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poste de Sainte-Menehould, et un nommé Guillaurae commis au directoire de la même ville, à qui on attribua la gloire d'avoir arrêté le roi. Ceux qui se disputèrent l'honneur de les avoir aidés dans cette fonction, furent en grand nombre. Je citerai seulement les noms de Toulotte, Bellette, Thévenin Chevalette, Georges, Toussaint fils, Chevallon le jeune, Sauce, Leblanc, Bellitte.

Des que la nouvelle de la détention du roi à Varennes parvint à Paris, la Fayette fit partir un détachement nombreux de sa garde nationale pour escorter le monarque ; d'Orléans envoya au devant de lui des troupes de bandits, et l'assemblée nationale dépêcha trois commissaires pour protéger sa marche jusques dans la capitale. Ces trois commis-. saires furent la Tour-Maubourg, Barnave et Pétion, tous trois à cette époque zélés orléanistes. Les deux derniers prirent place dans la voiture du roi, et on remarqua que Pétion tint constamment le jeune dauphin sur ses genoux.

Je ne décrirai point tous les outrages que la famille royale reçut dans le long trajet de Varennes à Paris. Je me bornerai à un seul trait. Le marquis de Dampierre apprenant que le roi passoit à son voisinage, n'obéit qu'au mouvement de son zèle; il monte à cheval, court après le monarque fend la foule qui l'environnoit, s'approche de la voiture descend de cheval, s'ineline, et baise respectueusement la main

il

de l'infortuné Louis XVI. Comme le gen tilhomme étoit dans cette attitude, on lui tire trois coups de fusil dans les reins tombe; les roues du carosse passent sur son corps, et le brisent; son dernier sentiment est pour le monarque; son dernier cri est vive le roi! Qu'on juge de l'affliction de Louis XVI dont la main étoit encore mouillée des larmes qu'y avoit versées ce fidèle àmi!

Je dirai aussi qu'on avoit eu la cruauté de placer sur le siège du cocher deux gardes-du corps qui avoient suivi le roi dans sa fuite. Leurs mains étoient liées comme s'ils eussent été des malfaiteurs ; un soleil ardent brûloit ; leur visage, et leurs yeux ne rencontroient que des hommes féroces qui leur reprochoient la fidélité et l'attachement qu'ils conservoient à leur malheureux maître.

A mesure que le cortège approchoit de Paris, les insultes redoubloient, et peutêtre les assassins envoyés par d'Orléans, se fussent baignés dans le sang de la famille royale, si la garde nationale n'eût formé autour d'elle une masse impénétrable. La Fayette qui étoit allé au devant d'elle, encourageoit le peuple à l'outrager, il défendoit qu'on se découvrît, et dictoit lui-même les imprécations qu'il falloit proférer. Après une conduite aussi atroce, on ne conçoit rien à l'impudence de ceux qui représentent aujourd'hui ce même homme comme un tendre et fidèle ami de Louis XVI. Cette ré

flexion que j'ai déja faite, s'échappe de ma plume, chaque fois que mon récit me conduit à parler de la Fayette.

Le rôle qu'il joua dans cette déplorable circonstance, fut d'autant plus infâme, que lui-même avoit attiré sur la tête du monarque ces malheurs qu'il avoit la lâcheté de lui reprocher. Je ne saurois en effet trop répéter que son parti comme tous les autres partis, avoit employé toutes les sortes de stratagêmes pour contraindre Louis XVI à s'éloigner de la capitale. C'est aujourd'hui une vérité avérée, et que personne ne révoque plus en doute. Garat lui-même dans ses mémoires sur la révolution fait l'aveu formel que le voyage de Louis XVI à Varennes, étoit une affaire sçue, prévue, et concertée par tous les par tis. Une telle vérité doit être présente à l'historien qui transmettra à la postérité la vie de Louis XVI.

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Le roi rentré dans son château des Tuileries, fut séparé de son épouse, et du reste de sa famille; on lui défendit toute communication avec la reine, avec ses enfans, avec sa sœur. Toutes ses augustes personnes furent prisonnières. Ceux qui les avoient accompagnées à Varennes, furent sans distinc tion de sexe, jettés dans les prisons de l'Abbaye.

Le soir même du jour où le roi arriva, le duc de Chartres sollicita et obtint l'agrément d'aller monter la garde dans l'intérieur

du château. Le duc d'Orléans de son côté, sans qu'on puisse dire quel étoit son motif, passa la soirée entière dans une méchante boutique de barbier, qu'on voit encore aujourd'hui sur la place du Carrousel', vis-àvis la cour qu'on appelloit Royale. Là ce prince, après s'être fait raser, joua aux dames avec des laquais; il prenoit sans doute ce honteux avilissement pour de la popula

rité.

Le premier soin de l'Assemblée nationale fut de suspendre Louis XVI des fonctions de la royauté. De la suspension à la déchéance, le chemin étoit court, et de la déchéance à l'élévation du duc d'Orléans, il n'y avoit qu'un pas. Le prince crut ¡oucher au terme de ses voeux; plusieurs personnes qui n'étoient pas de son parti, crurent éga lement la perte du roi certaine, et qu'il n'y auroit de salut que pour ceux qui se seroient rangés autour de d'Orléans. Quelques offi ciers - généraux qui se trouvcient alors à Paris, s'empressèrent de prêter serment de fidélité et d'obéissance à l'Assemblée nationale; le vieux comte d'Affry, colonel des Suisses et Grisons, fut de ce nombre; il se traîna à la barre de l'Assemblée nationale pour y prêter le même serment. Cette démarche ne trompoit personne; chacun voyoit que ce n'étoit pas précisément à l'Assemblée qu'on juroit fidélité et obéissance, mais à celui qu'elle elle jugeroit à propos de revêtir de l'autorité royale. Jamais les espérances de

d'Orléans

d'Orléans n'avoient été plus fondées; jamais il n'avoit été aussi près du trône ; il ne lui falloit qu'une hardiesse commune et un léger mouvement de courage pour s'y placer.

Avant de prononcer la déchéance du roi, on voulut entamer une sorte de procédure. Il fut décidé que le monarque et son épouse subiroient un interrogatoire. Cette nouveauté pénétra d'indignation les royalistes de l'Assemblée; ils la combattirent avec force mais tout ce qu'ils purent obtenir, fut que le mot interrogatoire ne seroit point employé, et qu'on se borneroit à demander au roi et à la reine, leur déclaration.

Tronchet, d'André et Duport furent chargés de l'aller recevoir, Les explications que donnèrent le roi et la reine furent pleines de dignité et de sagesse. Il n'y eut personne de compromis. Le monarque et son épouse prirent tout sur leur compte.

« Je vois, Messieurs, dit le roi, par l'objet de la mission qui vous est donnée, qu'il ne s'agit point ici d'un interrogatoire ; mais je veux bien répondre au désir de l'Assemblée nationale, et je ne craindrai jamais de rendre publics les motifs de ma conduite.

<< Les motifs de mon départ sont les outrages et les menaces qui ont été faits à ma famille et à moi-même. Plusieurs écrits ont cherché à provoquer des violences contre ma personne et contre ma famille; et ces insultes sont restées jusqu'à présent impunies; j'ai cru dès-lors qu'il n'y avoit Tome III.

I

pas de

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