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fameux Carrier, enjoignit de mettre en arrestation Sillery et d'Orléans eux-mêmes et d'apposer le scellé sur leurs papiers.

A peine ce décret fut rendu que des gens envoyés par la municipalité, vinrent se saisir de la personne de d'Orléans. On ne sait trop ce qu'il projettoit, ce qu'il machinoit encore dans ce moment, mais on le trouva occupé à vendre son linge de corps, c'étoit là sa dernière ressource. Il se promettoit sans doute d'exciter une nouvelle insurrection, on peut-être vouloit-il par ce dernier effort, s'assurer à prix d'argent la protection de Marat. C'étoit être descendu au dernier dégré de l'avilissement que d'être réduit à solliciter les bonnes graces d'un tel scélérat.

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A la vue des fusilliers qui venoient l'arrêter d'Orléans pâlit et s'évanouit. Revenu à lui, il fut traîné comme un lâche et vil malfaiteur à la Mairie; là il se lamen ta, il pleura; il supplia à genou, les mains jointes, qu'on lui permît d'écrire à la convention. Et voilà l'homme de boue qui se croyoit destiné à régner. La faveur qu'il demandoit lui ayant été accordée, il traça sur le papier les sales sottises qu'il avoit déjà débitées à la tribune des jacobins sur sa naissance. Il prétendit que s'appellant Egalité et non Bourbon, il devoit échapper au décret qui frappoit ceux de ce dernier nom. Ainsi le malheureux vouloit que l'impudicité de sa mère lui servît de sauve - garde. C'étoit là une

étrange apologie. Il finissoit par réclamer l'inviolabilité dont jouissoient les députés à la convention. Sa lettre fut lue, et nonseulement on repoussa ses observations et sa réclamation par ordre du jour, mais on décréta encore qu'il seroit transféré ainsi que tous les Bourbons, à Marseille.

Le jeune comte de Beaujolois, troisième fils de d'Orléans, fut également traduit à la Mairie. Cet enfant âgé à peine de treize ans, montra une fermeté qui eût dû faire rougir son père; mais la conscience du fils étoit pure, et celle du père étoit déchirée par les remords. Voici, m'a-t-on assuré, l'interrogatoire qui s'établit entre le jeune Beaujolcis et un des commissaires de la municipalité.

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«Etes-vous aristocrate? Oui.-Avezvous connoissance des projets de votre père? Non. Avez-vous en des communications avec madame de Sillery ?-Fi donc! »

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Tant de fermeté dans un âge aussi tendre est un vrai prodige. Puisse-t-il cet aimable enfant ne jamais oublier que ce n'est qu'en acquérant des talens solides, qu'en ornant son ame de toutes les vertus qu'il regagnera ce que lui a fait perdre la honte de sa naissance! Son mérite personnel ne servira qu'à le rendre plus digne de l'amour et de l'estime des hommes. C'étoit le ciel même qui dans cette occasion avoit mis sa sagesse dans sa bouche. Qu'il n'oublie jamais ce bienfait ! Que ses mœurs soient toujours pures. Qu'il

soit toujours fidèle à la religion de Louis IX et de Henri IV, et il n'aura jamais à craindre d'être délaissé par cet Etre-Suprême qui n'est què bonté !

S'il résiste au superbe, et puuit l'homicide
Il est le défenseur de l'orphelin timide.

Quant au duc de Montpensier, il étoit à cette époque dans l'armée de Biron, et ce Biron le compagnon de toutes les débauches, le complice de tous les crimes de d'Orléans, le plus ancien et en apparence le plus fidèle ami du prince, arrêtà lui-même le duc de Montpensier et l'envoya gardé par une forte escorte, dans les prisons de Marseille. Cette lâche et monstrueuse perfidie afflige, mais elle ne doit pas étonner. L'amitié fondée sur le crime, n'est elle-même qu'un crime, et rien de bon ne peut sortir d'une source aussi impure.

Le jeune comte de Beaujolois entra dans la prison de l'Abbaye sur les onze heures du matin. I contempla d'un oeil sec et tranquille ce séjour de douleur. Dans tout autre pays, dans tout autre siècle, sa candeur, la foiblesse de son âge eussent attendri tous les cœurs, et c'étoit un crime absolument nou- 1 veau de voir un enfant de treize ans contre lequel on n'articuloit pas le plus léger reproche, de voir l'innocence dans un cachot; mais dans ce siècle de philosophie, les choses les

plus sacrées ont-elles été respectées ? Cer qu'on s'étoit permis au Temple envers les enfans de Louis rendoit tout possible.

D'Orléans entra dans la même prison de l'Abbaye à huit heures du soir; il y trouva cet immoral Laclos, qui plus qu'un autre avoit contribué à l'entraîner à tous les désordres. Le prince en se voyant sous la puissance des geoliers, versa un torrent de larmes, et donna tous les signes du découragement et de la frayeur. Le courage ne peut pas s'allier avec une conscience impure. Son écrou n'énonça aucune cause de détention./ Il fut constitué prisonnier le 7 avril, c'està-dire, moins de trois mois après la mort de Louis XVI. Il faudroit être bien aveugle pour ne pas voir qu'un aussi étonnant chan-" gement dans un aussi court espace de tems, étoit l'ouvrage même de la providence. Je reviens souvent sur ces sortes de réflexions qui tendent à élever nos regards et nos cœurs vers l'arbitre suprême de nos destinées; on doit me le pardonner parce que je suis plein de la vérité que le pouvoir de cette providence ne s'est jamais mieux manifesté que dans le cours de notre révolution,`,

La duchesse de Bourbon, sœur de d'Or léans, entra dans la prison de la Force à la même heure où son neveu le duc de Montpensier entroit à l'Abbaye. La duchesse d'Or léaus eut la faculté de rester à Vernon parce qu'elle étoit malade; ce fut du moins là le

motif apparent de cette faveur; mais la vérité est que Robespierre qui commençoit seulement à essayer sa puissance, n'osa point arracher cette vertueuse et tendre bienfaitrice à des milliers de malheureux qui décla rèrent, hautement qu'ils lui feroient un rempart de leurs corps. On eut donc cette fois la preuve consolante que les bienfaits ne sont pas toujours perdus.

Ce qui prouve que l'indulgence dont on usoit envers la duchesse d'Orléans étoit forcée, c'est que le prince de Conty qu'une maladie douloureuse retenoit au lit, fut impitoyablement jetté dans les prisons de l'Abbaye. Le prince de Conty dont la conscience, comme je l'ai dit ailleurs, étoit dans son coffre-fort, ne jouissoit d'aucune considération, et on pouvoit tout se permettre à son égard.

Le 11 avril tous ces illustres prisonniers gagnèrent la route de Marseille; le voyage se fit lentement, mais il fut pénible pour le seul prince de Conty qui souffroit beaucoup; car d'ailleurs on eut pour les captifs tous les égards que comportoit leur situation; on ne savoit trop d'ailleurs quel étoit le sort qu'on leur destinoit, et de-là venoient sans doute les bons procédés des conducteurs.

Les parisiens se livrèrent à la joie en voyant s'éloigner de leur ville le prince qui l'avoit si long-tems remplie de troubles, de calamités, de forfaits. Ils reprirent leur an

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