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roi; on promit au monarque, s'il vouloit s'engager à ne plus quitter la capitale et à accepter la constitution qui lui seroit présentée, non-seulement de ne point décréter sa déchéance, mais encore de consolider son autorité, et de lui fournir même par l'acte constitutionnel, les moyens de la rendre res pectable; on se soumit de plus à rédiger ce code constitutionnel de manière qu'aucun article ne pût répugner à sa conscience. Louis XVI impatient de se réunir à sa famille, et de reconquérir sa liberté, et ne doutant nullement de la sincérité des promesses qu'on lui faisoit souscrivit sans hésiter, le double engagement qu'on lui demandoit, c'est-à-dire qu'il s'engagea par écrit à n'abandonner la capitale que quand le royaume seroit parfaitement tranquille, et à sanctionner l'acte constitutionnel.

La chose étant ainsi arrangée avec le roi, on indiqua le jour où il seroit définitivement prononcé sur l'espèce de procédure faite à l'occasion de la fuite du monarque. Ce jour arrivé, les jacobins restés fidèles à d'Orléans, qui ne savoient rien de ce qui avoit été convenu avec le roi, ne doutèrent point qu'ils ne remportassent une victoire complette. Les comités militaire, diplomatique, de constitu tion, de jurisprudence criminelle, des rapports, des recherches, avoient été chargés de présenter le rapport de cette grande affaire. Ce rapport fut à l'avantage du monarque, ce qui jetta les orléanistes dans un grand éton

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nement; ils virent par-là que la majorité des membres de ces comités n'étoit pas de leur bord.

Le rapport fini, les orléanistes le combattirent vivement; ils parièrent longuement, et ne furent point interrompus. Quand tous leurs orateurs eurent successivement occupé la tribune, Barnave y parut; il jetta alors son masque, prononça un discours éloquent, combattit de front ceux qu'il appella des factieux, et ne dit rien qui ne fût à l'avantage du monarque. Les orléanistes frémirent de rage, mais lear fureur fut impuissante. Barnave fut appuyé par tout son parti, par les royalistes, par les impartiaux; de sorte que cette fois la très-grande majorité se tourna contre les jacobins; leur défaite fut complette. On se borna à prononcer des décrets d'accusation coutre le marquis de Bouillé et quelques-uns des officiers qui devoient favoriser son projet; on rendit au roi la portion de liberté dont il étoit privé depuis son retour de Varennes; on le laissa maître de l'éducation de son fils. L'histoire doit même cette justice à la Fayette et à Bailly, que, dès ce moment, ils se prêtèrent avec zèle à procurer au monarque tous les adoucissemens que comportoit sa situation.

Après cette démarche, Barnave et les siens rompirent ouvertement avec les jacobins. Ils abandonnèrent leur société, et allè rent former un club au couvent des religieux Feuillans; ses membres prirent aussi le titre

d'amis de la constitution; ils eurent pour premier président, Bouche, et pour premiers secrétaires Salles et Antoine.

Cette désertion et l'événement qui l'avoit précédée, changèrent en autant de furies les jacobins restés dans le parti de 'd'Orléans. Robespierre comme un homme qui avoit perdu le jugement, crioit à haute voix dans les rues Mes amis, tout est perdu, car le roi est sauvé. On se porta à tous les specta cles pour les faire fermer, comme si la nondestitution du roi eût été une calamité publique. Ce mouvement fut si brusque que tous les spectacles en effet furent fermés à l'exception de l'Opéra où la Fayette accourut, et dispersa les bandits qui assiégeoient

la salle.

Les orléanistes ne se bornèrent pas à ces troubles; ils soudoyèrent des légions de brigands et d'assassins. Tout-à-coup ces misérables couvrirent le champ de Mars. Pendant qu'ils s'y rendoient, Brissot rédigeoit dans la société des Jacobins une pétition, pour que ces scélérats la signassent, et la portassent ensuite à l'assemblée nationale. L'objet de cette pétition étoit de demander de rechef le jugement et la destitution de Louis XVI. Brissot qui feignoit comme tant d'autres, de n'être pas orléaniste, et de vouloir une république, étoit réellement à cette époque un des hommes de d'Orléans. La pétition en est elle-même une preuve; car le dernier article ménageoit à d'Orléans

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le trone. Ce fait est avoué par la femme Roland dans ses mémoires. (1) Brissot lui-même en convint depuis devant-le tribunal révolutionnaire; mais il prétendit que la phrase dans laquelle on insinuoit que Louis étant censé avoir abdiqué par sa fuite, il falloit lui choisir un successeur, fut insérée par Laclos (2).

La pétition étant rédigée, un nommé Anjou et un autre orléaniste dont le nom ne me revient pas, la portèrent au Champde-Mars, et fournirent aux signataires deux mains de papier, six plumes et une bouteille d'encre.

Le premier exploit de ces signataires fut de massacrer de sang-froid deux malheureux invalides qui déjeûnoient paisiblement au Champ-de-Mars, et de mettre leurs têtes sur des piques.

La Fayette et Bailly envoyèrent à onze reprises différentes, invitation aux attroupés de se séparer. Ceux-ci insultèrent les porteurs de l'invitation, et bien loin de se séparer, quelques-uns d'entr'eux se répandirent dans la ville pour recruter de nouveaux bandits. Leur nombre ne faisant que s'accroître, la sédition devint allarmante. Des

(1) Pag. 42.

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(2) Voyez procès de J. P. Brissot, imprimé chez Clement, p. 111.

espions répandus parmi eux rapportèrent que la signature de la pétition' n'étoit qu'un prétexte pour former un grand rassemblement, et qu'à l'entrée de la nuit, on devoit se por ter au château, y égorger la famille royale, et proclamer d'Orléans roi.

La Fayette allarmé de cet avis, voulut voir ce que sa présence produiroit parmi les rebelles, il s'avança vers le champ-de-Mars; mais comme il alloit y entrer, un de cesse lérats lui tira un coup de fusil qui rata. La fermentation devenant extrême, ce fut une nécessité de déployer une grande force. Bailly et les autres officiers municipaux parurent avec le drapeau rouge, et la Fayette revint escorté d'un nombreux détachement de la garde nationale.

Les séditieux bien loin d'obéir aux trois sommations qui leur furent faites de se retirer, firent pleuvoir une grêle de pierres sur la garde nationale, et lui tirèrent même plusieurs coups de pistolet. Elle eut ordre de faire feu; elle obéit. La terreur se mit alors parmi ces brigands. En un clin-d'œil ils aban donnèrent le Champ-de-Mars, et se sauverent avec la plus grande précipitation, remplissant Paris de leurs plaintes et d'imprécations contre Bailly et la Fayette. Il y eut de leur côté onze morts et treize blessés, et du côté de la garde nationale un mort et deux blessés.

Le maire et le commandant ne surent pas profiter de leur avantage. Le premier étoit

un

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