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léans. Si en commençant l'histoire de ses crimes, j'eusse prévu ce qu'il en coûteroit à mon cœur, pour reporter sans cesse mes souvenirs sur tant de calamités dont cet exécrable prince a couvert une patrie qui dès sa naissance l'avoit comblé de bienfaits, sur tant de sang dont il la inondée, surtant de larmes qu'il a fait couler, je n'eusse jamais entrepris cette tâche. Une seule considération m'a soutenu dans ce pénible travail, et m'encourage à le terminer, c'est que le 'tableau de nos erreurs, de nos désastres, de nos crimes sera désormais la leçon des peuples, et de ceux qui sont appellés à les gouverner. Cette lecon en rendant à l'avenir les hommes meilleurs, les rendra aus. plus heureux. Ainsi le bonheur des générations futures sera le fruit de notre propre infortune. Triste consolation sans doute pour la génération actuelle ! Mais enfin puisque nous n'avons pas compris que de tous les maux qui peuvent affliger les sociétés policées, le plus grand étoit I amour des nouveautés foudamentales, désirors que cette vérité soit fortement imprimée dans l'esprit de ceux qui nous succéderont..

Fin du Livre Seizième.

DE LA

CONJURATION

DE

LOUIS-PHILIPPE-JOSEPH D'ORLÉANS,
SURNOMMÉ ÉGALITÉ.

LIVRE DIX-SEPTIEME.

Hypocrisie des orléanistes. Leurs manœu vres pour avoir une convention nationale à leur dévotion. Visites domiciliaires. Massacre dans les prisons. D'Orléans ordonne nommément l'assassinat de la princesse de Lamballe. Diversion qui s'opère dans son parti. Jugement et mort de Louis XVI. Rólé que d'Orléans joue dans cette affaire. Il devient en hor reurà ses propres partisans. Inquiétudes qui le dévorent. Il devient le jouet du parti de Marat. Il donne son bilan. La duchesse son épouse se sépare de biens d'avec lui. La désertion de Dumouriez achève de ruiner ses affaires.

Tous ceux qui ont écrit sur quelqu'une des époques de notre révolution, ont été trompés par les apparences. Ils ont cru que

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les jacobins avoient voulu d'abord de bonne foi la constitution, et ensuite avec la même sincérité une république. Ils n'ont jamais voulu, et ne veulent encore en cet instant, qu'un changement de dynastie. La preuve qu'ils n'ont jamais voulu la constitution, c'est qu'ils l'ont renversée dès qu'ils l'ont

La preuve qu'ils n'ont jamais désiré une répu blique, c'est que nous ne l'avons pas encore. Quand il n'y a nulle barrière entre les gou vernés et les gouvernans; quand ceux-ci sont à-la-fois pontifes, rois, législateurs, juges; quand ils sont maîtres absolus des deniers publics, de toutes les productions du sol, de l'industrie du marchand, du tra vail des manufactures, de toutes les forces de terre et de mer; quand en prononçant le seal mot réquisition, ils peuvent disposer de votre personne à leur gré; ils peuvent vous enlever vos femmes, vos enfans, vos ouvriers, vos animaux domestiques; un tel état ressemble infiniment moins à une république, que le gouvernement Dauois.

Depuis la mort de Louis XIV, c'est vers. un changement de dynastie que les calvinistes et les philosophes n'ont cessé de marcher. Ils ne l'ont jamais avoué; mais ils n'en ont pas moins toujours cu la chose dans le cœur. A leur exemple, les jacobins out craint dans tous les tems, d'avouer que c'é toit d'Orléans qu'ils vouloient mettre sur le trône des François. C'est sans doute une bien grande bizarrerie que ces jacobins s'étant

trouvés dans des circonstances où ils pouvoient tout dire, comme tout faire, ils aient cependant conservé cette crainte. Je n'entreprendrai pas d'expliquer cette singularité; je reviens au récit des faits.

Lorsque les orléanistes eurent obtenu la suspension du roi, sa détention et une convention nationale, ils eurent l'air de croire que cette assemblée feroit d'elle-même ce qu'ils n'osoient pas faire eux-mêmes, c'està-dire qu'après avoir mis à mort Louis VVI, elle donneroit son trône à d'Orléans. Ne voulant pas avouer que c'étoit-là le but auquel ils tendoient, ils commencèrent à crier plus haut que jamais, qu'il falloit convertir la France en une république. Ils renouvellèrent le manège dont ils avoient donné l'exemple après le retour du roi, de Varennes. D'Orléans écrivit de nouveau aux journalistes qu'il renonçoit à ses droits, et qu'il n'ambitionnoit ni la royauté, ni la régence. Sieyes crioit avec plus de franchise dans les clubs et dans les comités : Sans changement de dynastie, point de révolution!

L'abbé Fauchet un de plus ardens républi cains en apparence, étoit au fond de son ame un chaud royaliste. J'ai de lui trois lettres originales où il professe le plus pur rovalisme.

Pétion continuoit à vivre dans la plus grande intimité avec Sillery et toute la famille d'Orléans. Manuel disoit dans la tribune des jacobins, que la liberté étoil meil

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leure à désirer qu'à obtenir. Soit cependant qu'il commençât à croire que d'Orléans n'étoit pas propre à régner sur les François soit qu'il voulut simplement donner de la jalousie au prince, pour en arracher toutes les sortes de sacrifices, il annonça dans la même tribune des jacobins, qu'il seroit peut être convenable de mettre sur le trône, ou le duc d'Yorck, ou le duc de Brunswick. Thuriot fit entendre la même opinion.

Voici en toutes lettres ce que Brissot prononça dans l'assemblée nationale, quelques jours avant le 10 août (1): On nous parla d'une faction qui veut établir la république. Si ces républicains régicides existoient, s'il existe des hommes qui tendent à établir la république, le glaive de la loi doit frapper sur eux, comme sur les amis actifs des deux chambres.

Carra qu'on regardoit comme un des fondateurs de la future république, écrivoit dans son journal: « La Prusse, l'Angleterre et la Hollande ne sont pas si mal-adroites de vouloir détruire les jacobins qui ont des idées si heureuses pour les changemens de dynasties. Croyez-vous que le célèbre duc de, Brunswick ne sait pas à quoi s'en tenir sur tout cela? C'est le plus grand guerrier et le plus grand politique de l'Europe que le duc de Brunswick; il est très-instruit, très

(Le 26 juillet 1792...

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