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faut demain aller planter sous les fenêtres du roi, non pas le chêne de la liberté, mais un TREMBLE. Danton, Lasource, Santerre, Robespierre, Legendre alloient et venoient des jacobins dans les différens districts, et par-tout vomissoient mille dégoûfantes imprécations contre la famille royale. Pétion et Manuel couvroient les murs de placards, où ils la déchiroient par mille calomnies.

La veille encore on préluda dans les champs-Elysées, aux forfaits du lendemain, par un repas où se trouvèrent 500 conjurés. Tous les députés du côté gauche furent de cette orgie; l'histrion Dugazon y chanta des couplets qui appelloient la mort sur la tête du roi Clootz qui deux jours auparavant avoit écrit qu'il falloit interdire le roi, y porta les santés. La populace des fauxbourgs fut invitée, et prit part à la fête; elle s'y gorgea de vins et de liqueurs. Clootz lui annonça que le roi seroit interdit le lendemain. et que Monsieur Roland seroit principal ministre avec trois cens mille livres d'appointemens.

Le soir, l'ex-capucin Chabot membre de l'assemblée législative, se rendit au district des Enfans-Trouvés du fauxbourg Saint-Antoine; il y occupa la tribune depuis neuf heures et demie jusqu'à minuit. Lorsque l'épuisement de ses forces l'obligeoit de prendre quelque repos, Albitte, Bazire, Merlin Goupilleau, Lasource membres comme lai

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de l'assemblée nationale, s'agitoient, animoient les séditieux, et les excitoient à tout oser, à tout faire.

Chabot n'ayant plus de poisons à distiller, se mit à la tête d'une partie de la populace; le reste se partagea entre ses collègues. Ces diverses bandes avec leurs chefs se rendirent dans des cabarets, et y passèrent la nuit.

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'Enfin la fatale journée arriva. Dès le matin, Panis et Sergent officiers municipaux, se placèrent dans un café qu tenoit un nommé Cibé, et de-là dirigèrent l'attroupement du fauxbourg Saint-Antoine. Santerre se mit à la tête des séditieux auxquels vin ent se réunir des bandits du fauxbourg Saint-Marceau et de divers autres quartiers de la ville. C'étoit un spectacle horrible à voir que celui de ces phalanges, lorsqu'elles se mirent en mouvement. C'étoit un ramas d'hommes et de femmes à moitié nuds, descendus de tous les galetas, sortis de toutes les tavernes de Paris, des charbonnièrs, des ramoneurs, des crocheteurs, des gagne-deniers, des négres, des négresses; voilà les soldats qui composoient cette armée. Ils étoient armés de piques, d'épées rouillées, de tenailles, de faulx, de fourches, de besaigues, de bâtons, de pioches, de massues. Ils portoient pour enseignes au bout des piques, des haillons, de méchantes culottes noires percées de

mille trous.

Cette hideuse armée étoit composée de plus

de

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de trente mille hommes ou femmes; elle mit quatre heures à défiler dans la rue Saint-Honoré; elle étoit partagée en trois bandes : Santerre commandoit la première, SaintHuruge la seconde, et la femme Théroignede-Méricourt la troisième.

Comme elle défiloit, toute la garde nationale se réunit autour du château et de la salle où les députés tenoient leur séance. Roederer, procureur syndic du département, se présente à la barre de l'assemblée nationale, la prévient que cette troupe veut forcer le château, et l'invite à ne pas la recevois. Dumolard et Ramond appuient cet avis; les conjurés membres de l'assemblée les menacent de la mort. Pendant qu'on s'échauffe, qu'on dispute, Santerre se fait précéder d'une lettre dans laquelle il annorice que sa troupe n'est composée que de huit mille hommes: Lasource ajoute de vive voix, que l'intention de ces huit mille hommes n'est point d'aller au château, mais de laisser à l'assemblée la pétition qu'ils veulent présenter au roi.

Pendant qu'on délibère, les prétendus pétitionnaires forcent la garde, brisent les barrières, et inondent le sein de l'assemblée. Un des leurs, nommé Huguenin, ancien avocat au parlement de Nancy, homme perdu de dettes, vieillara presque septuagénaire, remarquable par sa taille gigantesque, son front chauve, et ses yeux tachetés de sang, se dit l'orateur de ces bandits, et lit uu mé Tome III. M

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moire de huit pages, dont chaque phrase est un arrêt de mort contre la famille royale.

Quand cette furie a fini son discours, toute la horde défile dans l'assemblée, agitant les haillons qu'elle portoit au haut des piques. Elle se rend ensuite sur la place du Carrousel, pour pénétrer dans le château. Trois cents gendarmes défendoient la cour royale; de Rulhières qui les commandoit, leur ordonne de charger. Les uns refusent de le faire; d'autres versent par terre la poudre de leur bassinet; d'autres déchirent la cartouche, et jettent la balle; d'autres enfin agitent leurs chapeaux à la pointe de leurs sabres, et crient bravo à cette populace. Les sappeurs de garde et le suisse, placés à la porte royale, l'ouvrent. En un instant les cours, la terrasse, les vestibules, l'escalier, sont inondés de ces brigands.

Un canon démonté de son affut est porté à force de bras dans la salle des gardes. La porte de l'Eil-de-Boeuf étoit fermée; on la secoue, elle alloit être brisée: c'en étoit fait de la famille royale. Un homme, un seul homme arrêta, désarma ces tigres altérés de sang. Cet homme ce fut Louis XVI. Il court à la porte, et, crie aux Suisses qui la gardoient: Ouvrez, ouvrez ; je ne dois rien avoir à craindre des François! On obéit; des forcenés s'élancent en criant: Où est-il? où est-il? Que nous l'égorgions! Des sabres, des piques menacent la poitrine de Louis. Les Suisses de sa garde tirent leur épée. Non,

non, leur dit tranquillement le roi, remettez vos épées dans le fourreau, je vous lordonne:

Cependant quelques personnes qui étoient auprès du roi, l'entraînent au fond de la chambre; il s'arrête à la troisième travée entouré de quatre grenadiers de la garde nationale, et appuyé sur Acloque un des com mandans de cette garde. Comme le roi étoit entraîné, quelques misérables crient: Où est la reine, nous voulons sa tête! La princesse Elisabeth qui n'avoit point voulu quitter son frère dans ce danger, se tourne vers ces assassins, présente sa poitrine à leurs poignards, et leur dit avec fermeté: La voici la reine. Non, non, s'écrient deux ou trois serviteurs qui l'accompagnoient, ce n'est point la reine, c'est Madame Elisabeth. Eh! Messieurs, de leur grace, dit la princesse, ne les détrompez pas; ne vaut-il pas mieux qu ils versent mon sang que celui de ma sœur? ..... Quel courage! que héroïsme ! Jamais il n'y eut une ame plus grande, plus belle, plus pure que celle de cette princesse qui fut un ange dans ce siècle de corruption.

Voyant qu'il ne lui étoit pas posible de détromper ces misérables, elle se plaça a l'entrée de l'appartement, appuyée sur de Marcilly un de ses écuyers, de sorte que tous ceux qui entroient, étoient obligés de passer devant elle; sa vertu servoit de bouclier à son frère.

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