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un véritable idiot en aflaires; la politique du second comme on a dù le remarquer souvent dans le cours de cette histoire, n'alloit jamais au-delà du moment; il ne savoit rien faire pour l'avenir. Ils auroient dù au sortir du Champ-de- Mars, se transporter aux Jocobias, et former leur antre, de-là se rendre à l'assemblée nationale, et en exiger la dissolution totale de cette infernale société.

Faute d'avoir pris cette double mesure, ils ne retirèrent absolument aucune utilité de l'expédition du Champ-de-Mars. La caverne des jacobins continua à être le rendezvous de tous les conjurés orléanistes. Ceux-ci engendrèrent.tant de calamités, tant de désordres, que l'assemblée nationale désespéra du salut de la chose publique. Elle crut la France sur le point d'être déchirée tout-à-lafois et par la guerre civile et par les armes des puissances étrangères. Les fléaux que commençoit à engendrer la circulation des assignats, la difficulté de procurer des subsistances à la capitale, achevèrent de la décourager; elle se confessa incapable de tenir plus longtems les rênes du gouvernement. On se hata de faire un triage dans cet amas informe de projets de loix qu'on avoit enfautées dans le cours de plus de deux années; on lia les articles qu'on adopta, de manière que leur ensemble ne ressembloit pas mal à une longue suite de sommaires de chapîtres; on y cousit quelques lambeaux de la constituTom. III.

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tion américaine; et on appella cette compi lation mal digérée, le code constitutionnel des François.

Pour que la chose allât plus vite, il fut arrêté que l'assemblée délibéreroit non sur les détails, mais sur l'ensemble de cette constitution, et qu'on décideroit par assis et levé, si elle seroit acceptée ou rejettée. Elle fut acceptée; le roi l'accepta aussi comme il l'avoit promis, et sur-le-champ on appella une seconde assemblée législative.

C'est de cette manière que nos premiers représentans mirent fin à leurs travaux, ou plutôt à leurs combats contre les royalistes; car la destruction des deux premiers ordres de l'état fut la principale, et même l'unique fin des opérations de notre première assemblée nationale. On peut d'ailleurs lui appliquer ce que Salluste disoit de la Noblesse de Rome: Plus in reliquum sibi timoris quàm potentiae addidit, quae res plerumque magnas civitates pessumdedit, dum alteri alteros vincere quovis modo, et victos acerbiús ulcisci volunt.

Cette première assemblée nationale dissoute, la France resta divisée en quatre grands partis : les royalistes, les impartiaux ou monarchiens, les constitutionnels et les orléanistes.

Duchâtelet, la Rochefoucault, d'André, Barnave, Frêteau, Tronchet, Bouche, la Favette, Bailly, Goupil, Garat l'aîné, Wimpffen Duport-du-Tertre, Thouret, Rabaud de St.

Etienne, Lechapelier, Talleirand-Périgord, évêque d'Autun, Bureau de Pusy, Dupont de Nemours, Salles, le vicomte de Noailles, Lecoulteulx, Laborde-Méreville, Roederer, Durand de Maillane, Populus, Monneron Dionis du Séjour, Guillaume, d'Ormesson, tels furent les héros du parti constitutionnel. La faction de d'Orléans se trouva composée de tous les jacobins du royaume, c'està-dire de toute la canaille de France et de toute la populace des fauxbourgs de Paris, Les grands meneurs de cette faction furent Danton, Santerre, Dumouriez, Valence, Biron, Crillon, Latouche, Laclos, Voidel, Victor-Broglie, Gouy d'Arcy, l'abbé Fauchet, Chabroud, Condorcet, Noël, Brissot, Carra, Gorsas, Marat, Robespierre, Sieyes, Barère, l'abbé Grégoire, le marquis: de Montesquiou, d'Aiguillon, Buzot Lepelletier de Saint-Fargeau, Dubois de Crancé, le baron de Menou, Rewbel, Pétion, Manuel.

J'ai déja remarqué, et je remarque encore ici que presque tous les orléanistes ont soutenu depuis la mort de leur chef, n'avoir jamais appartenu à son parii; mais je ne sau-, rois trop répéter que ce n'est pas à leur dénégation qu'il faut s'en rapporter. Les faits. qui vont suivre, prouveront qu'à l'époque; de la dissolution de la première assemblée, ceux que je viens de nommer, étoient encore de la faction d'Orléans, et que ces vœux jettés dans le public, de l'établissement d'une

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république et de la loi agraire n'étoient qu'une ruse imaginaire pour s'attacher le petit peuple, et laisser derrière le voile l'homme qu'on vouloit mettre à la place de Louis XVI.

Je dois dire que parmi les constitutionnels, plusieurs ont prétendu n'en avoir eu que la physionomie, et avoir toujours été dans le cœur ardens royalistes. On compte dans cette classe, des officiers généraux, et la plupart des derniers ministres de Louis XVI. Mais l'histoire ne juge pas des physionomies; elle ne juge que les actions; et celui qui l'écrit, ne doit rendre compte à la postérité que de ce qu'ils ont fait, et non des sentimens qu'ils tenoient cachés dans leur cœur. J'oserai de plus remarquer qu'il n'est ni loyal, ni d'une bonne politique d'afficher une opinion qu'on n'a pas; c'est se rendre suspect au parti qu'on feint d'abandonner et trahir celui qu'on feint de servir, et je pense que dans quelque situation où l'homme puisse se trouver la trahison est uné ressource qu'on ne doit jamais employer même contre les scélérats, parce qu'il n'est jamais permis de recourir à une ressource odieuse vile et criminelle. Ces royalistes à masque constitutionnel, n'ont cessé pour excuser la duplicité de leur conduite, de citer l'exemple du célèbre Monk; mais d'abord un exemple unique est une fort mauvaise règle de conduite. Ensuite il n'est pas vrai que Monk ait été un traître; ce fut un homme trompé

quiresta fidèle à Cromwel, aussi long-tems que cet ambitieux régna. Désabusé de ses erreurs, il fut aussi fidèle à son légitime roi qu'il l'avoit été à l'usurpateur dont les impostures l'avoient égaré. Ainsi la mémoire de Monk reste pure; elle a passé à la postérité sans aucune tache de perfidie, parce que la réparation d'un tort n'est pas une trahison.

Fin du seizième Livre.

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