c'étoit Laclos, votre affidé, qui dirigeoit le ministère ?

» Je n'ai aucune connoissance de ce fait. » N'avez-vous pas dit un jour à un député que vous rencontrátes, Que me demanderas-tu quand je serai roi?

» Jamais je n'ai tenu ce propos.

»Ne seroit-ce point à Poultier à qui vous l'auriez tenu? et celui-ci ne vous a-t-il pas répondu: Jete demanderai un pistolet pour te brûler la cervelle.

» Non.

» N'avez-vous pas été envoyé à Marseille par la faction, à l'effet d'écarter les traces de la conspiration dont vous étiez le principal chef?

» Non.

>> Comment se fait-il que vous qui étiez à Marseille au milieu des fédéralistes qui firent emprisonner et supplicier les patriotes ils vous ont laissé tranquille?

» Je parus devant un tribunal qui après m'avoir donné un défenseur, m'interrogea, et ne me trouva pas coupable.

» A quelle époque ont cessé vos correspondances avec l'Angleterre ?

» Depuis 1790 que j'y ai été pour y vendre une maison et des effets que j'y avois.

» Connoissez-vous le nommé Dumont? » Non.

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