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HISTOIRE

DE LA

CONJURATION

D. E

LOUIS-PHILIPPE-JOSEPH D'ORLÉANS, SURNOMMÉ ÉGALITÉ.

LIVRE DIX-HUITIEM E.

D'Orléans renonce au nom de ses ayeux. Il se compare à Brutus. Il est abandonné par Robespierre. Il est dénoncé dans la société des Jacobins, comme empoisonneur, et dans la convention, comme aspirant à la royauté. Il est arrêté sur une motion de Carrier, conduit à l'Abbaye, et de-là transféré dans les prisons de Marseille. Vie qu'il mène dans cette dernière prison. Il revient à Paris, dans les prisons de la conciergerie. Son jugement. Sa mort. Détails sur sa famille.

PEU

EU après les massacres des 2 et 3 septembre, d'Orléans s'étoit traîné de lui-même au dernier terme de la dégradation. Il étoit

monté dans la tribune des jacobins, portant pour diadême, le bonnet rouge. Là il avoit déclaré solemnellement qu'il n'étoit point le fils du dernier duc d'Orléans; que l'opinion publique qui vouloit qu'il dût le jour à un valet d'écurie, disoit la vérité; qu'il étoit notoire que son grand père avoit constamment refusé de le reconnoître pour un membre de sa famille, pour un Bourbon, et qu'il souscrivoit à ce jugement; qu'il n'étoit pas moins notoire que sa mère n'avoit jamais respecté l'union conjugale, et qu'il avouoit avec le public, qu'il étoit le fruit d'un des adultères de cette moderne Messaline. Ainsi le malheureux consacroit avec

solemnité son propre avilissement, et la prostitution de sa propre mère. Pouvoit-il descendre plus bas?

Il avoit écrit ces honteuses et criminelles folies à la Commune de Paris, lui demandant un nom qui prouvât que ce n'étoit pas le sang de Henri IV qui couloit dans ses veines. La commune avoit en conséquence pris l'arrêté suivant.

« Le conseil général de la commune de Paris arrête sur la demande de Louis-Philippe-Joseph, prince françois, ce qui suit: « 1°. Louis-Philippe-Joseph et sa postérité porteront désormais pour nom de famille, Égalité.

« 2°. Le jardin connu jusqu'à présent, sous le nom de Palais-Royal, s'appellera désormais jardin de la Révolution.

« 3°. Louis-Philippe-Joseph Egalité est autorisé à faire faire soit sur les registres publics, soit sur les actes notariés mention du présent arrêté. »

Dès ce moment, d'Orléans prit le burlesque nom d'Egalité et le donna à ses enfans. Le duc de Chartres s'en fit honneur parmi les soldats. Lorsqu'il eût émigré, des officiers autrichiens lui témoignant qu'ils ne concevoient pas comment il avoit eu l'anie assez basse pour échanger le nom de ses ayeux contre celui d'Egalité, il leur répon dit: Je n'avois pris ce nom que pour mettre dedans les badauts de Paris. Il se trompoit, et connoissoit mal ses concitoyens. Jamais les Parisiens n'ont été mis dedans par le duc de Chartres; jamais ils ne consentiroient à la honte de le voir même revenir

Parmi eux; ils pensent que le misérable qui renie ses parens, mérite aussi d'être renié par ses concitoyens.

D'Orléans avoit pareillement ses vues en se travestissant en citoyen Egalité. Les maratistes l'avoient prévenu que l'intention de Robespierre qui commençoit à exercer son affreuse tyrannie, étoit de faire déporter tous les Bourbons, et même de mettre leur tête à prix. D'Orléans pensoit qu'il échapperoit à cette proscription, en faisant déclarer par la Commune, qu'il ne s'appelloit point Bourbon, mais Egalité. Cette combinaison digne de lui, ne manquoit pas d'a

dresse, mais il fut encore trompé dans cet espoir.

Dès que la convention connut officiellement la défection de Dumouriez, les brissotins se bâtèrent de prendre contre leurs adversaires, l'initiative de l'accusation d'orléanisme. Barbaroux s'écria du haut de la tribune « Eh bien? êtes-vous convaincus maintenant qu'il y avoit une faction d'Orléans? Que demande Dumouriez? L'ancienne constitution. Qui placera-t-elle sur le trône ? C'est d'Orléans, c'est sa famille. »

Les maratistes récriminèrent bien contre Barbaroux et tous les brissotins, et certes la récrimination étoit fondée; mais dans le fonds, les faits parloient trop haut pour qu'on pût se refuser aux conséquences qui sortoient contre d'Orléans, de la conduite de Dumouriez. Sillery confus, pâle de honte, monte à la tribune après l'exclamation de Barbaroux, et regardant stupidement l'image de Brutus qui étoit vis-à-vis lui, il dit pour toute apologie: Je vois Erutus. Il entendoit par-là qu'il seroit lui-mêine le bourreau de son gendre Valence.

D'Orléans monte à son tour à la tribune, et copiant servilement la sanguinaire facétie de Sillery, il dit: Je vois aussi Brutus. Ce qui signifioit qu'il donneroit lui même la mort à son fils le duc de Chartres. Eh! misérable, lui cria un député, ce ne sera pas le premier sacrifice de famille que tu auras fait à la liberté!

que

Ainsi d'Orléans et Sillery confessèrent Valence et le duc de Chartres étoient des traîtres et des conspirateurs. Comme ces derniers n'avoient cessé dêtre en correspondance avec les deux premiers, l'aveu que faisoient d'Orléans et Sillery, se tournoit contr'eux. C'est une chose bien digne d'être recueillie par l'histoire, P'histoire, qu'il fût prouvé dans cette affaire, que le duc de Chartres n'avoit également cessé jusqu'à l'instant de son émigration, de correspondre avec Pétion. Ce seul fait prouve que Pétion n'étoit qu'un fourbe qui inentoit à tous les partis ; son ame pétrie d'imposture, nè désiroit que l'élévation de la branche d'Orléans, tandis que sa bouche ne cessoit de répéter : La république ou la mort !

D'Orléans en étoit venu au point de ne pouvoir plus tromper personne. L'espèce de serment qu'il avoit prononcé en contemplant l'image de Brutus, ne rehaussa point ses affaires; sa dernière heure étoit sonnée. Les brissotins, scit qu'ils parlassent sincèrement soit qu'ils dissimulassent, échauffoient contre lui l'assemblée nationale; les maratistes ne sembloient plus prendre à lui qu'un très-foible intérêt, et ce qui étoit pire, Robespierre se décidoit à l'abandonner.

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L'abbé Raynal dans son histoire très peu philosophique et très impolitique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, fait quelque part cette exclamation: Quand donc paroftra cet ange

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