Page images
PDF
EPUB

ment avoit bien l'administration des subsistances, mais il manquoit dans Paris de magasins pour faire des provisions de longue durée. On entreprit donc d'empêcher l'arrivée des bleds dans Paris. On sema des craintes parmi les habitans des campagnes; on leur donna des allarmes sur leur subsistance, on les engagea à retenir leurs bleds. C'étoit un moyen infaillible d'affamer Paris, Au sein du désordre qu'auroit engendré cette famine, on eût égorgé les administrateurs et avec eux le roi que les orléanistes ne cessoient d'accuser de s'être ligné avec le département, pour accaparer les bleds.

Ces horribles menées eurent quelque succès. Il y eut de grands désordres, notamment à Évreux, à Etampes, à Corbeil. Un des ministres du roi voulant être autorisé par les orléanistes mêmes, à mettre fin à ce brigandage, s'énonça ainsi dans une procla mation: « On prépare un grand complot, car Paris est cerné; il l'est par des meneurs qu'on désignoit autrefois sous la qualification de gens de distinction. On les reconnoit à leur langage, et au beau linge qu'ils portent sous des haillons.

Les orateurs de l'assemblée législative sai-/ sirent cette occasion pour s'emporter en déclamations contre ce qu'ils appelloient l'aristocratie et le fanatisme des prêtres. Les esprits étant suffisamment échauffés par ces déclamations, les ministres représentèrent qu'il étoit donc urgent de réprimer et cette

pour

cela,

aristocratie et ce fanatisme; et qu'il falloit qu'ils fussent autorisés à envoyer des troupes qui chasseroient les aristocrates et les fanatiques, rétabliroient l'ordre, et protégeroient la libre circulation des subsistances. L'assemblée n'osa se refuser à cette conséquence: les ministres obtinrent l'autorisation qu'ils demandoient, et ils envoyèrent des troupes qui chassèrent, non les aristocrates, non les fanatiques, mais les brigands qui vouloient que la famine désolât la capitale.

Ces brigands ne pilloient pas les bleds mais ils brûloient les meules; ce qui prouvoit évidemment qu'ils n'avoient pas besoin de grains, car si ce besoin eût été le motif de leurs excès, ils eussent volé, et n'eussent pas incendié.

La mesure prise par les ministres ne pou voit certainement être plus réguliere. Cepeadant les Gorsas, les Carra, les Brissot, les Pétion, les Robespierre, les Marat, les Hébert, les Danton, et toute la populace orléaniste, crièrent que cette mesure étoit un acte révoltant de despotisme; ce n'étoit certes pas par bonté pour l'aristocratie.

On prit quelques-uns des chefs de ces bandits, et il faut croire que si l'on n'affichât pas leur nom à tous les coins des rues, que si on ne les punit pas, ce ne fut pas par ménagement pour les aristocrates.

Dans une de ces émeutes, le maire d'Etampes fut massacré; il le fut, parce qu'il

vouloit protéger la libre circulation des grains. On projetta à Paris, de célébrer une fête en l'honneur de ce malheureux, Les orléanistes, Pétion à leur tête, mirent tout en œuvre pour s'opposer à l'exécution de cette idée; ils ne réussirent pas; la fête eut lieu parce que le département l'emporta encore dans cette occasion; mais si l'aristocratie nobiliaire ou sacerdotale comme on disoit alors, eût été cause de cet assassinat les orléanistes ne se fussent pas récriés contre les honneurs qu'on vouloit décerner aux cendrés de l'infortuné maire d'Etampes, et son assassin eût été puni.

[ocr errors]

On voit par les seuls détails dans lesquels je viens d'entrer, que les orléanistes furent sous la seconde comme sous la première législature, les seuls auteurs de nos maux. Ils n'avoient pas pour eux la majorité de l'assemblée nationale; mais la minorité qui leur étoit dévouée, aidée de Pétion, de Santerre, comprima constamment la majorité, et fipar la subjuguer entièrement.

nit

« Dans une société où les passions des par ticuliers, dit un écrivain (1) qui a été membre de la première assemblée nationale, ne sont point dirigées vers un but général, où chacun ne pensant qu'à soi, ne voit dans l'incertitude du lendemain que l'intérêt du

(1) Volney; Voyage en Syrie et en Egypte, Tom. I, p. 143.

moment, où les chefs n'imprimant aucun sentiment de respect, ne peuvent maintenir la subordination: dans une pareille société, un état fixe et constant est une chose impossible; et le choć tumultueux des parties incohérentes doit donner une mobilité perpétuelle à la machine entière. »

Tel fut l'état de la France pendant le règne de la seconde assemblée législative. Dès la première de ses séances, sa minorité l'a mit. en guerre avec le roi, avec le département, avec toutes les autorités, avec tous les individus qui n'étoient pas orléanistes. D'une part elle feignoit pour l'acte constitutionnel un attachement qui alloit jusqu'à l'idolatrie; de l'autre elle faisoit présenter au peuple par les jacobins, l'appât de la loi agraire et d'un gouvernement républicain. Elle donnoit pour prétexte de ses attaques journalières contre le roi, que ce monarque ne donnoit sa confiance qu'à des royalistes ;. que tous ses ministres et tous ses généraux étoient anti-constitutionnels.

Cette tactique n'avoit d'autre but que l'exécution du projet que d'Orléans avoit formé dès les premiers jours de la révolution. On vouloit susciter à Louis XVI tant de dégoûts, tant de désagrémens, qu'il fût obligé d'abandonner de nouveau la capitale. Fidèle à la parole qu'il avoit donnée aux membres de la première assemblée nationale, il dévora tout, et attendit avec patience dans son

[merged small][ocr errors]

château, la fin des nouveaux orages quile menaçoient.

Au milieu des attaques que Louis XVI recevoit sans relâche, sa situation devenoit tous les jours plus pénible, et le mettoit dans l'impossibilité de se tracer un plan de conduite qui ôtât toute occasion à ses ennemis de le persécuter. Sa résolution du jour ne pouvoit jamais être celle du lendemain, parce que le lendemain on le forçoit de rétracter les résolutions qu'on lui avoit arrachées la veille. Les conseils qu'on lui donnoit se combattoient: il lui étoit difficile de discerner parmi ceux qui vouloient s'emparer de sa confiance, les faux amis des véritables amis. Depuis la malheureuse journée que les orléanistes avoient appellée la journée des poignards, le nombre des émigrés s'étoit considérablement accru; à cette époque, une foule d'anciens serviteurs que, Louis XVI chérissoit, et dont il aimoit à suivre les avis, avoit abandonné la cour et la France: il ne restoit auprès de lui qu'un petit nombre de royalistes. Presque tous ces royalistes soit sincèrement, soit par dissimulation se disoient constitutionnels. Il y a plus: presque tous avoient brigué ou obtenu des places du nouveau régime, et ceux qui ne jenent pas par eux-mêmes un rôle dans ce nouveau régime, le joucient ou par leurs en fans, ou par leurs plus proches parens. Ces royalistes disoient bien au roi, que s'ils caressoient la

« PreviousContinue »