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Hulle vraisemblance que ce choix pût être contredit, et le roi en cédant dans cette circonstance à l'opinion du parti dominant, croyoit avoir la certitude que Wittgenstein dont il connoissoit les talens militaires, et qu'il savoit ennemi des excès qu'il s'agissoit de réprimer, répondroit parfaitement à ses

vues.

Le comte fut rendu à son poste le 21 mars 1792. Il se convainquit que la force seule pouvoit contenir les bandes d'assassins qui désoloient le midi. Ceux qui l'observoient le devinèrent; ils ne doutèrent point que bien loin de rendre à Jourdan et à ses complices la liberté, il ne les fit punir par les tribunaux d'une manière qui effrayât tous les scélérats dont ils étoient les chefs. Ils s'étudièrent en conséquence à entraver sa marche, à l'environner de dégoûts afin de le contraindre à se retirer.

Dans cette foule de ministres que le malheur des tems poussoit successivement sur les marches du trône, de Grave eut son tour; les orléanistes le portèrent au département de la guerre. Ce fut à lui que Wittgenstein adressa ses plaintes sur les contradictions qu'il éprouvoit ; il terminoit sa lettre en déclarant au ministre, que si on cherchoit à l'entraver dans tous ses pas, sa démission étoit remise dès ce moment entre ses mains.

De Grave le prit au mot; il lui écrivit cette lettre laconique:

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<< D'après le désir que vous avez témoigné, Monsieur, de quitter le commandement du Midi, je m'empresse d'avoir l'honneur de vous prévenir que le roi a accepté la démission que vous avez donnée de ce commandement; sa majesté approuve en conséquence que vous veniez ici, pour aller ensuite reprendre celui de la vingtième division que vous exerciez avant votre départ pour Avignon. »

Signé, P. DE GRAVE.

C'étoit comme je l'ai dit le 21 mars, que Wittgenstein avoit été chargé de ce commandement, et ce fut le 17 avril suivant qu'on l'obligea de le quitter. Ainsi la faction mettoit une telle rapidité dans ses menées, qu'en moins d'un mois de tems, elle contraignit ce géneral d'abandonner un poste où il ne l'auroit certainement pas servie. L'orléaniste Montesquiou lui succéda, et à peine celui-ci eût mis le pied dans le comtat, que Jourdan et tous ses complices recouvrèrent leur liberté. Il y a plus : trois jours après l'arrivée du nouveau commandant, le brigand Jourdan vêtu d'un uniforme d'offcier général, fit une entrée triomphante dans Avignon.

Ces dernières circonstances sont dignes d'attention. Comme ce Jourdan et sa troupe furent ensuite mandés à Paris, et y comnirent les mêmes assassinats qu'à Avignon, tout le sang qu'ils firent couler dans la capi

tale, doit retomber sur Montesquiou le libérateur et le protecteur de ces bêtes féroces. Quelqu'un témoignant à ce général

son

étonnement de ce qu'il avoit jetté dans la société tous ces tigres, il s'écria comme autrefois Chabroud à l'occasion des 5 et 6 octobre: Où est le motif de blâmer? C est un parti qui en dévorera un autre; voilà à quoi tout se réduit.

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Avec de tels généraux Louis XVI se trouvoit absolument à la merci de la faction. Il n'étoit pas plus heureux comme on l'a vu, en ministres. Les uns devoient lui être sus pects, les autres étoient notoirement orléanistes. Parmi ces derniers, Dumouriez est un de ceux que la France et même le le monde entier doit le plus exécrer. Il parvint par des manières hypocrites et des protestations de fidélité à la personne du roi, obtenir le département des affaires étrangères. Il l'eut à peine, que laissant là toute dissimulation, il courut dans la caverne des jacobins, et y prit cette coëffure honteuse qui étoit le signe auquel on reconnoissoit les francs orléanistes.

Dumouriez jetta tant d'argent dans l'assemblée législative et parmi les journalistes, il souleva avec une telle impétuosité la majeure partie de la nation, il circonvint le monarque avec une telle opiniâtreté, que le malheureux Louis XVI signa en pleurant une déclaration de guerre contre l'empereur dont les intentions étoient parfaitement connues,

et duquel comme le prouvera l'histoire, on pouvoit tout obtenir par la seule voie de la représentation.

Dumot riez reste responsable au genre "humain de tout le sang que cette guerre a fait couler, et fera couler encore. Ce fut pour le plus grand avantage de d'Orléans qu'il la fit déclarer. Lui même vint peu de tems après se mettre à la tête d'une armée que le prince put regarder comme entièrement à lui. Dumouriez donna avec une impudente affectation tous les commandemens de quelqu'importance à des officiers orléanistes. Il trainoit avec lui dans les camps, des femmes ́qu'on avoit vues se prostituer à d'Orléans; i montroit aux soldats le duc de Chartres; il appelloit le jeune prince l'espoir de la nafin, le Germanicus françois; il lui procureit des succès faciles que les journalistes ensuite présentoient comme des exploits guerriers.

Le comte de Narbonne autre ministre de la guerre, à qui le surnom de Ministre Linolle que les royalistes lui donnèrent, est resté, ne servit pas moins la faction orléaniste par son inconsidération. Présomptueux à l'excès, il se rendit maître de toutes les ave nues du trône, et tint éloignés du châtean, tous ceux dont le zèle pour la famille royale étoit connu; il prit une autorité despotique sur le conseil, et le conseil ne fit plus que des sottises; il s'empara des revenus de la liste civile, et les prodigua aux Chabot, aux

Lasource aux Guadet, aux Brissot, aux Gorsas, aux Santerre, aux Danton,

aux

Carra, aux Saint Huruge, aux Clootz, aux Coustard, aux Marat, aux Condorcet, à une femme tarée qui se faisoit appeller Théroigne de Mericourt, enfin aux plus mortels ennemis de Louis et de sa famille. Chabot capucin apostat eut seul pour sa part cinquante mille écus.

Narbonne croyoit par cette prodigalité, forcer tous ces gens-là à concourir à ses vues. Comment y auroient-ils concouru, lorsque Jui-même ne savoit pas où il tendoit? Ils recevoient son argent, lui donnoient en retour des promesses qu'ils n'avoient nulle envie de tenir, et n'en continuoient pas moins à pousser d'Orléans au trône.

Mais les ministres qui dans les derniers jours du règne de Louis XVI donnèrent à la faction plus d'audace, plus d'énergie, plus d'assurance d'un succès complet, furent Servan, Roland et Clavière. Le premier étoit la créature de Pétion, le second de Brissot, et le troisième de Condorcet. Ce furent trois furies acharnées à torturer Louis XVI, et constamment appliquées à trouver un moyen prompt, un moyen infaillible de le jetter au milieu des assassins.

Le plus beau rêve, disoit le feu roi de Prusse, que puisse faire un roi, c'est de réver qu'il est roi de France. Si Frédéric eût vécu de nos jours, s'il eût yu combien les tems étoient changés, il eût tenu un lan

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