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moi, allez vous coucher. Pétion fut obéi; la foule disparut, et la famille royale après cinq heures d'angoisses, put enfin se réunir, et respirer.

Le lendemain, l'insurrection sembla vouloir se rallumer, on fit encore une tentative cont le château; le rappel battit; la reine vole auprès de son fils. Eh! quoi, maman, lui dit avec ingénuité le jeune prince, est-ce qu'hier n'est pas encore fini? Malheureux enfant! Hier ne devoit jamais finir

lui.

pour Cette seconde tentative fut tout aussi inu

tile pour les conjurés que celle de la veille; elle ne produisit absolument rien. 'D'Orléans informé de ce qui se passoit, content de n'avoir pas été compromis, et se promettant plus de succès d'un nouvel effort, se hâta de revenir à Paris. Dans les diverses conférences qu'il eut avec ses complices, il se convainquit qu'il falloit sans retard exciter une nouvelle insurrection. La journée en effet du 20 juin nuisoit infiniment à la faction. La conduite que le roi avoit tenue au milieu des légions d'assassins dont il s'étoit vu environné, inspiroit pour sa personne un intérêt qui augmentoit journellement le nombre de ses partisans. Il étoit instant d'arrêter les effets que cet intérê pouvoit produire.

« La journée du 20 juin, dit le révolutionnaire Garat dans ses mémoires, ayant beaucoup rehaussé les affaires de la famille. royale, Danton conçut, enfanta, organisa la journée du 10 août. » Rien n'est plus vrai.

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Danton s'étoit substitué en idée auprès de d'Orléans, au comte de Mirabeau dont il affectoit de copier les manières brutales, et dont il croyoit avoir l'esprit et l'éloquence. Il avoit l'assurance d'être premier ministre du nouveau roi, et c'étoit à ce poste qu'il cherchoit à s'élever, à l'aide de la popularité qu'il avoit conquise.

Mais ce ne fut pas d'abord le 10 août que les orléanistes choisirent pour le jour où devoit éclater leur nouvelle conjuration. Ils devoient agir dès le premier août. On en a la preuve dans les journaux qui rendoient compte des séances des jacobins. Voici quel étoit le plan des conspirateurs: 1o. assassi ner la reine ; 2°. se rendre maître de la personne du roi, si on ne parvenoit pas à faire prononcer sa déchéance; 3o. pour exécuter ces deux articles on devoit célébrer une fête en l'honneur des Marseillois et de Pétion; cette fête disoient les conjurés, sera comme la journée du 20 juin. Le rendez-vous devoit être le Champ-de-Mars ou les Champs-Elysées. La fête finie, on se seroit porté au château; en passant on auroit enveloppé l'assemblée, et on l'auroit traînée au château; on auroit ensuite obligé l'assemblée et le roi de sortir de Paris, et après leur départ on auroit égorgé tous les proscrits.

Les Marseillois dont il est parlé dans ce plan létoient ces bêtes féroces du Midi, que le comte de Wittgenstein se proposoit de mu seler, et que son successeur dans le comman

dement qui lui fut ôté, rejetta dans la société. Des que Montesquiou eut ce commandement, des bandes de ces cannibales prirent la route de Paris où ils étoient mandés par d'Orléans et Pétion. Plusieurs se trouvèrent à la journée du 20 juin, et y eurent même la principale part: de sorte que si Wittgenstein n'eût pas quitté le commandement du Midi, il est assez vraisemblable que ni cette journée, ni celle plus terrible encore qui la suivit bientôt après, et qui fut entièrement due à ces Marseillois, n'eussent pas eu lieu. C'est ainsi que les plus grands événemens sont souvent engendrés par une cause qu'on apperçoit à peine. Celle qui amena les deux plus mémorables journées de notre révolution, fut peutêtre la trop grande précipitation de Wittgenstein à offrir sa démission.

Le plan au reste dont je viens de rendre compte ne fut pas un mystère; on l'imprima, et le roi en eut une copie authentique. Ceprince depuis la journée du 20 juin s'attendoit à chaque instant à être égorgé. Il étoit si persuadé que les assassins de d'Orléans reviendroient à la charge, et qu'ils auroient enfin sa vie, que dès le lendemain de cette journée, il fit son testament, reçut les secours de la religion, et se mit dans cette disposition d'esprit où l'on n'a plus rien ni à espérer ni à craindre des hommes.

Tout concouroit à prouver à Louis XVI que l'opinion qu'il s'étoit faite, ne pouvoit être plus fondée. Chaque jour Pétion et Manuel venoient l'assurer que s'il persistoit à refuser

les offres qu'ils lui faisoient d'assurer sa retraite dans un lieu sûr, il seroit massacré. Chaque soir, chaque nuit on venoit donner l'allarme au château. Enfin les musiciens même de la Chapelle prirent plaisir à annoncer à Louis sa chûte prochaine. Un dimanche ils insistèrent avec une telle affectation, avec une joie si bruyante et si scandaleuse sur ces paroles du magnificat, deposuit potentes de sede, que chacun comprit à merveille, que les malheureux célébroient d'avance la mort du roi, dont les bienfaits étoient le seul soutien de leur vie. Le chant féroce de ces musiciens, la majesté du lieu, la sainteté de la cérémonie, la présence des victimes, l'indécence d'une aussi noire ingratitude, tout contribua à remplir l'ame des spectateurs de sinistres pressentimens. Louis seul se montra impassible; son épouse, sa sœur, sa jeune fille fondirent en larmes. La première assura depuis que nul outrage ne lui avoit plus cruellement déchiré le cœur, que ce malheureux deposuit potentes de sede.

Enfin la nouvelle et terrible journée que Louis XVI prévoyoit, et sembloit ne pas redouter, arriva. Cette journée ne fut pas celle du premier août comme il avoit d'abord été convenu entre les conjurés. Ils se trouvèrent obligés de la reculer pour deux principales raisons. La première c'est que comme ils s'en étoient flattés, ils ne purent jamais obtenir la déchéance de Louis XVI.

On ne put d'abord déterminer que la seule

por

section de Mauconseil, qui s'appella ensuite de Bon-Conseil, à la demander. Désespérés de n'avoir pour eux qu'une aussi foible tion du peuple, les conjurés firent rédiger par Chénier et Collot -d'Herbois, une petition dans laquelle on supposoit contre toute vérité, que les quarante - huit sections de Paris vouloient la déchéance. Pétion vint ensuite lire cette pétition à la barre de l'assemblée, se disant envoyé par les quarantehuit sections; mais vingt-deux le désavouèrent, et la majorité de l'assemblée ne voulut jamais accorder la déchéance.

Je dois remarquer ici en passant, que ce qu'on appelloit le vœu d'une section, n'étoit la plupart du tems rien moins que son vœu. Une foule de jacobins guettoit le moment où la salle d'une section étoit vuide; elle y entroit, et y prenoit un arrêté qu'on disoit ensuite être l'ouvrage de cette section, tandis qu'à peine vingt des citoyens qui la composoient, avoient coopéré à l'arrêté. C'est à des réflexions de ce genre qu'il faut avoir égard, avant de jetter sur les parisiens tout le blâme des scènes qui se sont passées parmi eux.

La seconde raison qui obligea de reculer l'exécution du complot, fut la nécessité d'attendre qu'on eût dans Paris la totalité des ́ brigands du Midi. Il en arriva en un seul jour une armée entière, enseignes déployées, tambour battant. On lisoit sur quelques-unes de ces enseignes, vive Marseille. Dès le soir même de leur arrivée, ces misérables égor

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