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le fait de véritables royalistes. Voilà la raison qui fit que cette question précédât les

autres.

Les orléanistes raisonnèrent avec justesse dans cette occasion. Leurs adversaires se trouvèrent pris dans le piége. Pour ne point démentir ce qu'ils avoient si souvent imprimé et crié, ils décidèrent la question par l'affirmative; de sorte qu'il fut déclaré à l'unanimité que Louis étoit coupable. Un seul député eut le courage de dire qu'il n'avoit pas été envoyé par ses commettans pour juger

son roi.

Lorsque le tour de d'Orléans pour opiner sur cette première question fut arrivé, il monta à la tribune comme ceux qui l'avoient précédé, et de-là cria d'une voix forte: oui. Ce sanguinaire oui excita un mouvement tumultueux d'indignation parmi ses adversaires, quoiqu'ils l'eussent également prononcé. Ce n'étoit pas là une inconséquence; c'étoit un témoignage que ce mot n'auroit pas dû sortir de la bouche du parent de Louis.

Louis étant déclaré coupable, il ne s'agissoit plus que du choix de la peine; mais les brissotins crurent qu'ils sauveroient l'accusé En décidant la seconde question par l'affirmative. La chose pouvoit arriver, elle n'eut pas lieu par leur lâcheté, par la crainte qu'ils eurent des menaces qu'on leur faisoit et par peu d'accord qui régnoit même entr'eux, en sorte qu'il fut décidé à la pluralité des voix, que le jugement ne seroit pas soumis

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à la ratification du peuple. Par cette décision, le peuple se trouve absous de la mort de Louis XVI.

Sur cette seconde question d'Orléans après être monté comme la première fois à la tribune, et ne sachant pas dire deux mots de mémoire, lut sur un papier son opinion ainsi conçue je ne m'occupe que de mon devoir; je dis non. Le scélérat osoit parler de devoir; son devoir étoit tout au moins de se récuser. Ce non excita contre lui le même mouvement d'indignation qu'avoit produit le oui.

Il ne s'agissoit donc plus que de savoir quelle peine on prononceroit contre Louis. Les brissotins votèrent les uns pour la dépor tation, les autres pour la détention, mais les orléanistes par des menées que développera l'histoire de cet effrayant procès, obtinrent une majorité de cinq voix; ainsi une foible majorité de cinq voix envoya à l'écha faud le descendant de soixante-six rois; et comme tout devoit être épouvantablement extraordinaire dans cette affaire, son délit fut de n'avoir pas été fidèle à cette constitution, que ceux-là mêmes qui le jugèrent venoient de renverser.

Quelle déplorable et terrible destinée que celle de ce monarque! I rend à la France ses anciennes assemblées nationales; trois sent convoquées sous son règne; la première le dépouille de son autorité; la seconde de sa liberté, et la troisième de la vie. Le cœur est oppressé, est déchiré par cette triste ré

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flexion. Que la politique du moins en tire cette leçon, que l'homme puissant qui élève àcôté de lui une puissance, se donne un rival, et bientôt un ennemi. L'autorité suprême est un dépôt qui doit rester tout entier aux mains à qui la providence l'a confié.

Sur cette dernière question l'infâme d'Orléans du haut de la tribune, prononça ou plutôt lut ces effroyables paroles: Uniquement occupé de mon devoir, convaincu que tous ceux qui ont attenté ou attenteroient par la suite à la souveraineté du peuple méritent la mort je vote pour la MORT.

La MORT! Ce mot dans la bouche de ce monstre fit pousser un cri d'effroi même à des hommes qu'on ne croyoit plus susceptibles d'humanité; ils se levèrent brusquement, et détournant la tête, faisant avec les mains un mouvement comme pour repousser ce misé rable, ils s'écrièrent: Oh ! l'horreur! Oh! le monstre !

Prince inhabile, assassin stupide, Philippe croyoit par cet excès de férocité se, frayer un chemin au trône. Sa brutale ambition l'aveugla. Ce cri de sang que bientôt après répéta l'univers entier, et qui retentira dans la postérité la plus reculée, fut à peine sorti de sa bouche qu'il éleva entre le trône et lui une barrière insurmontable; il ébranla le ciel même qui s'apprêta à faire descendre sur sa tête un jugement épouvantable. Son rôle fut fini dans la révolution. La haine universelle dont il s'enveloppa en votant la mort de son

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roi, de son parent, de son bienfaiteur, le rendit un objet d'exécration et de mépris pour ces mêmes maratistes dont il avoit acheté la honteuse amitié. Chacun commença à hâter par ses voeux son supplice. Dumouriez luimême étonné et comme effrayé du discrédit subit dans lequel tomboit le prince au sein de la capitale, alla se cacher aux environs de Paris, attendant avec inquiétude la dernière scène de ce drane tragique qu'avoit commencé la révolution. Le sanglant dénouement ne se fit pas long-tems attendre.

Louis interjetta appel du fatal décret, au peuple; l'appel fut rejetté. Ainsi le peuple fut une seconde fois absous de la mort de Louis XVI; ainsi ce ne sera pas contre le peuple françois que criera le sang du descendant de Henri IV.

Louis qui n'avoit trouvé que dans les consolantes promesses de la religion, la force de supporter ses longs tourmens, demanda encore un délai de trois jours, pour me préparer, dit ce digne fils de S. Louis, à paroître en présence de Dieu. Cette triste et dernière faveur lui fut impitoyablement refusée. Il dévora tout; il but le calice jusqu'à la lie sans qu'aucune plainte sortît de sa bouche.

Si l'on veut savoir comment Louis reçut la nouvelle de sa mort à laquelle il s'atiendoit depuis bien du tems, voici ce qu'a raconté à ce sujet, un homme qni ne peut pas paroître suspect; c'est cet exécrable Hébert,

surnommé le père Duchesne, qui étoit alors substitut du procureur de la Commune. Je voulus être du nombre de ceux qui devoient être présens à la lecture de l'arrêt de mort de Louis. Il écouta avec un sang-froid rare, la lecture de ce jugement. Lorsqu'elle fut achevée, il demanda sa famille, un confesseur, enfin tout ce qui pouvoit lui être de quelque soulagement à son heure dernière. Il mit tant d'onction, de dignité, de noblesse, de grandeur dans son maintien, et dans ses parolesque je ne pusytenir. Des pleurs de rage vinrent mouiller mes paupières. Il avoit dans ses regards et dans ses manières, quelque chose de visiblement surnaturel à l'homme. Je me retirai en voulant retenir des larmes qui couloient malgré moi, et bien résolu de finir là mon ministère. Je m'en ouvris à un de mes collègues qui n'avoit pas plus de fermeté que moi, pour le continuer, et je lui dis avec ma franchise ordinaire: Mon ami les prétres membres de la convention, en votant pour la mort, quoique la sainteté de leur caractère le leur défendit, ont formé la majorité qui nous délivre du tyran. Eh bien! que ce soient aussi des prétres constitutionnels qui le conduisent à l'échafaud. Des prêtres constitutionnels ont seuls assez de férocité pour remplir un tel emploi. Nous. fimes en effet décider, mon collègue et moi que ce seroient les deux prêtres municipaux Jacques Roux et Pierre Bernard qui conduiroient Louis à la mort, et on sait qu'ils s'ac

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