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exterminateur qui avec son glaive abattra toutes ces tétes qui s'élèvent au-dessus des autres? Robespierre fut parini nous l'ange exterminateur qu'appelloit l'abbé Raynal. Il avoit juré de faire égorger tous ceux qui s'élevoient au-dessus des autres, soit par leur célébrité, soit par leur naissance, soit par leur probité, soit par leurs talens, soit par leur fortune. C'étoit là toute la politique de ce scélérat, et avec une telle politique il devoit également avoir soif du sang impur de d'Orléans.

,

De toutes parts aussi on commença à soulever une partie du voile sous lequel on avoit affecté de cacher les crimes du prince. Dans une des séances des jacobins, l'extrait de leur correspondance présenta l'anecdote sui

vante :

« On répand la nouvelle que le valet-dechambre de l'empereur, soupçonné d'avoir voulu empoisonner son maître et d'être l'auteur ou le complice de l'empoisonnement de Léopold, a été arrêté; que dans ses interrogatoires il a fait l'aveu de ces deux crimes, et a dit en avoir reçu le salaire du duc d'Orléans. »

Dans la tribune de la convention, le député Labaye lut la lettre suivante qu'il dit lui avoir été adressée de Séez par un de ses amis appellé Anquelin.

K

« Si je ne vous ai pas fait un détail circonstancié relativement à Egalité, c'est que je ne vous instruit de son passage que parce

pas

que je le crois homme dont il est prudent de 'se méfier, même de ces actions qui paroissent indifférentes. D'ailleurs je n'avois de certitude sur son voyage en Bretagne que par le bruit public qui dans ce pays-ci ne paroît lui être favorable, puisqu'on le soupçonne déjà d'être fomentateur des événemens fâcheux qui s'y sont passés. Ces faits n'ont sûrement pas lieu pour avoir été occasionnés par son passage à Séez le 22 mars dernier, puisque je me suis assuré par une des domestiques du citoyen Broquet, aubergiste à l'hôtel d'Angleterre, à Séez, où il logea, qu'il avoit dit qu'il alloit à Alençon voir le département. Il se donna le nom du citoyen Fécamp, intendant d'Egalité. Par le détail qu'on m'a fait de sa taille, de sa figure rouge et bourgeonnée que j'ai vue souvent à Eu, il n'y a pas de doute que c'est Egalité père lui-même. Il invita son aubergiste d'aller à Alençon avec lui dans sa voiture, parce que vraisemblablement c'étoit pour l'annoncer auprès de son beau-frère Hominez, ci-devant procureur à Séez, homme fait pour lui être utile, vu qu'il est actuellement membre du département d'Alençon; mais ce particulier ne put l'y accompagner à cause qu'il se trouvoit forcé de partir avec le détachement de volontaires destiné pour la Bretagne ; alors j'ignorois ce qu'a prétendu faire notre homme en question.

» Il logea à l'hôtel du Maure à Alençon, autre beau-frère de notre membre du dépar

tement

tement; mais ce que je puis vous assurer, c'est qu'à son retour par Séez, le lundi 25, il logea au même hôtel qu'à son départ, et passant sur la place il fut arrêté par la garde; alors il montra un passe-port sur lequel il étoit dénommé, Philippe PREMIER, Egalité. Quant à la conversation qu'il eut en passant à Séez avec l'aubergiste qu'il fit monter à sa chambre, et avec lequel il but du vin, il l'interrogea pour savoir ce qu'on disoit de lui, s'il étoit aimé dans ce pays, et si le peuple seroit fâché ou bien-aise de l'avoir pour roi; à quoi il lui fut répliqué qu'il n'avoit pas assez de connoissances pour lui répondre affirmativement.

<< Sans doute qu'Egalité n'aura pas manqué d'interroger les aubergistes où il a passé; il n'avoit avec lui qu'un jeune homme de quatorze à quinze ans. Il voyageoit en poste. »

Ainsi d'Orléans étoit dénoncé accusé prescrit, poussé dans l'abîme par ses propres complices. Je ne puis m'empêcher de faire remarquer ici que tel a été le résultat de chacun de nos nouvemens révolutionnaires que lorsqu'un parti l'a emporté sur un autre parti, les vainqueurs à leur tour n'ont jamais manqué de s'entr'égorger. On diroit que le ciel avoit réservé pour nous l'accomplissement de cette menace d'un prophête: (1)

(1) Zacharie. Tome III.

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Je leur ai dit, je ne serai plus votre pasteur; que ce qui doit mourir aille à la mort; que ce qui doit être retranché soit retranché, et que ceux qui demeureront SE DÉVORENT LES UNS ET LES AUTRES.

Le tems de la vengeance céleste étoit arrivé, le bras de la justice divine alloit enfin frapper le coupable. On ordonna à d'Orléans et à Sillery d'aller rendre compte de leur conduite au comité de sûreté générale; ils y comparurent en supplians. Deux jours après, on lança des mandats d'arrêt contre plusieurs personnes, entr'autres contre le méprisable abbé d'Espagnac, un nommé Hébert, secrétaire de Duport ancien conseiller au parlement; Bonne-Carrère; Gouyd'Arcy; Asseline; une amie de Dumouriez appellée Boisvert ; Westermann ; Broglie; Boisgelin, ce même gentilhomme qui avoit figuré dans les premiers mouvemens de la Bretagne; la Marquise de Sillery; les ducs de Chartres et de Montpensier, et un nommé Sauvan, domestique de d'Orléans.

Victor

Le scellé fut mis sur les papiers de tous ces gens-là. On lança des décrets d'arrestation (1) contre Valence et toute sa famille, contre

(1) J'emploie ce mot quoiqu'il ne soit pas françois; il est tellement consacré par l'usage et l'abus qu'on en a fait, qu'on me pardonnera d'avoir fait ce léger sacrifice au néologisme de nos novateurs,

la marquise de Montesson et la duchesse d'Orléans.

Sillery et d'Orléans se flattoient que la foudre n'arriveroit pas jusqu'à eux. A quoi pensez-vous, (1) dit Guadet au dernier? Vous étes perdu si vous ne demandez pas vousmême un décret qui vous bannisse de France ainsi que toute votre famille. D'Orléans ne fit nulle attention à cet avis. La surlendemain, Guadet avant rencontré Sillery, lui parla du conseil qu'il avoit donné au prince. Eh! oui, répondit Sillery, il n'y a que ce parti à prendre, je le sens bien. Je vais lui faire un bout de discours, à la fin duquel il demandera ce décret, car il ne sait rien faire de lui-même.

Soit que Sillery négligeât de son côté l'avis de Guadet, soit que le prince crût que Marat qui continuoit à lui offrir sa protection, seroit assez fort pour le tirer de ce mauvais pas, ni le discours ni la demande n'eurent lieu. Les deux coupables ne prirent aucune précaution; ils restèrent sans force contre le coup qui ne tarda pas à les frapper. Un premier décret ordonna qu'ils seroient l'un et l'autre gardés à vue; un second décret voulut que tous les membres de la maison de Bourbon fussent mis en état d'arrestation; enfin un troisième décret rendu sur la motion du

(') Guadet a raconté lui-même ce fait à la convention nationale.

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